C'EST une belle histoire qui s'est écrite devant nos yeux en quelques années : l'identification des papillomavirus et la confirmation de leur rôle majeur dans la genèse de la quasi-totalité des cancers du col de l'utérus, la mise au point de tests de dépistage et maintenant l'arrivée annoncée (et très prochaine ?) de vaccins contre les HPV 16 et 18 en cause dans deux tiers environ de ces cancers. On disposerait ainsi d'un traitement préventif anticancer, le deuxième après le vaccin contre l'hépatite B.
L'infection à HPV est extrêmement fréquente, c'est même la plus fréquente des IST, puisque, si sa prévalence globale est de 6 à 7 %, 70 % environ des femmes sont infectées par un HPV à un moment ou à un autre de leur existence. Quelque 35 types d'HPV génitaux sont répertoriés, mais les HPV 16 et 18 sont le plus souvent en cause dans les lésions cancéreuses. Si la plupart des infections guérissent spontanément, chez certaines femmes, le virus persiste. Lorsque cette infection chronique s'installe, elle peut entraîner des lésions CIN (Cervical Intraepithelial Neoplasia) de bas, puis de haut grade, et, après une dizaine d'années, voire plus, un cancer. La progression vers des lésions cancéreuses est plus fréquente chez les fumeuses, chez les femmes qui présentent d'autres infections sexuellement transmissibles, chez les patientes VIH positives ou encore en cas de contraception orale prolongée.
Excellente sensibilité des tests HPV.
Les tests de dépistage des HPV cancérigènes sont maintenant disponibles. Comme le rappelle le Dr Michael Watson, le frottis de dépistage a constitué un progrès majeur pour la santé publique : dans notre pays, sa systématisation a fait baisser de 75 à 80 % l'incidence du cancer du col en moins d'un demi-siècle, mais, même dans les pays où la couverture est optimale, sa sensibilité reste insuffisante et ces cancers sont encore trop fréquents, puisqu'une lésion de haut grade sur deux passe à travers les mailles du filet. Les tests HPV présentent l'avantage d'une excellente sensibilité. D'où leur intérêt pour le dépistage primaire. Aux Etats-Unis et en Scandinavie, ils sont maintenant utilisés en association avec le test de Papanicolaou. Ce n'est pas le choix fait actuellement par les autorités sanitaires de notre pays. Le dernier rapport de la Haute Autorité de santé (encore Anaes à l'époque) illustre d'ailleurs la divergence des experts sur le sujet, puisqu'il admet que le test HPV offre des perspectives prometteuses, tout en affirmant que sa place reste à déterminer. Depuis février 2004, il est remboursé uniquement en dépistage secondaire pour les frottis douteux (lésions malpighiennes de signification indéterminée, ASC-US).
Très bonne immunogénicité du vaccin.
Le vaccin tétravalent* HPV 16, 18, 6 et 11, développé par Sanofi-Pasteur MSD, a pour cibles 70 % des CIN 2/3 et des cancers, de 35 à 50 % de l'ensemble des CIN1 et 90 % des condylomes vénériens. En effet, les HPV 6 et 11 sont responsables de 90 % de ces lésions, ils sont aussi en cause dans un certain nombre de CIN1. Il s'agit d'un vaccin composé de particules non infectantes de la capside virale. Dans l'essai multicentrique randomisé contre placebo, présenté par le Dr Luisa Villa (Sao Paulo), trois doses vaccinales ont été étudiées. Les 1 106 participantes, âgées de 16 à 23 ans, ont reçu trois injections, à J0, puis deux mois et six mois plus tard. Le dosage des anticorps anti-HPV, quatre semaines après la troisième injection, a confirmé l'excellente immunogénicité du vaccin sans différence significative entre les trois doses. L'efficacité globale du vaccin a été estimée à 90 %, elle est respectivement de 100 % pour les infections par les HPV 6 et 11 et de 86 et 89 % respectivement pour celles dues à HPV 16 et 18. Ces femmes ont été suivies pendant trois ans et aucune lésion n'a été observée, ni CIN ni condylome. Les taux d'anticorps protecteurs persistent. Les participantes vont continuer à être suivies pendant plusieurs années afin d'évaluer la durée de l'immunité et de déterminer si un rappel sera nécessaire ou non. La tolérance du vaccin a été très satisfaisante. Chez les femmes « naïves », ce vaccin diminue de 90 % l'incidence des infections persistantes à HPV et prévient le développement de lésions génitales dues à ces virus. Des résultats très encourageants qui ont conduit à la mise en route d'essais de phase III pour confirmer l'efficacité clinique et l'impact de la vaccination sur la santé des adolescentes et des femmes jeunes. Ils devraient aussi permettre de préciser la tranche d'âge idéale pour cette prophylaxie, sans doute la préadolescence, avant l'exposition au risque de contamination par ces HPV, avec un « rattrapage » pour les adolescentes et les jeunes adultes. La question reste ouverte, comme celle de l'efficacité du vaccin en prévention secondaire chez des femmes déjà infectées par un HPV oncogène, qu'il ait été éliminé ou qu'il soit responsable d'une infection persistante.
Communications du Pr L. Villa dans le cadre de la conférence internationale sur les papillomavirus (Vancouver, mai 2005) et des Prs P. Davies, D. Harper, W. Huh et J. Schiller lors d'une conférence de presse de l'European Cervical Cancer Association et du Dr M. Watson lors d'un atelier organisé par Sanofi-Pasteur MSD avec la participation du Pr E. Barr.
* Gardasil.
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