Le Généraliste. Les céphalées chroniques rebelles étaient à l’honneur lors du dernier congrès de la SFETD. Pourquoi ce choix ?
Dr Michel Lantéri-Minet. Les céphalées chroniques quotidiennes - ou CCQ - représentent la majorité des céphalées chroniques rebelles et sont problématiques à plus d’un titre. Elles touchent environ 3 % de la population générale française et dans les consultations spécialisées elles concernent entre 20 et 40 % des patients. Elles ont aussi un coût sociétal majeur puisqu’on estime qu’en France, ce type de maux de tête représente environ 2 milliards de dépenses de santé par an. Enfin, l’OMS classe les céphalées et la migraine parmi les 20 maladies les plus invalidantes et ce classement est lié essentiellement aux CCQ qui altèrent considérablement la qualité de vie des patients.
Quels sont les principaux facteurs de risque de chronicisation d’une céphalée ?
Dr M.L.-M. Pendant longtemps on a considéré l’abus médicamenteux, les comorbidités psychiatriques et les facteurs musculaires comme les principaux facteurs de risque de chronicisation. Mais d’autres éléments entrent en ligne de compte et des travaux nord-américains et scandinaves ont récemment identifié de nouveaux facteurs de risque de chronicité comme un IMC élevé ou des troubles ventilatoires nocturnes, y compris un simple ronflement. Sur le plan psychatrique, ce sont les évènements biographiques stressants qui semblent en cause. Ce qui change un peu la donne et laisse une place essentielle au médecin traitant. Il y a aussi des facteurs de risque non modifiables comme le sexe féminin, l’origine caucasienne et les conditions de vie défavorable. Globalement, on est en train de remettre le problème de la chronicité des céphalées dans un aspect multifactoriel.
L’abus médicamenteux n’est donc pas le seul coupable ?
Dr M.L.-M. Tout à fait. Et il faut casser cette image-là. D’autant que les travaux épidémiologiques récents, montrent que l’abus médicament est certes un facteur de risque de chronicisation important mais que le risque dépend du type de médicament impliqué. Ainsi, les traitements spécifiques recommandés dans la prise en charge de la migraine (AINS et triptans) sont moins inducteurs de chronicité que ceux non recommandés (antalgiques non spécifiques et notamment opioïdes).
Quelles conséquences ces nouvelles données pourraient avoir sur la prise en charge des CCQ?
Dr M.L.-M. Il est possible d’envisager une réelle prévention de la chronicisation des céphalées en contrôlant ces nouveaux facteurs de risque, notamment l’IMC. Même s’il n’y a pas encore de données factuelles démontrant l’efficacité d’une intervention sur ces facteurs. Cela veut dire aussi que le sevrage médicamenteux n’est plus forcément la pierre angulaire de la prise en charge. Actuellement les recommandations sur les CCQ par abus médicamenteux prônent le sevrage en 1re intention pour tous les patients. Mais je pense qu’elles seront révisées et que l’on va arriver à terme à définir deux populations différentes. Avec d’un côté, les patients plutôt utilisateurs de produits non psycho-actifs (AINS ou triptan), sans grosses comorbidités psychiatriques et qui n’ont pas de comportement assimilable à une addiction, chez lesquels on pourra probablement démarrer une prophylaxie en première intention soit par Botox (voir encadré), soit par traitement pharmacologique. Et, de l’autre côté, des patients utilisant des produits très psycho-actifs, avec de grosses comorbidités psychiatriques et des comportements assimilables à une addiction pour lesquels le sevrage restera indiqué en première intention.
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