LA LITTÉRATURE russe intéresse les éditeurs français : dans la perspective du Salon, 45 maisons d'édition ont publié des romans et nouvelles de 75 auteurs russes et elles sont autant à proposer des essais et des documents sur la Russie ou sur la littérature russe. On constate d'ailleurs que la totalité des 42 écrivains officiellement invités à Paris sont déjà traduits en France, comme bien d'autres auteurs.
Le marché de l'édition russe présente des caractéristiques surprenantes. Selon des chiffres fournis par le magazine professionnel « Livres Hebdo », le potentiel est énorme puisqu'en 2003, 80 290 nouveaux titres ont été publiés en Russie (+ 15,1 %), pour un tirage total de 720,3 millions d'exemplaires (+ 21,9 %). C'est désormais l'édition privée qui réalise plus des deux tiers des titres et neuf exemplaires sur dix. La concentration est importante puisque, si environ un millier de maisons d'édition développent une activité régulière, plus de 70 % de la production est assurée par les 80 principales maisons et, à eux seuls, les quatre principaux groupes réalisent un quart du tirage total.
Deux autres paradoxes méritent d'être soulignés : alors que le pays compte près de 150 millions d'habitants, on n'y dénombre guère plus d'un millier de librairies, seulement 150 d'entre elles étant considérées comme de « premier plan ». Par ailleurs, et alors que le marché du livre en France pèse entre 4,5 et 5 milliards d'euros, il est seulement de 1,25 milliard d'euros en Russie ; une faiblesse qui tient beaucoup au prix moyen du livre, qui se situe autour de 3 euros en littérature générale.
Durant cette même année 2003, l'édition française n'a vendu que 2 millions d'euros de livres en Russie, qui n'est que son 29e client à l'export. Mais elle a cédé dans le même temps les droits de 191 titres. L'ambassade de France contribue d'ailleurs à l'achat des droits par les éditeurs russes d'environ 80 titres par an. Les lecteurs russes restent des francophiles, amateurs de Dumas, Stendhal, Flaubert et même Druon ou Simenon, tandis que les jeunes apprécient Houellebecq et Beigeder.
A l'étranger, et en France notamment, les quatre représentants de la littérature russe les plus connus sont Boris Akounine, Vladimir Sorokine, Ludmila Oulitskaïa et Victor Pélévine. Les trois premiers seront, à l'instar de quinze autres confrères dont on publie un ouvrage au cours de ce premier trimestre, présents au salon de Paris où ils pourront dédicacer leur livre. En voici une brève présentation de ces représentants.
Boris Akounine : « Pélagie et le bouledogue blanc ». Un roman d'aventures qui met en scène une jeune nonne orthodoxe rousse, myope et d'une maladresse chronique mais à qui son supérieur hiérarchique, l'archevêque, fait appel pour résoudre des affaires particulièrement épineuses (Presses de la Cité, 348 p., 21 euros).
Svetlana Alexievitch : « Derniers témoins ». Un récit relatant les regards d'enfants sur la guerre ; l'insupportable choc entre l'innocence et la mort (Presses de la Renaissance, 400 p.).
Vassili Axionov : « À la Voltaire ». Parce que Voltaire et Catherine II ont entretenu une correspondance pendant une quinzaine d'années, l'auteur a imaginé leur rencontre dans une île imaginaire de la Baltique dans une histoire mêlant libertinage, insolence et aventures (Actes Sud, 400 p., 25 euros).
Andreï Bitov : « les Amours de Monakhov ». Un roman d'apprentissage amoureux en six étapes, qui sont autant de récits autonomes, proposant une réflexion sur les différentes phases de l'amour et sur la complexité de tous les sentiments familiaux (Albin Michel, 320 p., 19,50 euros).
Sergueï Bolmat : « les Enfants de Saint-Pétersbourg ». Un premier roman jonché de vrais-faux cadavres où deux jeunes femmes maquilleuses à la morgue se transforment en tueuses à gages (10-18, 8,50 euros).
« Transit ». Un roman sur le déracinement et la diaspora russe qui met en scène un jeune homme vivant à New York et qui, envoyé à Moscou pour son travail, découvre l'univers des nouveaux Russes (Robert Laffont, 20 euros).
