Chez le nouveau-né, les états veille-sommeil s'organisent selon un rythme ultradien dont la période principale se situe aux environs de 4 heures. Ce rythme endogène semble indépendant du rythme des prises alimentaires. L'installation d'un rythme veille-sommeil stable de 24 heures passe par la diminution de l'influence ultradienne associée à l'augmentation de la composante circadienne et par l'entraînement sur 24 heures par les synchronisations externes ou donneurs de temps.
En fait, la composante circadienne existe dès la période néonatale ; dès les premiers jours, il y a une asymétrie pour le temps de sommeil entre le jour et la nuit, l'éveil étant plus important en période diurne. Différentes études ont montré que l'installation d'un rythme circadien stable de 24 heures apparaît très vite : 3 enfants sur 4 ont acquis cette stabilité vers 3 ou 4 semaines. Curieusement, que l'enfant soit prématuré ou à né à terme, le rythme circadien s'installe à 44,8 semaines d'âge postconceptionnel. A noter que les rythmes circadiens pour les fréquences cardiaques, les mouvements corporels, la température corporelle, le cortisol et la mélatonine apparaissent tous au cours des tout premiers mois de vie.
L'importance des donneurs de temps
En réalité, le rythme circadien de 24 heures ne peut s'installer sans l'aide des « donneurs de temps » ; ce sont : dans les premiers jours, la relation avec la mère ; puis l'alternance jour-nuit, la régularité des prises alimentaires et leur disparition progressive la nuit, la régularité des moments de promenade et d'échanges ; et un peu plus tard, celle des heures de sieste, de coucher et surtout de réveil le matin. En l'absence de ces donneurs de temps, le nourrisson aura des difficultés à acquérir un
rythme jour-nuit stable.
Normalement, les enfants font des nuits complètes (sommeil ininterrompu entre minuit et 5 heures) entre 3 et 6 mois ; un certain nombre d'entre eux se réveille à nouveau vers l'âge de 9 mois, cela étant probablement dû à des problèmes d'environnement.
En effet, il faut savoir que chez les enfants de moins de 3 ans, les éveils nocturnes sont physiologiques et surviennent à plusieurs reprises, le plus souvent entre minuit et 5 heures. Les parents s'en aperçoivent seulement si l'enfant pleure ou appelle, autrement dit s'il est incapable de se rendormir seul. La disparition de ces éveils après 3 ans est probablement secondaire à l'augmentation importante du sommeil lent profond en première partie de nuit et à l'allongement du cycle de sommeil.
Réveils nocturnes ou pleurs en fin de journée
Autre paramètre favorisant potentiellement les éveils nocturnes du bébé, l'allaitement au sein. Une étude avec enregistrement polygraphique du sommeil comparant les tracés de dix nourrissons allaités au sein et de dix autres nourris au lait de vache a montré que les enfants nourris au sein avaient des temps d'éveil nocturne plus longs que les enfants nourris au biberon, qui eux-mêmes avaient des éveils plus fréquents, mais brefs (ne donnant pas lieu à des prises alimentaires). Il est difficile de faire la part de la responsabilité de la composition du lait maternel et de la relation unissant le bébé à sa mère qui l'allaite.
Vers l'âge de 1 mois, le sommeil nocturne devient plus stable, les pleurs vont surtout apparaître le soir. On parle de « colique du nourrisson » en présence de pleurs prolongés (au moins trois heures par jour, trois jours par semaine) chez un petit nourrisson (généralement avant l'âge de 4 mois) en bonne santé. La « colique du nourrisson » concernerait de 10 à 40 % des bébés. On ne sait pas à quoi sont dus ces pleurs excessifs. Aucune cause digestive n'a été mise en évidence, même si la prise de jus de fruits contenant du sorbitol ou un ratio élevé fructose-glucose a pu parfois être évoquée.
