SUR L'EMPLOI, le gouvernement a échoué. Il n'avait certes pas la maîtrise de tous les flux de l'économie, en particulier la valeur de l'euro, mais en dépit des réformes et d'une politique économique largement appuyée sur la réduction des impôts et des charges, il n'a pas empêché le chômage d'augmenter.
Cette déception ne sera pas suivie d'une bonne surprise, car les nuages sont nombreux : le dollar se redresse sous l'effet de la hausse des taux de change aux Etats-Unis, mais il reste situé à un niveau trop élevé par rapport à l'euro ; nous n'avons créé que très peu d'emplois en 2004, avec 2,4 % de croissance, et si nous obtenons le même taux en 2005, ce qui est peu probable, nous ne parviendrons pas à diminuer d'un point le taux de chômage, comme le Premier ministre le souhaite ; pour les ménages, la baisse de l'impôt sur le revenu est compensée par la hausse des cotisations sociales due au financement de la réforme du système de soins et à la hausse sensible des impôts locaux due à une décentralisation qui ne finance pas tous ses objectifs ; enfin la confiance des ménages et des investisseurs diminue, ce qui se traduit par une stagnation de l'investissement et une augmentation du taux d'épargne : les gens économisent pour un avenir incertain.
La baisse des cotes.
Le gouvernement est impopulaire : la cote de Jean-Pierre Raffarin a fait une rechute et elle entraîne celle de Jacques Chirac ; le référendum sur le traité constitutionnel européen est devenu une sorte de déchetterie, le point de convergence de toutes nos frustrations et de toutes nos rancœurs, ce qui rend le « non » à peu près inévitable. Après quoi, la caisse de résonance médiatique interprétera l'échec européen comme celui de la majorité. Laquelle a déjà pris une trempe l'an dernier avec deux défaites, aux élections régionales et aux élections européennes. On ne voit pas comment, dans un tableau aussi défavorable, elle va trouver des ressources pour remonter le courant.
C'est dire combien le débat au sujet du candidat qui représentera la droite à la présidentielle de 2007 semble prématuré ; il faudrait d'abord savoir si la droite a une chance de l'emporter.
Des réformes trop timides.
Le problème ne concerne pas les carrières de nos hommes politiques, mais l'intérêt de la France, que la droite et la gauche défendent finalement très mal, tant elles sont occupées à se combattre. L'intérêt de la France commandait de faire adopter le traité constitutionnel européen par le Congrès et non par référendum. Si le pouvoir a préféré s'adresser au peuple, c'est parce qu'à l'époque le « oui » était certain et que le référendum avait l'avantage de semer la zizanie à gauche.
L'intérêt de la France commandait de réaliser les réformes le plus vite possible et de les réaliser dans le souci d'une réduction des dépenses de l'Etat. Le temps consacré à chacune des réformes a permis à l'opposition et aux syndicats de mener la vie dure au gouvernement, qui a essayé d'endiguer son impopularité en faisant des compromis. Lesquels ont atténué l'impact financier des réformes.
L'intérêt de la France commandait de respecter les critères de Maastricht, moins à cause des engagements que nous avons pris mais parce que le pays ne peut pas continuer à vivre indéfiniment au-dessus de ses moyens.
LE GOUVERNEMENT A RÉFORMÉ ASSEZ POUR SE RENDRE ODIEUX ET PAS ASSEZ POUR BOUCLER SES COMPTES
Pour obtenir une popularité que les sondages ne reflètent guère, le gouvernement, à la veille du référendum, distribue quelques primes. Thierry Breton affirme que les déficits publics ne dépasseront pas la barre des 3 %, mais : les fonctionnaires ont obtenu, entre décembre et aujourd'hui 700 millions d'euros, les éleveurs 100 millions, l'hôpital 180 millions, l'aide médicale d'Etat 300 millions. Avec quoi allons-nous payer, sinon avec de la monnaie de singe, celle du déficit ? Inutile de rappeler que la réforme du système de soins, qui fait à peine ses premiers pas, ne semble pas empêcher la hausse des dépenses. Seize milliards d'euros de déficit en 2004, probablement autant ou à peine moins en 2005, qui va payer ?
Bien entendu, il n'est pas question, ici, de contester des dépenses qui sont indispensables quand on voit le manque de ressources et d'équipements dans le système de santé. Une réforme plus audacieuse aurait exigé du consommateur de soins qu'il mette la main à la poche. Personne ne veut d'une telle réforme, mais la catastrophe est proche. Résultat : non seulement le gouvernement n'est pas allé au bout de ses propres ambitions, mais il a réformé assez pour se rendre odieux à bon nombre de Français et pas assez pour boucler les comptes. Non seulement nous sommes endettés (la dette nationale dépasse les 1 000 milliards d'euros), mais nous ne vivons même pas dans l'aisance que notre extravagance devrait nous accorder.
Une victoire de la gauche en 2007 semble inscrite dans l'ordre de nos déconvenues. Pour soigner un pays malade, plusieurs voies sont possibles : le libéralisme, la social-démocratie, le dirigisme, les mécanismes du marché comme seuls régulateurs. Nous n'avons choisi aucune de ces voies ; nous tâtons de l'une et de l'autre, selon les élections, et pire encore, selon l'humeur du peuple ou de ses dirigeants. On l'a bien vu : la droite l'a emporté en 2002 sur un programme libéral. En 2005, Jacques Chirac dénonce le libéralisme et la directive Bolkestein. Une théorie économique pour chaque saison.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature