« NOTRE ÉTUDE offre une évaluation complète des relations entre la consommation d’alcool et le risque de cancer du sein selon la période, la fréquence, les quantités et les types de boissons au cours d’une vaste étude prospective de cohorte… Nous avons découvert un risque majoré pour de faibles consommations, mais il demeure plutôt faible. Nous avons également constaté des associations indépendantes avec une consommation en début de la vie adulte ou à un âge avancé, les associations les plus fortes survenant avec le cumul des doses sur de nombreuses décennies. » C’est ainsi que Wendy Y. Chen (Boston) et coll. apportent leur contribution aux travaux antérieurs qui ont évoqué un lien entre alcool et cancer mammaire. Selon ces auteurs, il fallait préciser le risque en fonction des modes de consommation (régulière ou épisodique sous forme de « cuites ») ou de leur moment au cours de la vie.
Les auteurs se sont fondés sur la fameuse Nurses’ Health Study. L’étude a pu être menée de façon prospective sur 105 986 infirmières, de 1980 à 2008, par questionnaires. Le suivi a réellement été mis en place à partir du questionnaire de 1988, ce qui a permis d’analyser les données de 74 854 participantes, soit 2,4 millions personnes-années. En tout, 7 690 cancers du sein ont été diagnostiqués. L’augmentation de la consommation d’alcool a été associée à celle de la tumeur du sein de façon significative dès 5,5 à 9,9 g par jour, l’équivalent de 3 à 6 verres par semaine. Le risque relatif, modéré, s’établit à 1,15 (soit 15 %).
10 % de risque tous les 10 g supplémentaires.
En revanche, dès lors que la consommation s’élève à 30 g par jour, soit en moyenne 2 verres, le risque relatif augmente à 1,51 (soit 51 %). Schématiquement « nous avons observé une élévation de 10 % du risque tous les 10 g supplémentaires d’alcool bus par jour » expliquent les auteurs. Ils ajoutent n’avoir constaté aucune différence entre les diverses boissons (bière, vin, spiritueux). Il existe, enfin, une association avec les « cuites express » (« binge drinking »), mais pas avec la fréquence de la prise d’alcool.
Une explication possible à cette relation serait le rôle de l’alcool sur les estrogènes circulants. Des quantités modérées d’alcool font augmenter les taux d’hormones sexuelles chez toutes les femmes (ménopausées ou non). Ce phénomène se ferait par le biais d’une élévation d’une activité des aromatases, une diminution du catabolisme hépatique des androgènes, une action sur la production de stéroïdes surrénaliens.
Il existe une relation linéaire entre les habitudes de boisson et la tumeur mammaire, depuis le stade de non-consommation. Les auteurs considèrent plus valide de prendre en compte la totalité de la dose ingérée au cours de la vie, plutôt que celle absorbée au cours d’une période bien spécifique.
Dans un éditorial, Steven A. Narod (Toronto, Canada) juge que ce travail met au jour un 3e facteur de risque mammaire, après les radiations ionisantes et l’hormonothérapie. Il y ajoute qu’un dilemme vient de surgir : choisir entre un risque modéré de cancer du sein avec de faibles consommations ou une prévention cardiovasculaire aux mêmes doses.
JAMA, 2 novembre 2011, vol 306, n° 17, pp. 1884-1890 et 1920-1921 (éditorial).
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