AMORCE D'UNE MODIFICATION des comportements des usagers et des prescripteurs ? Ou effet psychologique classique et passager du plan « Douste » et du tourbillon médiatique qui l'a accompagné ? La « belle surprise », toute relative (1), sur le déficit du régime général de la Sécu 2004, en amélioration de deux milliards d'euros par rapport aux prévisions de septembre dernier, peut être diversement appréciée, comme en témoignent les analyses de deux députés-médecins rompus aux comptes sociaux, le Dr Bernard Accoyer, président du groupe UMP à l'Assemblée nationale, et Jean-Marie Le Guen, député socialiste de Paris, chargé des questions de santé au PS.
Chacun conviendra, y compris le ministre de la Santé, qu'on ne peut attribuer cette embellie comptable aux mesures de la réforme votée l'été dernier, puisque les premières dispositions se sont appliquées à compter du 1er janvier 2005 (forfait de 1 euro par consultation par exemple) et que les nouveaux parcours coordonnés autour du médecin traitant, censés rendre moins « anarchique » le recours au système de soins, ne seront opérationnels qu'au 1er juillet.
Clignotants au vert.
Pour autant, il est indéniable que plusieurs signaux sont devenus favorables sur des postes de maîtrise importants. Après avoir connu un rythme de progression vertigineux jusqu'en 2003 (9 à 13 % par an depuis 2000), les dépenses d'indemnités journalières ont reculé de 1 % en 2004 et régressent franchement sur les deux premiers mois de 2005 (- 5 %). L'augmentation des contrôles d'arrêts de travail, politique engagée par la direction précédente de la Cnam mais accentuée avec le nouveau directeur à la demande du gouvernement (100 000 contrôles en 2004, 120 000 en 2005...), n'y est sans doute pas pour rien. Plus largement, la bonne tenue des honoraires des libéraux (+ 3,8 % en 2004 contre 7 % en 2003) et la consommation modérée des soins de ville sur les premiers mois de 2005 sont jugées encourageantes. Reste à savoir si cette tendance se confirmera, notamment du côté des généralistes qui commenceront à toucher, à partir du mois de mai, les forfaits « ALD » au titre du médecin traitant.
Après avoir longtemps regretté le retard français sur les génériques, le gouvernement croit également à la poursuite de la pénétration de ces copies (60 % des boîtes du répertoire généricable aujourd'hui contre 35 % en 2002), même si plusieurs régions accusent un retard important. Et le gouvernement compte évidemment sur l'implication des libéraux dans la maîtrise médicalisée pour enrayer la progression toujours dynamique des dépenses de médicaments (+ 7 %). A cet égard, Frédéric van Roekeghem, le patron de l'assurance-maladie, estimait récemment (« le Quotidien » du 29 mars) être « bien positionné » sur les prescriptions d'antibiotiques et de psychotropes mais pas encore sur les statines.
Philippe Douste-Blazy a promis d'évaluer périodiquement l'impact de sa réforme. Pour beaucoup d'experts, le premier bilan significatif devra attendre 2006, soit un recul de six mois après le début de l'application des nouveaux parcours de soins. Le nombre de CS en accès libre diminuera-t-il ? Les médecins lèveront-ils le stylo ? Les 500 millions d'euros d'économies programmés sur le seul poste des ALD seront-ils au rendez-vous ? Le ministre de la Santé a raison : il est trop tôt pour crier victoire. Ce qui n'est pas une raison pour bouder son plaisir.
(1) Le déficit du régime général atteint 11,9 milliards d'euros en 2004. La branche maladie connaît un solde négatif de 11,6 milliards.
L'agacement de FO
La prestation médiatique de Philippe Douste-Blazy à propos de la « belle surprise » des comptes 2004 provoque des crispations du côté des partenaires sociaux. Il est vrai que, traditionnellement, c'est lors de la réunion de la commission des comptes de printemps (en mai) que le ministre annonce la situation financière du régime général arrêtée l'année précédente. Du coup, FO « déplore tout d'abord que M. Douste-Blazy n'ait pu attendre la présentation officielle des comptes par l'institution qui s'y consacre habituellement ». Sur le fond, le jugement de la confédération est sévère. « Tout reste encore à faire », à l'heure où « les tensions sont de plus en plus fortes » à l'hôpital comme en médecine de ville.
A lire :
> Jean-Marie Le Guen (PS) : « Pas de quoi pavoiser ! » (12/04/05)
> Bernard Accoyer (UMP) : « Un premier signe très positif » (12/04/05)
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