Dmitri Bortnikov : « Svinobourg ». Interrogé par un psychologue, un homme qui a commis des horreurs raconte son enfance dans un village de Russie où se côtoient le morbide et la boue (Le Seuil, 228 p., 18 euros).
Vladimir Charov : « Avant et pendant ». Dans une clinique pour « gâteux », créée dans les années 1920 par le pouvoir soviétique pour être un centre d'études développant le génie humain, un écrivain atteint de troubles de la mémoire apprend que Staline n'est autre que le fils illégitime de Germaine de Staël, maintenue artificiellement en vie et d'un prince géorgien (Phébus, 256 p., 19,50 euros).
Mikhaïl Chichkine : « Promenade littéraire sur les traces de Tolstoï et de Byron ». Sur les traces des deux écrivains qui s'étaient retrouvés en Suisse, sur les bords du lac Léman, à peu près au même moment, et qui ont effectué la même randonnée pendant laquelle ils ont écrit un journal sur leurs impressions (Noir sur blanc, 380 p., 22 euros).
Victor Erofeev : « Ce bon Staline ». L'auteur rend hommage à son père qui, alors qu'il était ambassadeur à Vienne auprès de l'ONU, en 1979, avait été sommé de se repentir après avoir participé, avec d'autres dissidents, à la publication d'un almanach underground qui avait fait scandale ; il n'avait pas obtempéré.
Andreï Guelassimov : « Fox Mulder a une tête de cochon ». Cinq nouvelles qui montrent la Russie d'aujourd'hui à travers le regard de personnages lucides mais non dénués d'humanité (Actes Sud, 192 p., 19 euros).
Natalia Jouravliova : « Exils ». L'espace et la distance sont au centre de trois nouvelles dans lesquelles les protagonistes sont confrontés à un départ avec retour ou bien définitif (Inventaire, 100 p., 16 euros).
Anatoli Koroliov : « la Tête de Gogol ». A la suite de Dostoïevski, l'auteur se demande si l'homme choisira le tragique de la liberté ou le bonheur de l'esclavage (Calmann-Lévy, 260 p., 12 euros).
Vladimir Makanine : « le Prisonnier du Caucase et autres nouvelles ». Les quatre nouvelles de ce recueil constituent un panorama de la société russe et de son passé récent (Gallimard, 272 p., 21 euros).
David Markish : « Devenir Lioutov ». Un roman sur l'identité des écrivains et l'identité russe où l'auteur relate la vie d'Isaac Babel (dont Gallimard réédite « Mes premiers honoraires », dix-sept récits qui furent interdits en URSS de 1939 à 1954), en lui créant un double du nom de Judas Grossmann (Noir sur blanc, 250 p., 20 euros).
Ludmila Oulitskaïa : « Sincèrement vôtre, Chourik ». Un jeune homme qui collectionne des femmes qu'il ne désir que s'il ressent de la compassion pour elles est hanté par le souvenir de Lilia, un amour de jeunesse parti en Israël et qui revient à Moscou pour une visite de vingt-quatre heures (Gallimard, ???).
Vladimir Sorokine : « la Glace ». A Moscou, une secte sélectionne les élus qui accéderont à l'éternité. Ses membres utilisent une hache taillée dans la glace d'une météorite tombée en Sibérie qui frappe en plein thorax des hommes et des femmes blonds aux yeux bleus (L'Olivier, 368 p., 22 euros).
Serguei Tutunnik : « Guerre et vodka ». Une première partie est composée de nouvelles sur la guerre et les hommes ; la seconde est une série de reportages et de réflexions sur les causes de la guerre qui ravage le Caucase depuis bientôt vingt ans (Presses de la Renaissance, 288 p., ??? )
Marina Vichnevetskaïa
: « Y a-t-il du café après la mort ? Suivi de les Moineaux ». Dans la première nouvelle, un homme joue la comédie de la mort devant sa femme. Dans la seconde, une mère dont les deux enfants ont été retirés de sa garde part se prostituer sur les boulevards extérieurs (Actes Sud, 128 p., 14 euros).
Andreï Voznesenski
: « Au vent virtuel ». L'auteur évoque ses rencontres avec des personnalités comme Sviatoslav Richter, Boris Pasternak, Khrouchtchev, Heidegger, Picasso, Aragon, Reagan, etc. (Caractères, 23 euros).
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