LES EFFETS DÉLÉTÈRES de la privation de sommeil, en particulier l’altération sur les performances cognitives, semblent dépendre de l’induction de modifications neuroendocrines, elles-mêmes responsables d’une diminution de la neurogenèse adulte. La récupération des fonctions cognitives obtenues après un repos compensateur est, quant à elle, associée à un rebond de la prolifération des neurones qui ne dépend pas des mêmes modifications endocrines. C’est ce que viennent de démontrer des chercheurs de l’université de Princeton (New Jersey), en utilisant le rat comme modèle expérimental.
La privation de sommeil est connue pour induire des changements physiologiques similaires à ceux provoqués par le stress, tels qu’une réduction de la température corporelle et du poids ainsi qu’une augmentation des dépenses énergétiques et une hyperphagie. La privation de sommeil et le stress conduisent en outre aux mêmes modifications neuroendocrines, caractérisées par une augmentation de la synthèse du facteur de libération de la corticotropine, une élévation de la concentration plasmatique en progestérone, en hormones adrénocorticotropiques et en corticostérone ainsi qu’une diminution du niveau de testostérone.
Par ailleurs, des études menées chez le rat ont montré que la privation de sommeil réduit la prolifération cellulaire et la neurogenèse associée dans le gyrus dentelé de l’adulte. Les glucocorticoïdes étant connus pour induire de tels effets, il restait à déterminer si cette inhibition de la neurogenèse dépend des modifications neuroendocrines induites par la privation de sommeil. Dans ce but, Mirescu et coll. ont étudié le cerveau de rats privés de sommeil pendant soixante-douze heures.
La vérification du lien de causalité.
L’utilisation d’un marqueur de la prolifération cellulaire (le BrdU) a révélé qu’une privation de sommeil prolongée conduit effectivement à une diminution significative de la multiplication des neurones de la couche cellulaire granulaire. Il est apparu que ce phénomène est associé à l’élévation de la concentration en corticostérone.
Une série d’animaux surrénalectomisés chez lesquels le niveau de corticostérone peut expérimentalement être maintenu constant a permis de vérifier l’existence d’un lien de causalité entre ces deux événements : il est en effet apparu que l’inhibition de la prolifération cellulaire observée dans le cerveau des rats privés de sommeil dépend strictement de l’élévation de la concentration du glucocorticoïde.
Après récupération, une neurogenèse compensatoire.
L’équipe américaine a ensuite étudié le cerveau d’une nouvelle série d’animaux au cours de la période de récupération suivant la privation prolongée de sommeil. Au bout de six heures de récupération, un rebond de sommeil paradoxal est observé chez les animaux. L’inhibition de la prolifération cellulaire n’en est pour autant pas levée. En revanche, au bout d’une semaine, une neurogenèse accrue, compensatoire, est observée dans le cerveau des rats. Au bout de deux semaines, le niveau de prolifération cellulaire mesurée dans la couche granulaire des animaux en récupération est similaire à celui observé chez des rats témoins qui n’ont jamais été privés de sommeil.
Ces délais ne dépendent pas du niveau de corticostérone : des observations identiques ont été réalisées chez des rats dont le niveau de l’hormone est maintenu constant.
Ainsi, les mécanismes entraînant une inhibition de la neurogenèse lors d’une privation de sommeil prolongée et ceux impliqués dans la surprolifération cellulaire compensatoire observée lors de la phase de récupération sont différents : le premier, lié à l’activité des corticostérones, implique probablement les voies de signalisation cellulaire déclenchées par l’activation des récepteurs aux glucocorticoïdes ; la nature du second, indépendant de la corticostérone, reste à déterminer.
C. Mirescu et coll., « Proc Natl Acad Sci USA », édition en ligne avancée.
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