RIEN NE LIE CES DEUX PAYS, sinon qu'ils ont sans doute profité tous les deux des secrets atomiques que leur a livrés le père de la bombe pakistanaise, Ahmed Khan ; et qu'il s'agit de deux dictatures particulièrement hostiles aux Occidentaux. Les deux régimes font face à des difficultés internes, ce qui les radicalise davantage.
La première question a trait à l'inanité de tous les programmes occidentaux de non-prolifération. Ils ont certes donné des résultats probants en Amérique latine, en Libye, en Afrique du Sud ; mais ils auraient été plus efficaces si les Etats-Unis ou l'Europe avaient neutralisé un seul homme, Ahmed Khan. Or celui-ci vit confortablement au Pakistan, après s'être enrichi en vendant ses secrets à Pyongyang et à Téhéran, et peut-être à d'autres gouvernements.
Les provocations de Kim.
Ni pour l'Iran ni pour la Corée du Nord, les gouvernements américain et européens n'ont montré la moindre mansuétude. Ils se sont néanmoins heurtés aux procrastinations du régime iranien qui poursuit le développement de sa bombe tout en feignant de donner des gages à la non-prolifération ; et jure, bien sûr, de n'avoir que des ambitions civiles. Quant au dictateur nord-coréen, Kim Jong Il, il se livre à de constantes provocations diplomatiques et militaires. D'une part, il ne cache pas qu'il veut avoir la bombe pour faire chanter les Etats-Unis et le Japon au-dessus duquel il a déjà fait voler des missiles ; d'autre part, il fait de l'accès au club atomique un atout propre à perpétuer son régime.
On aura pu remarquer que George W. Bush, qui a envoyé un corps expéditionnaire en Irak pour y trouver des armes de destruction massives inexistantes, ne songe pas un instant à attaquer la Corée du Nord. Pour diverses raisons : un raid sur les installations nucléaires coréennes entraînerait une offensive militaire de Kim Il Jong contre la Corée du Sud, une mobilisation de la Chine populaire et même la consternation des Japonais et des Sud-Coréens, qui jouent l'apaisement. Comme la Chine, qui n'a aucun intérêt à avoir un voisin aussi menaçant, ne semble pas désireuse d'ouvrir une crise avec Pyongyang, on peut dire que Kim a les mains libres pour achever son programme et exercer son chantage.
L'Iran, de son côté, est parvenu à disséminer et à enterrer ses installations nucléaires ; les Israéliens continuent à dire qu'ils ne peuvent pas tolérer que Téhéran les menace de la sorte. Les Iraniens ont aussitôt menacé Israël de le faire disparaître. Mais, derrière ces rodomontades, il y a un risque sérieux d'escalade qui peut conduire à d'énormes tensions dans ce Proche-Orient qui a surtout besoin de paix.
Le problème se situe dans la détermination de chacun des deux pays : le régime des mollahs doit, pour survivre, museler l'opposition composée par les intellectuels, la bourgeoisie et la jeunesse. Il n'y a rien de tel pour revigorer une dictature que de désigner l'ennemi national et d'ouvrir un conflit qui exacerbe le patriotisme. De leur côté, les Israéliens sont les seuls à s'être montrés efficaces en matière de non-prolifération : en 1982, ils ont lancé un raid contre le réacteur nucléaire de Saddam Hussein (construit avec l'aide généreuse de la France), l'ont détruit et, depuis, on a eu la confirmation que le dictateur irakien n'avait jamais pu reconstituer les éléments d'une bombe.
Les Iraniens savent de quoi Israël est capable, et c'est la raison pour laquelle non seulement ils ont tiré la leçon de ce qui est arrivé à Saddam en enfouissant leurs installations, mais menacent aussi Israël d'atroces représailles au cas où ils seraient agressés par lui.
En outre, ils ont des arguments : il leur faudra encore quelques années pour avoir la bombe, mais, comme les Coréens, ils ont des missiles de longue portée capable d'atteindre Israël et le cœur de l'Europe.
FACE A LA PROLIFÉRATION, LE DÉSARROI DE LA SUPERPUISSANCE EST ALARMANT
Le désarroi américain.
On note que, dans cette affaire, les Etats-Unis sont extrêmement désemparés. Ils ont approuvé la démarche des Européens qui consiste à trouver avec Téhéran un compromis diplomatique que l'Agence internationale de l'énergie atomique pourrait avaliser. Mais ils expriment leur impatience devant les lenteurs d'une procédure qui semble d'ailleurs avoir échoué puisque les Iraniens se sont fâchés avec leurs interlocuteurs européens et internationaux.
On mesure ainsi les limites de la superpuissance : elle ne peut pas empêcher partout la prolifération des armes nucléaires ; elle assiste à la création de nouvelles puissances atomiques terriblement dangereuses parce qu'elles sont dirigées par des régimes autoritaires et corrompus ; et elle semble avoir donné le meilleur d'elle-même dans la guerre en Irak, qui épuise ses ressources humaines et financières. Or, si l'Amérique est incapable de protéger Israël (et peut-être l'Europe), il faudra, comme cela est arrivé par le passé, qu'Israël se protège lui-même. Bien entendu, on entendra alors la clameur indignée du monde entier et on lira les longues et savantes études des détracteurs de la guerre de prévention. Sans compter une opinion européenne, persuadée qu'Israël est un pays dangereux. Mais la réputation d'un pays est moins importante que sa survie.
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