Des erreurs qui peuvent être corrigées
Plus tard, entre 2 et 3 ans, les difficultés de sommeil sont également fréquentes. Elles concerneraient de 20 à 30 % des enfants au dire des parents. Elles se traduisent par des difficultés d'endormissement avec opposition au coucher ou pleurs, des éveils nocturnes multiples et brefs ou plus rarement une nuit écourtée. La quantité totale de sommeil n'est pas souvent réduite ; et les véritables insomnies sont rares.
Les difficultés de sommeil relèvent de trois causes principales (qui peuvent coexister) : un conditionnement anormal à l'endormissement ; un excès de liquide nocturne ; une insuffisance de limites de la part des parents.
Avant 3 ans, le plus souvent, un problème de conditionnement de l'endormissement est retrouvé : l'enfant ne s'est jamais endormi seul ou ne sait plus le faire ; il est incapable de trouver le sommeil sans biberon, sans être bercé, sans être promené en voiture ou couché contre ses parents, sans leur présence jusqu'au sommeil. En réalité, on l'a dit, les éveils multiples après minuit sont physiologiques avant 2 ans, le problème étant que l'enfant ne sait pas se rendormir seul. Or il semble que ces difficultés sont plus fréquentes chez les enfants longtemps nourris au sein.
Ces éveils multiples se compliquent très souvent d'un excès de liquide nocturne (plus de 200 g d'eau, de lait ou de sirop par nuit). La distension vésicale qui en résulte multiplie les éveils. Ce trouble s'accompagne souvent de difficultés alimentaires dans la journée. Enfin, l'absence ou l'incohérence des routines de coucher proposées à l'enfant, un manque de fermeté de la part des parents qui se laissent débordés par les demandes de l'enfant pour éviter d'être mis au lit, favorisent les troubles du sommeil.
D'après la communication de Marie-Josèphe Challamel et Patrica Franco, unité de sommeil de l'enfant hôpital Debrousse (Lyon), Inserm U628, à la 45e Jand (Journée annuelle de nutrition et diététique).
L'insomnie de l'intolérance au lait de vache
Un raccourcissement franc du temps total de sommeil doit faire rechercher une intolérance au lait de vache, cause la plus fréquente d'insomnie vraie. On retrouve souvent des antécédents familiaux d'allergie, ou des antécédents personnels de diarrhée, d'eczéma ou d'infections ORL. Parfois, l'insomnie est le seul signe clinique ; d'autres fois, on note une hypersudation nocturne et une hyperactivité diurne. Le comportement de l'enfant s'améliore trois ou quatre semaines après l'exclusion de toute trace de protéines de lait de vache de l'alimentation de l'enfant (ou de celle de la mère si l'enfant est allaité au sein). Lorsque le diagnostic est confirmé, l'alimentation ne doit plus contenir de protéines de lait de vache. L'amélioration de la tolérance se produit habituellement entre 1 et 5 ans.
Des erreurs alimentaires
Des erreurs diététiques peuvent être responsables de l'insomnie du jeune enfant. Tel est le cas des enfants nourris trop longtemps au sein (12 mois). Au-delà de 6 mois, le lait maternel ne peut plus à lui seul satisfaire tous les besoins nutritionnels du nourrisson. Il faut diversifier les apports. De plus, le lait maternel procure une vidange gastrique plus rapide que le lait de vache ; la sensation de faim revient, elle aussi, plus vite ; le nombre de tétées est plus élevé. Or l'enfant, nourri trop longtemps au sein, peut garder l'habitude de recevoir une alimentation nocturne.
De même, une alimentation insuffisante ou trop abondante peut être responsable de troubles du sommeil ; tandis qu'un nombre excessif de biberons favorise un reflux gastro-œsophagien, responsable de réveils.
Enfin, un apport insuffisant en graisses - favorisant les ballonnements intestinaux (par acidification du tube digestif) et les diarrhées - ou une consommation excessive de protéines - entraînant une polyurie et une polydypsie - peuvent engendrer des troubles du sommeil.
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