« Lemming », de Dominik Moll

La quatrième dimension

Publié le 15/05/2005
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DEPUIS qu'on a découvert son deuxième film, « Harry, un ami qui vous veut du bien », il y a cinq ans, on sait que Dominik Moll adore manipuler ses personnages et par voie de conséquence le spectateur. Pour « Lemming », il a écrit le scénario avec le même complice, Gilles Marchand, lui-même réalisateur d'une histoire énigmatique, « Qui a tué Bambi ? ».
« Je me sentais toujours en déséquilibre entre le réalisme et l'irrationnel », témoigne Charlotte Gainsbourg. C'est tout l'intérêt du film qui touche là où ça fait mal : le sentiment de sécurité, dans sa vie, dans son couple, n'est qu'une illusion, et encore plus la conviction de pouvoir contrôler son existence.
Soit deux couples (ceux qui ont vu la trop explicative bande annonce le savent) : un jeune ingénieur et sa charmante compagne et le patron du premier, doté d'une épouse plus que froide. On s'en voudrait de raconter quoi que ce soit de ce qui suit le dîner catastrophique qui les réunit.
Les rebondissements ne sont jamais ceux que l'on attend et Dominik Moll est trop subtil pour fournir une explication univoque.
Si le scénario est riche et rigoureux tout en ne se souciant pas de logique ni de vraisemblance, c'est la mise en scène, et la consubstantielle direction d'acteurs, qui font la différence. Les cadrages, les jeux d'ombre et de lumière, les sons et la musique. Et l'utilisation des quatre subtils interprètes que sont Laurent Lucas, Charlotte Gainsbourg (qui passe de la douceur à la force avec une étonnante souplesse), Charlotte Rampling et André Dussollier. Mention spéciale pour Jacques Bonnafé dans le court et savoureux rôle du spécialiste des lemmings.
Dans la première partie du film, qui dure un peu plus de deux heures, on s'agace un peu du temps que prend le réalisateur pour installer son histoire, de la caméra qui s'attarde sur les visages en gros plan. C'est pour mieux nous faire entrer dans sa quatrième dimension. Celle de la vérité psychologique, au-delà des faux-semblants du réel.

> RENÉE CARTON

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7749