APRÈS avoir survolé pendant de longues heures le Pacifique, le Boeing de Lan plonge vers la mer. Une terre ocre et désolée apparaît brusquement, puis un cratère lunaire. L’appareil vire à cent quatre-vingts degrés et s’enfile dans un alignement de balises. L’avion a miraculeusement rapproché l’île d’un continent autrefois si lointain. Grâce notamment à la Nasa qui a allongé la piste d’atterrissage afin d’en faire un dégagement possible pour la navette spatiale.
L’île de Pâques – aujourd’hui, les habitants insistent pour qu’on l’appelle Rapa Nui – n’aurait jamais résisté à l’abandon et au désespoir sans ces formidables énigmes qui bercent son histoire. Chaque année, quelques milliers de voyageurs en quête d’émotions et de mystères viennent interroger dans le silence des grands paysages sauvages ces blocs de pierre taillés par des hommes d’un autre temps. Qui étaient-ils ? D’où venaient-ils ? Comment ont-ils déplacé des statues phénoménales, plusieurs centaines sur une île grande comme deux fois Belle-île-en-Mer ?
Passons sur la découverte de l’île, le jour de Pâques 1722 par le navigateur hollandais Jacob Roggeveen. Aujourd’hui encore, le Conseil des anciens s’insurge contre cette affirmation, estimant que ses ancêtres polynésiens eurent cet honneur plus de mille ans auparavant. Magellan n’était pas passé loin deux siècles plus tôt et le flibustier David l’avait sans doute aperçue en 1687. Quant aux géographes de l’époque, ils étaient persuadés qu’il devait exister quelque part dans le Pacifique Sud les restes d’une Terra Australis Incognita. En 1770, le capitaine espagnol Don Felipe Gonzalez y Haedo y restera six jours, en prendra possession au nom du roi Carlos III et en dressera la carte. Cook s’y rendra quatre ans plus tard, puis La Pérouse en 1786.
688 statues.
Après une histoire tragique – la razzia des esclavagistes péruviens au XIXe siècle et la dictature du marin-aventurier français Dutrou-Bornier, époux de Koreto, reine de Rapa Nui –, l’île sera achetée en 1888 puis annexée la même année par le gouvernement chilien. Depuis 1966, c’est un département de la province de Valparaiso.
Quand la France s’intéressait au Pacifique, Pierre Loti, venu à bord de « la Flore », a rapporté des dessins étonnants des moai abandonnés. En traversant le Pacifique à bord du « Kon Tiki », Thor Heyerdahl a tenté d’apporter la preuve que les populations polynésiennes venaient par la mer du continent sud-américain comme semblent aussi l’indiquer d’autres indices tel l’ajustement des pierres de l’Ahu Vinapu, si proche de la technique incaïque employée au Pérou. Mais la démonstration n’a pas vraiment convaincu. Quoi qu’il en soit, les Pascuans sont des Polynésiens «devenus un peu plus pâles que leurs ancêtres, à cause du climat nuageux», disait Pierre Loti. Les archéologues ont bien remarqué une similitude avec les tiki des Marquises et les marae des îles de la Société, mais le nombre de statues, leur taille et la découverte de pictogrammes gravés sur les tablettes rongo-rongo entretiennent toujours une intrigue exaspérante, d’autant plus que l’écriture de ces dernières n’a jamais été déchiffrée.
Nul voyageur occidental n’a vu tailler ou transporter les moai. Aujourd’hui encore, la présence de 688 statues (elles ont été recensées par l’université de Santiago), dont certaines pèsent jusqu’à 80 tonnes, pose le problème de la mise en oeuvre d’un tel chantier. Des travaux de titan sur une terre minuscule, dépourvue de ressources et – croyait-on – de bois.
Nous savons maintenant que l’île était couverte de forêts. L’étude des pollens fossiles a permis ainsi de connaître avec précision la végétation au cours des 37 000 dernières années. Elle fait apparaître notamment la présence, au dernier millénaire, de palmiers et du fameux toromiro.
Un chantier abandonné.
Cette dernière espèce – unique au monde – retrouvée par Thor Heyerdahl et sauvée in extremis par Björn Aldèn, conservateur du musée suédois de Göteborg, a été réintroduite expérimentalement sur l’île dans les années quatre-vingt-dix. Trop nombreux, les Pascuans auraient donc épuisé les forêts. Scénario connu d’une catastrophe écologique. Puisqu’il y avait du bois, le transport des moai était possible en pratiquant les méthodes proposées par William Mulloy ou Thor Heyerdahl. La plus grande usine à moai s’étend sur les pentes du Rano Raraku. Près de quatre cents statues fixées dans la terre, ensevelies jusqu’à la tête par les alluvions, couchées par endroits, cassées ailleurs. Ou encore inachevées dans la roche de la carrière. C’est un formidable chantier abandonné dont la fonction ne fait pas l’unanimité chez les chercheurs. Carrière de sculpture où l’on entreposait les moai avant de les livrer au lieu sacré ?
