De notre correspondante
à New York
« LE PROBLEME fondamental dans la recherche d'un vaccin anti-VIH est que, après l'injection de l'enveloppe du virus chez les humains ou les animaux, il n'y a pas de production d'anticorps fortement neutralisants », explique le Dr Barton Haynes, directeur de l'Institut du vaccin humain à l'université médicale de Duke (Durham, NC). Un travail de son équipe, paru dans « Science », apporte une hypothèse plausible à cette absence de production.
Le système immunitaire humain producteur d'anticorps (immunité humorale) est divisé en deux catégories. La première ligne de défense, l'immunité innée des cellules B, comprend des anticorps à action rapide, mais faible, qui peuvent aussi attaquer l'organisme, comme dans les maladies auto-immunes. Lorsque les virus activent les cellules B innées, l'organisme détruit ces cellules B afin de se protéger contre les auto-anticorps qui pourraient provoquer une maladie auto-immune ou d'autres dégâts.
Spécifiquement dirigés contre le pathogène.
La seconde ligne de défense est l'immunité adaptative des cellules B. Une réponse plus lente qui produit des anticorps puissants, spécifiquement dirigés contre l'organisme pathogène, et une immunité durable. La réponse normale de l'organisme à l'infection est la production de ces anticorps adaptatifs qui ciblent uniquement le pathogène.
De nombreux vaccins « entraînent » des anticorps adaptatifs à rechercher une protéine sur l'enveloppe externe protectrice des virus.
En utilisant cette approche pour le développement d'un vaccin contre le VIH, les chercheurs ont essayé d'induire des anticorps fortement neutralisants - spécifiques du VIH, à vie longue, aptes à détruire la majorité des souches.
Certains de ces anticorps ont été isolés chez des sujets infectés par le VIH, mais ils sont rares et moins de cinq ont été identifiés.
Dans leur étude rapportée dans « Science », Haynes et coll. ont étudié deux de ces anticorps fortement neutralisants, 2F5 et 4E10, qui réagissent avec des acides aminés conservés au sein de la protéine d'enveloppe gp41 du VIH1.
Ils démontrent qu'il s'agit d'auto-anticorps polyspécifiques qui réagissent avec de nombreuses protéines, y compris celles de l'organisme, tout comme les anticorps fabriqués par les cellules B innées.
La protéine d'enveloppe du VIH.
« Il apparaît que les points les plus vulnérables sur la protéine d'enveloppe du VIH, et auxquels se fixent les anticorps les plus protecteurs, sont la cible d'auto-anticorps qui réagissent également avec les tissus humains normaux et sont donc normalement détruits par le système immunitaire », observe le Dr Haynes.
L'échec des vaccins anti-VIH peut donc s'expliquer en partie par le fait que certaines protéines d'enveloppe du virus induisent uniquement la production d'anticorps autoréactifs de courte durée, au lieu d'anticorps spécifiques de longue durée.
On peut en déduire que, durant le stade initial de l'infection, le virus pourrait échapper à la destruction immunitaire, car ses protéines d'enveloppe apparemment vulnérables activent des anticorps autoréactifs.
Enfin, ce phénomène pourrait expliquer la rare survenue de l'infection par le VIH chez les patients atteints de lupus érythémateux disséminé, qui seraient incapables de détruire les clones de cellules B autoréactifs.
Les résultats de l'étude offrent de nouveaux objectifs dans la recherche d'un vaccin anti-VIH. « Nous pouvons nous efforcer de réorienter la réponse aux protéines d'enveloppe du VIH des cellules B innées vers les cellules B adaptatives. Nous pouvons aussi mettre au point des stratégies qui induisent cette première ligne de défense d'anticorps polyspécifiques durant la vaccination, si ces anticorps ne sont pas néfastes pour les sujets vaccinés », explique le Dr Haynes.
« Sciencexpress », 28 avril 2005.
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