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EN 2005, LE CONSTAT est là : en Europe, un nombre très important de médicaments administré à nos enfants n'a pas été spécifiquement développé à leur intention.
Bien souvent, les produits utilisés sont les mêmes que ceux prescrits à un patient adulte. L'usage se fait uniquement en diminuant les doses. Or nous savons que le métabolisme d'un enfant diffère de celui d'un adulte. Dès lors que les enfants sont considérés comme une catégorie de patients vulnérables, cette carence n'est pas supportable.
Aussi, des médicaments pédiatriques spécifiques doivent être développés, non seulement pour qu'ils soient mieux tolérés par les jeunes patients, mais également pour qu'ils soient davantage efficaces et plus sûrs.
Dans ce domaine, l'Union européenne apporte sa plus-value. En effet, chaque Etat membre, seul, n'a pas la capacité à agir fortement sur la recherche et le développement pharmaceutiques.
Des mesures incitatives.
Le Parlement européen étudie actuellement un règlement (loi) visant à encourager la création de produits pédiatriques spécifiques pour les mineurs, d'une part en soutenant l'innovation, et, d'autre part, en encadrant précisément ce développement afin d'éviter tout abus.
Les expériences précédentes, notamment dans le domaine des médicaments orphelins, montrent que, pour être efficace, il est indispensable de mettre en place des mesures incitatives précises, réalistes et harmonisées afin de soutenir la recherche européenne. Relancer et renforcer une recherche et développement pédiatrique compétitive en Europe est un point stratégique pour les futures générations européennes. Il faut permettre enfin de réaliser les essais pédiatriques en Europe et non plus seulement aux Etats-Unis en incorporant incitation et obligation pour les chercheurs privés et publics.
Un comité pédiatrique dans l'Agence du médicament.
Le développement de produits spécifiques pour les enfants implique des considérations spéciales : d'une part, avant de commencer toute étude, il est nécessaire d'établir l'existence d'un besoin, et de savoir si le futur médicament bénéficiera ou non aux enfants. D'autre part, les études cliniques réalisées sur des enfants demandent des précautions particulières et il est très important d'éviter de refaire des tests qui ont déjà donné lieu à des résultats, ou d'en réaliser de nouveaux inutilement. C'est l'ensemble de ces questions et de ces réponses qui donneront lieu à ce que nous appellerons le plan d'investigation pédiatrique. Ce dernier sera géré conjointement par le demandeur - laboratoire - et le comité pédiatrique qui sera créé au sein de l'agence européenne du médicament.
Ce comité, à mes yeux, constitue le socle indispensable à la réussite du développement de ces produits. Il doit donc se prononcer pour chaque dossier relevant de la pédiatrie. Je souhaite également bien identifier les missions de ce comité, clarifier le dispositif, tout en accordant à ce comité la mission importante de réaliser un inventaire des besoins spécifiques en pédiatrie.
Nous devons prendre garde à une conséquence importante : la mise à disposition de produits destinés aux enfants ne doit pas entraver le développement de médicaments pour adultes. Ce serait là un contre-sens scientifique et sanitaire.
Il existe des médicaments qui sont tombés dans le domaine public. Or certains de ces produits pourraient être extrêmement efficaces pour les enfants, à la condition de réaliser un développement pédiatrique spécifique. Se pose alors le problème du financement de la recherche sur ces produits. C'est pour répondre à cette situation que je propose la création d'un fonds européen pour aider la recherche publique en pédiatrie.
Enfin, comment aborder le domaine des médicaments sans parler de la pharmacovigilance ? Des exemples récents ont mis en avant quelques dysfonctionnements sans pour autant qu'il faille faire de ces cas une généralité. Cependant, il semble important d'accroître l'indépendance des autorités dans ce domaine, et il serait juste que le budget employé pour ces activités précises provienne uniquement d'un financement public.
Au-delà des considérations techniques indispensables développées ci-dessus, il convient de rappeler que c'est grâce à l'Union européenne que nos enfants bénéficieront bientôt de médicaments adaptés et sûrs.
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