JACQUES CHIRAC espérait bien qu’en demandant à Jean-Pierre Raffarin de partir et en confiant la charge de Premier ministre à Dominique de Villepin, il donnerait un nouveau rythme au programme de la majorité et améliorerait sa propre popularité. Il n’en est rien. Les résultats de la gestion du pays par ce gouvernement qui n’a qu’un an ne sont pas nuls du tout. On devine une baisse du taux de chômage qui va se confirmer ; les projets sociaux (construction de logements, nouveaux contrats d’embauche, amélioration de certaines prestations sociales, par exemple pour les handicapés) apportent un peu d’espoir aux chômeurs et aux exclus ; le taux de croissance est remonté à 2 %. Pourtant, l’impression dominante est l’aversion du pays pour le gouvernement, pour l’Etat en général et pour l’autorité.
M. Chirac, dont on affirme, à tort ou à raison, « qu’il ne croit à rien », a souvent changé de conviction. Candidat en 1995 sur le thème de la fracture sociale, il n’a pas trouvé mieux pour illustrer ce thème que l’austérité du plan Juppé. Ses promesses de baisses d’impôt à l’occasion de son deuxième mandat ont semblé indiquer un considérable infléchissement libéral. Mais, lorsque Jean-Pierre Raffarin a lancé son programme de réformes avec les conséquences politiques que l’on sait, le chef de l’Etat lui a rappelé d’abord qu’il fallait garder un certain nombre d’objectifs sociaux, puis il a changé de Premier ministre.
Contradictions apparentes.
On peut dire de M. de Villepin, qu’il s’est vraiment consacré à la baisse du taux de chômage. Il l’a fait sans tenir compte de l’état d’esprit qui règne en France, ni de la lassitude que l’interventionnisme gouvernemental inspire à ses concitoyens. Il s’est en outre attaqué au problème avec une méthode qui, elle, est restée très libérale, même si l’objectif était social.
De telles contradictions ne sont qu’apparentes : il n’est pas vrai que, pour créer des emplois, il suffit d’engager plus de fonctionnaires. Le Premier ministre se croyait donc sur la bonne voie. Peut-être pensait-il aussi que les Français comprendraient que, pour améliorer l’emploi, on puisse offrir aux jeunes des contrats qui permettent au patron de les licencier sans explication. Ils n’ont pas compris. Non seulement parce que c’est paradoxal, mais surtout parce que la confiance, dans les patrons, dans le gouvernement, dans les déclarations de nos dirigeants, a disparu. M. de Villepin, avec d’anciens Premiers ministres, paie trente années de lutte contre le chômage qui n’ont fait que l’aggraver.
Le bilan est le suivant, si on peut le résumer : ceux qui ont un emploi ne comprennent pas que les impôts qu’ils paient soient incapables d’assurer un minimum de bien-être à des millions d’exclus ; ceux qui n’en ont pas sont las de l’attendre ; il y a entre la dépense publique et les besoins sociaux un fossé qui ne cesse de s’élargir ; au moment même où il devient impératif de redresser les comptes.
DEUX OFFRES POLITIQUES QUI NOUS LAISSENT EGLEMENT PERPLEXESSi M. Chirac est morose, c’est d’abord parce qu’il va quitter le pouvoir en laissant un souvenir plutôt médiocre ; c’est aussi parce qu’après avoir navigué entre diverses philosophies, il estime qu’il n’en a pas trouvé une qui fût une bonne martingale ; il a le sentiment que rien ne marche ; et si, par hasard, il complète ce bilan par une réflexion sur les hommes qui l’entourent, il va se dire qu’entre ceux qui le trahissent par ambition politique et ceux qui le trahissent parce qu’ils commettent, au nom même de leur loyauté, des bourdes énormes, il n’est vraiment pas gâté.
Certes, il ne reste au chef de l’Etat qu’à préparer son départ. Mais son échec, qui résulte d’une mauvaise conjoncture aggravée par des fautes humaines, montre surtout qu’il ne dispose pas d’idées nouvelles pour concevoir un nouveau projet. Et il n’est pas le seul en France. Il n’y a pas, dans le programme du Parti socialiste, qui s’en remet à de vieilles recettes, d’idées à faire pâlir d’envie la majorité. Il n’y en a pas non plus dans la description, morceau par morceau, du programme de Ségolène Royal. S’il est vrai que, aux mains de la majorité actuelle, le libéralisme économique a plutôt échoué, le social-libéralisme du PS n’est guère convaincant. Il n’est même pas modéré. Il risque de coûter très cher. Il va refouler ou abolir des réformes qui sont pourtant indispensables.
A onze mois des élections, voilà où nous en sommes : entre deux offres politiques qui nous laissent également perplexes.
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