L’étude des grottes et de tous les lieux souterrains qui truffent l’île réserve aussi des surprises. Personne ne sait pourquoi cette ancienne civilisation a détruit ses statues et s’est lancée dans le culte de l’homme-oiseau destiné à se choisir un chef parmi les hommes les plus vaillants. La falaise Orongo, qui est le seul obstacle entre le lac et l’océan, donne sur trois îlots : Motu Nui, Motu Iti et Motu Kaokao. C’est ici que se déroulait cette compétition au cours de laquelle le vainqueur devait descendre la falaise, nager dans une mer infestée de requins, escalader le rocher et rapporter un oeuf de sterne. Témoins de ce passé oublié : les maisons de l’ancien village d’Orongo et des pétroglyphes en relief sur les blocs basaltiques représentant les Tangata Manu (homme-oiseau), le dieu Make Make et le sterne noir. Rapa Nui nous abandonne donc à ses mystères et laisse l’image des vers de Prévert : «Tout autour de l’île, il y a de l’eau; au-dessus de l’île, il y a des oiseaux.»
Pour partir
TRANSPORTS
Vol quotidien Paris-Santiago avec Air France, à partir de 859 euros A/R TTC. Vol Santiago-île de Pâques sur Lan Chile, à partir de 590 euros.
Renseignements : Air France, tél. 0820.820.820 et www.airfrance.fr.
FORMALITES
Passeport en cours de validité. Pas de visa pour un séjour de moins de 3 mois.
DÉCALAGE HORAIRE
– 6 heures en hiver et – 8 heures en été.
CLIMAT
Période la plus chaude en début d’année et la plus fraîche en juillet-août.
LANGUES
L’espagnol, langue officielle, et le dialecte polynésien.
MONNAIE
Le peso chilien (100 centavos) 1 euro = 689,703 CLP. Il vaut mieux changer dans la capitale chilienne, le taux sur l’île n’est pas toujours favorable.
SÉJOURS
Jetset-Equinoxiales propose des voyages à la carte au Chili, incluant un séjour Explora à l’île de Pâques. Exemple de prix pour 10 jours-7 nuits sur place comprenant : vol transatlantique, 2 nuits à Santiago au Fundador avec petit déjeuner, tous transferts aéroport-hôtel, vol A/R Santiago-île de Pâques, séjour de 5 nuits à Explora Casas Rapa Nui, de type Rani, en pension complète, excursions avec guide naturaliste, à partir de 3 480 euros par personne sur la base d’une chambre double. Taxes aériennes et surcharge fuel en sus (environ 220 euros par personne).
Exemple de prix pour un séjour combinant un séjour Explora sur l’île de Pâques et un séjour dans l’Atacama, 14 jours-11 nuits sur place : à partir de 5 530 euros, comprenant le vol transatlantique, tous les vols intérieurs, tous les transferts aéroport-hôtel, 4 nuits à Explora Atacama, 4 nuits à Explora île de Pâques, 3 nuits à Santiago à l’hôtel Fundador avec petit déjeuner.
RENSEIGNEMENTS
– Consulat du Chili, 64, bd Latour-Maubourg, 75007 Paris. Tél. 01.47.05.46.61. Ouvert de 8 h 30 à 13 h 30.
– Jetset-Equinoxiales. Tél. 01.53.67.13.00 et www.jetset.to.
– Explora. Tél. 00 (562) 206.6060 et www.explora.com.
Le style Explora
Après s’être installé au Chili – en Patagonie et dans l’Atacama –, Explora propose sur l’île de Pâques une nouvelle structure d’accueil conforme à ses ambitions : faire découvrir la nature et la culture des régions extrêmes de l’Amérique du Sud. Aménagées avec charme, les Casas Rapa Nui sont installées dans des maisons conviviales selon les critères de qualité d’un excellent hôtel (grand salon, terrasse avec barbecue, Jacuzzi extérieur et neuf chambres confortables).
Explora invite aussi à voyager différemment, offrant un choix d’itinéraires de découverte en compagnie de guides expérimentés. Des pique-niques sont organisés au cours des balades sur les hauteurs de l’île ou au bord de la mer. Les dîners sont prévus dans les Casas Rapa Nui ; un chef venu du Chili assure des repas d’exception.
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