Traitements médicamenteux du syndrome des jambes sans repos
DANS L'ETUDE épidémiologique française INSTANT, réalisée sur plus de 10 000 adultes, la prévalence du syndrome des jambes sans repos (Sjsr) a été estimée à 8,5 % de la population, avec une variation importante de la gravité d'un sujet à l'autre. Les patients ayant une forme invalidante, qui vont nécessiter une prise en charge médicamenteuse, représente environ de 1 à 2 % de la population générale adulte. « Ce qui, rapporté à la population française, est considérable », commente le Dr Jean-Philippe Neau (CHU, Poitiers). Les critères de sévérité, recherchés par l'interrogatoire, sont évalués à partir de la durée du sommeil sur le nycthémère, du retentissement sur le sommeil, sur la vigilance et sur la qualité de vie.
Différentes molécules se sont révélées efficaces dans le traitement du Sjsr. Les premières sont les benzodiazépines (BZD), avec leur chef de file, le clonazépam. « Les études sur cette classe pharmacologique sont les plus anciennes et sujettes à caution du fait de leurs faiblesses méthodologiques, explique le Dr Neau. La plupart ont été menées sur de petits effectifs et n'obéissent pas aux critères modernes du Sjsr. » Une étude récente s'appuyant sur ces critères, mais menée sur 10 patients, montre que les BZD entraînent une amélioration essentiellement du sommeil et une diminution de la sévérité du Sjsr (« Eur Neuropsychopharmacol » 2001 ; 11 (2) : 153-161). En revanche, elles n'ont pas d'effet significatif sur l'index des mouvements périodiques nocturnes ni sur les performances psychomotrices matinales. Les auteurs en concluent que les BZD n'agissent pas sur les mouvements anormaux. Le Dr Neau évoque également le problème de l'habituation et de la nécessité d'augmenter les doses.
Les antiépileptiques ont fait l'objet d'études « modernes ». Après une étude ouverte sur 9 patients qui a retrouvé une amélioration objective sur les données EEG et sur tous les items évalués sous gabapentine (« Neurology » 2001 ; 57 (9) : 1717-1719), une seconde étude plus solide (n = 22, en aveugle) a montré que cette molécule permet une amélioration très nette du sommeil, significative dès J14, au prix d'une augmentation modérée de la posologie (« Neurology » 2002 ; 59 (10) : 1573-1579). Dans une étude ouverte, la gabapentine s'est révélée plus efficace que la L-dopa chez les patients hémodialysés (« Ren Fail » 2004 ; 26 (4) : 393-397) et d'après un autre travail, aussi efficace que le ropinirole (« Neuropsychobiology » 2003 ; 48 (2) : 82-86). Ce dernier fait partie des agonistes dopaminergiques, « le groupe le mieux étudié dans le Sjsr ».
Le ropinirole est le seul médicament à disposer d'une AMM dans cette indication. Une étude randomisée en double aveugle contre placebo sur 284 patients a prouvé son efficacité. Elle se traduit par une amélioration jugée importante à très importante de tous les paramètres du sommeil et de la vigilance (« J Neurol Neurosurg Psychiatry » 2004 ; 75 (1) : 92-97). Le ropinirole entraîne, en outre, une amélioration significative de l'index de sévérité, qui se maintient jusqu'à 12 semaines (« Mov Disord » 2004 ; 19 (12) : 1414-1422).
Des publications positives existent aussi pour d'autres agonistes dopaminergiques. La cabergoline, dans une étude ouverte sur 302 patients suivis pendant 6 mois, s'est montrée très efficace (« Sleep » 2004 ; 27 (4) : 674-682), et un essai en double aveugle de 5 semaines avec extension en ouvert jusqu'à 47 semaines a mis en évidence une amélioration significative du pourcentage de patients libres de symptômes et confirmé son efficacité à long terme (« Neurology » 2004 ; 63 (12) : 2272-2279). Une étude en double aveugle, croisée, sur 10 patients a montré que le pramipexole améliore l'intensité du Sjsr dans la journée et au coucher et est actif sur les mouvements périodiques nocturnes (« Neurology » 1999 ; 52 (5) : 938-943). (« J Neurol » 2003 ; 250 (12) : 1494-1495). Un phénomène d'accoutumance peut cependant se produire lors des traitements de plus de six mois. La cabergoline et le pramipexole ne sont pas commercialisés en France. Le pergolide s'est révélé efficace à la fois sur les plans objectif et subjectif dans une étude en double aveugle sur 30 patients (« Neurology » 1999 ; 52 (5) : 944-950), avec un effet persistant tout au long du nycthémère (« Neurology » 2004 ; 62 (8) : 1391-1397). Mais « la description de valvulopathie chez des patients sous pergolide va en limiter les indications dans la prise en charge du Sjsr », note le Dr Neau.
La L-dopa, associée à un inhibiteur de la décarboxylase (benserazide), peut aussi être proposée. Dans une étude en double aveugle, croisée, la L-dopa à posologie basse a donné des résultats significatifs sur la sévérité du Sjsr, les phénomènes du sommeil, la qualité de vie et les mouvements périodiques avec, toutefois, une remontée de l'index des mouvements périodiques à partir de la sixième heure (« Sleep » 1995 ; 18 (8) : 681-688). Cette amélioration disparaît rapidement après l'arrêt du traitement (« Sleep » 1999 ; 22 (8) :1073-1081). « Dans la pratique quotidienne, la résurgence du syndrome dans la seconde moitié de la nuit pose problème puisqu'elle nécessite d'augmenter les doses ou de donner de la L-dopa à libération prolongée. »
Les opioïdes sont peu utilisés en France et n'ont fait l'objet que d'un petit nombre d'essais. Dans une étude sur 11 patients, une amélioration a été observée sous oxycodone (« Sleep » 1993 ; 16 (4) : 327-332). Un autre travail, rétrospectif mais portant sur près de 500 patients, dont 36 en monothérapie, a montré que le traitement opioïde était toujours efficace après cinq ans (« Mov Disord » 2001 ; 16 (6) : 1105-1109). Le Dr Neau souligne que, « en cas de formes sévères à résistantes, les opiacés peuvent être entraîner un soulagement certain, avec un effet persistant à long terme et un faible potentiel d'addiction ». Enfin, chez des patients ayant un Sjsr réfractaire à tout traitement, la méthadone a donné des résultats corrects (« Mov Disord » 2005 ; 20 (3) : 345-348). « Elle peut a priori être indiquée en cas d'échec des agonistes dopaminergiques. »
* Commercialisé sous le nom de Adartrel par les laboratoires GSK
Communication présentée à la réunion de la Société française de recherche sur le sommeil.
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