LES ARRETS CARDIAQUES brutaux observés sur les stades et médiatisés depuis quelque temps entraînent automatiquement dans l'opinion générale une suspicion de dopage - « De toute façon, ce sont tous des dopés » - et une détérioration de l'image du sport en général - « Le sport n'est peut-être pas si bon ! » -. Or, comme le souligne le Dr Xavier Jouven (Inserm U258), responsable de l'étude en cours, « les maladies cardio-vasculaires, qui régressaient en France, suite à la diminution de la consommation de tabac, notamment, sont en train de reprendre de l'ampleur avec l'augmentation dans la population de l'obésité et du surpoids en général. Donc le sport et l'activité physique sont essentiels pour lutter contre ces maladies du cœur et il serait dommageable pour tout le monde de laisser véhiculer une image ternie et erronée du sport ».
Le Dr Jouven et son équipe sont chargés par le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage (Cpld) du registre national de la mort subite du sportif lancé à la suite d'une demande du ministère de la Jeunesse, des Sports et de la Vie associative.
Une fiche standardisée.
Ce registre devra déterminer s'il existe plus de morts subites chez les sportifs, autant ou moins que dans la population générale. Il collectera, pendant deux ans, tous les cas de morts subites survenues pendant l'effort ou 24 heures avant ou après une compétition. Les circonstances du décès seront recueillies systématiquement grâce à une fiche standardisée qui a vocation à être remplie par les Samu, les pompiers, les médecins des fédérations sportives et le corps arbitral. Un protocole sera aussi précisé pour les autopsies : quel type d'échantillons prélever, comment les réaliser, comment les transporter et à quels laboratoires spécialisés les adresser. Les informations du registre seront centralisées à l'Inserm, puis croisées et validées par un comité scientifique*. L'étude sera reconduite encore deux ans.
Le registre permettra d'envisager les mesures à prendre pour améliorer les chances de survie de l'individu dès les premiers instants de la crise. A Seattle, aux Etats-Unis, une étude sur la mort subite a montré que le taux de réanimation pouvait atteindre 20 %, alors qu'en France il est de 2 %. Comment ? En faisant passer le message de l'importance du geste qui sauve, le massage cardiaque, à effectuer par l'entourage immédiat, familial, sportif ou simple passant, aussi précocement que possible. « Est-ce que je ne risque pas de mal faire avec un geste qui apparaît comme médical ? », demande-t-on au Dr Jouven, cardiologue. Il répond sans équivoque : « En ne faisant rien, en laissant les minutes passer, on se rapproche le plus sûrement de la mort. Appuyer sur la cage thoracique pour faire circuler le sang est un geste que la plupart sont réticents à faire. Il faut lutter contre cette peur. »
De plus, chaque lieu sportif devrait être équipé d'un défibrillateur, qui coûte 1 500 euros. Dans un premier temps, on en a réservé l'usage aux seuls médecins, puis on a autorisé les infirmières à s'en servir, puis le personnel médical, puis les personnes formées. « C'est un appareil extrêmement simple d'utilisation puisqu'il suffit de relier deux électrodes sur le torse de la personne à terre et d'appuyer sur le bouton ON , explique Xavier Jouven . C'est un moyen simple de sauver des vies. »
Il est prévu de proposer des défibrillateurs dans chaque stade et d'éduquer un masseur cardiaque dans chaque lieu sportif pour que ce geste citoyen soit appris partout où c'est possible. Et dès la rentrée prochaine, tout licencié recevra une carte d'identité spécifique. Sur cette carte, des informations seront précisées pour permettre de reconnaître un arrêt cardiaque (la réponse non aux deux questions : la personne est-elle consciente et respire-t-elle normalement étant le signe d'une crise cardiaque) avec la méthode pour effectuer le massage cardiaque.
Enfin, le registre aidera à identifier précocement les sujets à risque et à élaborer des mesures de prévention.
* Dr Richard Brion (Société française de cardiologie), Pr François Carré (Société française de médecine du sport), Michel Dailly (Association française du corps arbitral multisport), Me Laurent Davenas (avocat à la cour de cassation, membre du Cpld), Pr Denis Escande (Inserm U533), Dr Patrick Goldstein (Samu de France), Dr Xavier Jouven (Inserm U258), Pr Michel Rieu (conseiller scientifique du Cpld).
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