AUPARAVANT, LE TRIOMPHE d’Evo Morales en Bolivie semblait donner le signal d’un retour du balancier à gauche en Amérique du Sud. Le nouveau président d’origine indienne s’est d’ailleurs empressé de prendre le contrôle de la production d’énergie et de distribuer des terres aux paysans, ce qui, en soi, n’est pas une mauvaise chose quand on connaît le cynisme et le mépris des propriétaires terriens pour leurs concitoyens dans cette région du monde.
Il est seulement à craindre qu’il y ait plus de rhétorique que de compétence et d’efficacité chez M. Morales, embarqué dans un lyrisme révolutionnaire qui fait merveille chez les paysans indiens, mais ne suffit pas à les nourrir.
En fait, s’il est vrai que la gauche a repris le contrôle du continent, principalement à cause des déboires des Latino-Américains dans leurs relations avec les institutions financières internationales, il y a deux gauches bien distinctes : celle qu’incarne Hugo Chavez, président du Venezuela, dont le discours n’a rien à envier à celui d’un Kadhafi et qui rallie Morales et Humala ; elle a beaucoup contribué à remettre en selle le dinosaure de la politique latino-américaine, Fidel Castro, qui a gardé de nombreux admirateurs dans le continent, y compris au Mexique, en Argentine et au Brésil et demeure un exemple pour certains régimes. Ce qui est un comble quand on connaît les méthodes totalitaires de Castro. Et celle qu’incarne Luis Inácio Lula da Silva, dit Lula, le président social-démocrate du Brésil qui sera bientôt réélu triomphalement. A la gauche passionnée répond donc une gauche responsable et gestionnaire qui s’accommode des données macroéconomiques existantes et ne croit plus à la lutte des classes.
IL Y A DEUX GAUCHES, CELLE DE CHAVEZ ET CELLE DU CHILI OU DU BRESIL
Un besoin de réformes.
Pour Chavez, grand spécialiste de la provocation qui caracole avec volupté sur ses recettes pétrolières, la victoire de Garcia au Pérou est un coup d’autant plus dur qu’il lui a apporté involontairement sa contribution personnelle en soutenant la campagne d’Humala. Les Péruviens ont ressenti cette intrusion dans leur vie politique intérieure comme une atteinte à leur souveraineté qui n’est pas moins grave que celle d’une superpuissance. Cela donne une idée des limites de l’arrogance et de l’emphase révolutionnaire dans un continent qui a surtout besoin de réformes.
On peut classer Nestor Kirshner, le président argentin, qui est péroniste, comme un homme de gauche, en tout cas comme un populiste, dans la mesure où il a tenu tête avec succès aux pressions de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, qui exigeaient le remboursement de la dette alors qu’il arrivait au pouvoir. M. Kirshner a tout simplement refusé d’honorer les engagements de son pays, et préféré consacrer ses maigres ressources à une indispensable relance économique. Ce qui lui a valu un retour à la croissance, une réduction de la misère dans laquelle l’Argentine est hélas plongée et de dégager des excédents, commercial et budgétaire. Un tour de force. M. Kirshner partage avec d’autres dirigeants latino-américains la sympathie qu’inspire Castro, mais il est surtout guidé par son désir de résister aux Etats-Unis.
Bientôt, le Brésil...
Au Brésil, le président Lula n’a jamais été aussi populaire, après avoir franchi le cap pénible d’un scandale national. Cet ancien ouvrier et syndicaliste s’est bien gardé de lancer une révolution ; mais il a obtenu d’assez bons résultats en consacrant des parts plus élevées du budget aux allocations sociales. Il a la confiance du patronat et rêve de faire du Brésil une superpuissance du XXIe siècle.
Au Mexique, c’est également l’ombre de Chavez qui semble avoir perdu le candidat de la gauche, le maire de Mexico.
Quant au Chili, en se donnant Michelle Bachelet pour présidente, il a innové par le choix d’une femme, non d’une socialiste, car son prédécesseur était socialiste lui aussi. Mais, de la même manière, Mme Bachelet ne saurait être classée dans le camp d’un Chavez ou d’un Morales. On peut dire que l’Argentine, le Chili, le Mexique, le Brésil, le Pérou ont des gouvernements dont les Etats-Unis n’ont rien à craindre et avec lesquels le successeur de George W. Bush, s’il est démocrate, pourra même entretenir d’excellentes relations.
Ce sont plutôt les rapports entre Latino-Américains qui risquent de poser problème dans l’avenir immédiat. La mainmise de Morales sur le gaz bolivien gêne surtout le Brésil, son premier importateur. Inversement, le Brésil deviendra tôt ou tard le pays qui domine tous les autres, à cause de sa taille et de sa prospérité probable. Tous les gouvernements de la région entretiennent des relations avec Cuba pour montrer leur indépendance à l’égard de Washington. Mais aucun, pas même celui de Chavez, n’a adopté le « modèle » cubain, recette pour une catastrophe.
En fait, le modèle le plus convaincant est celui du Chili où, entre autres, les fonds de retraite sont placés en bourse.
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