« Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage »: cette devise, Alain Hériaud, tout nouveau président de la conférence des directeurs généraux de CHU, pourrait la graver au fronton de son bureau. Non que le nouveau représentant des « patrons » de centres hospitalo-universitaires soit un baroudeur épris de Transsibérien et de traversée de l’Atlantique à fond de cale. Mais il confesse une passion, qui semble éclipser toutes les autres : le goût de l’ailleurs, de l’étranger, des cultures diverses. En plein débat sur l’identité nationale teintée de crispation xénophobe, cette appétence détonne. Et n’a rien d’une posture. À 64 ans, Alain Hériaud, pour évoquer sa carrière de directeur d’hôpital, file la métaphore maritime. S’il a entrepris une carrière hospitalière – après des études de lettres où il a pu épancher sa passion pour la littérature d’Amérique latine – c’est en devisant avec un ami de ses parents, directeur général du CHU d’Orléans, qui comparait son établissement « à un gros navire, qui ressemble à une entreprise, pour accomplir l’une des plus belles missions de service public qui est la santé ». La vocation était née. Après de studieuses études à l’ENSP1, où il s’y est forgé de solides amitiés avec des acteurs importants du monde hospitalier (Jean-Jacques Romatet, Guy Vallet, Bernard Roehrich…), il fait son « internat » à Chartres, en tant qu’assistant de direction, sous la houlette de Philippe Cadence, ancien délégué général de la FHF, qui lui a tout appris. C’est à Marmande que ce Périgourdin d’origine, qui de ces années d’études à Paris a gardé une gouaille de titi parisien, décroche son premier poste de DG. « J’ai été commandant de bord de ce navire pendant quatre ans », confesse-t-il. Alain Hériaud n’a pas oublié les soirs de houle à ce premier poste de « patron » : « Si l’on peut comparer un CHU à un super-pétrolier, qui va droit son chemin, un petit CH comme celui de Marmande est comme un hors-bord. C’est souple, réactif mais l’on peut vite partir dans le décor », s’amuse-t-il. Et, puis, après avoir bourlingué quelques années, Alain Hériaud atterrit à Bordeaux, en 1986. Pour ne plus jamais quitter la capitale de l’Aquitaine. Comme si, finalement, il était arrivé à bon port… Successivement directeur de l’hôpital Saint-André, puis du centre hospitalier Pellegrin, pour finir directeur général du CHU de Bordeaux, Alain Hériaud explique en partie sa si longue longévité à Bordeaux, par sa fidélité envers un homme, Alain Juppé, président du CA de son CHU. « J’ai eu l’occasion de rendre visite à Alain Juppé lorsqu’il prit du recul au Québec. Il m’avait alors demandé de rester aux commandes du CHU, alors que j’étais tenté d’aller voir ailleurs. À son retour à la mairie de Bordeaux, il me fit comprendre qu’il souhaitait que je reste… » Que peut-on refuser à un Premier ministre ? Surtout lorsqu’on lui voue une certaine admiration, pour l’avoir côtoyé de près. Alain Hériaud se souvient avec émotion des élans paternels de Michel Debré à son égard, lorsque ce dernier occupait le poste de président du CA de l’hôpital d’Amboise. Ou encore de la sportivité de Jacques Chaban-Delmas, « qui conduisait ses séances de travail comme ses matchs de tennis ». Le pouvoir le fascine-t-il tant ? Gêné, Alain Hériaud avoue que, pour lui, « le pouvoir, c’est le pouvoir-agir ». Il ne conçoit pas l’exercice du pouvoir autrement que de manière collégiale. Même s’il avoue que « in fine, il faut que quelqu’un tranche ». À la tête de la conférence des directeurs généraux, le DG aura fort à faire : la recherche biomédicale, avec l’apparition des IHU2, est en pleine révolution, tandis que les finances des CHU sont dans le rouge. Y a du vent, y a de la tempête. Tel Mallarmé, sera-t-il tenté de se dire : « Je partirai ! Steamer balançant ta mâture, Lève l’ancre pour une exotique nature ! » De par sa nature, il est plus probable qu’Alain Hériaud, père de trois enfants et déjà grand-père de cinq petits-enfants, reste à la barre du navire. Quel que soit le prochain tsunami…
2. Instituts hospitalo-universitaires.
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