DEPUIS 1985, le groupe Ebctcg (Early Breasts Cancer Trialists Collaborative Group) publie, tous les cinq ans, une analyse de l'effet de la chimiothérapie adjuvante sur la survie des femmes atteintes de cancer du sein et sur l'incidence des récurrences de cette pathologie. Ce travail prend en compte 184 études randomisées qui ont commencé à partir de 1985. Celles-ci évaluaient l'effet de certaines chimiothérapies (CMF cyclophosphamide, méthotrexate, fluorouracil, chimiothérapie combinée incluant des anthracyclines par exemple, FAC fluorouracil, doxorubicine, cyclophosphamide ou FEC fluorouracil, épirubicine, cyclophosphamide), et de l'hormonothérapie par tamoxifène comparée à la suppression ovarienne. Dans aucune de ces études, les femmes ne recevaient des taxanes, du trastuzumab, du raloxifène ou des inhibiteurs de l'aromatase récemment développés.
Moins 38 % avec les anthracyclines.
Indépendamment de l'utilisation du tamoxifène, du statut HER (récepteurs aux estrogènes), de l'existence de métastases ganglionnaires et des autres caractéristiques tumorales, une polychimiothérapie contenant des anthracyclines (FAC ou FEC) permet de réduire la mortalité annuelle par cancer du sein de 38 % chez les femmes âgées de moins de 50 ans et de 20 % environ chez celles de plus de 50 ans au moment du diagnostic. Les données à quinze ans permettent aussi d'affirmer que les chimiothérapies contenant des anthracyclines sont plus efficaces que l'association CMF sur la récurrence et la mortalité. Les auteurs signalent que le nombre de femmes de plus de 70 ans incluses dans ces études était très faible.
Le statut HER.
Chez les femmes atteintes de cancers HER +, un traitement adjuvant de cinq ans par tamoxifène permet de réduire la mortalité annuelle par cancer du sein de 31 %, quel que soit le type de chimiothérapie utilisée, l'âge de la patiente, le statut pour les récepteurs à la progestérone et les autres caractéristiques de la tumeur. Utilisé pendant cinq ans, le tamoxifène est significativement plus efficace que lorsqu'il est prescrit pour une durée relativement courte (1 à 2 ans). Chez ces femmes, le taux annuel de mortalité s'est révélé similaire au cours des cinq premières années et dans les dix années qui ont suivi. En prenant en compte la réduction proportionnelle de mortalité après cinq années de traitement par tamoxifène, les auteurs concluent que « à quinze ans, le bénéfice de ce traitement est deux fois plus important qu'à cinq ans en raison du nombre des décès dans le groupe témoin ».
HER+ et moins de 50 ans.
Pour les femmes d'une cinquantaine d'années dont la tumeur exprime des récepteurs aux estrogènes - la forme la plus commune de la maladie - un traitement de six mois par une chimiothérapie contenant des anthracyclines et suivi par la prescription de tamoxifène durant cinq ans permet de diminuer de moitié le taux de mortalité à quinze ans. Si la mortalité globale des femmes traitées par anthracyclines et tamoxifène pouvait être calculée en additionnant les bénéfices des deux traitements, on pourrait imaginer que la réduction de mortalité s'établirait à 57 % pour les femmes jeunes et à 45 % pour les plus de 50 ans. Mais les données actuellement disponibles ne permettent pas de conclure à ce résultat de façon formelle.
Pour les auteurs, « on peut globalement attribuer la baisse de la mortalité des femmes atteintes de cancer du sein au cours des années 1990 à différents facteurs : l'utilisation de meilleurs protocoles de chimio- et d'hormonothérapie, un meilleur dépistage des cas précoces et une prise en charge optimisée par la mise en place de réseaux de soins ». Il est possible d'imaginer que le pronostic pourrait être encore amélioré par de nouveaux traitements en cours d'évaluation, mais les résultats préliminaires d'études ne laissent pas espérer d'amélioration spectaculaire. Néanmoins, l'addition de petits ou de moyens effets pourrait se révéler notable à terme.
Prendre en compte les nouveaux traitements.
« Les travaux du groupe Ebctcg ont permis, dès les premières publications, de préciser le bénéfice de la chimiothérapie adjuvante et de l'hormonothérapie sur la survie des femmes atteintes de cancer du sein », analysent les éditorialistes, les Drs S Chia, C. Bryce et K. Glemon (Vancouver). L'amélioration de la survie s'est traduite par une baisse de la mortalité de ces femmes au cours des dix dernières années aux Etats-Unis et au Royaume-Uni. On peut désormais penser que la survie des 1,5 million de femmes qui sont atteintes chaque année de ce type de cancer dans les pays industrialisés pourrait être améliorée par le suivi des recommandations élaborées à partir des métaanalyses. Mais, s'inquiètent les éditorialistes, « il est possible que ces données fondamentales passent inaperçues en raison de la publication plus récente d'études utilisant des chimiothérapies et des hormonothérapies nouvelles ». Le Dr Chia s'interroge sur l'intérêt de la poursuite de ce travail à vingt ans puisque le taux d'échappement à cinq et à quinze ans était similaire à la fois dans le groupe contrôle et dans le groupe sous traitement. Néanmoins, ce type d'analyse quinquennale pourrait être poursuivi en intégrant les données de nouvelles études utilisant les nouvelles approches plus récemment développées : taxanes combinées ou utilisées séquentiellement avec les anthracyclines ou trastuzumab chez les patientes dont les tumeurs surexpriment les récepteurs au facteur de croissance épidermique humain, agonistes du LHRH (Luteinising Hormone Releasing Hormone) en association avec du tamoxifène chez les femmes non ménopausées dont la tumeur exprime des récepteurs estrogènes, enfin, les inhibiteurs de l'aromatase utilisés en continu ou de façon séquentielle chez les femmes ménopausées dont la tumeur exprime des récepteurs aux estrogènes.
« The Lancet », vol. 365, pp. 1665-1666 et 1687-1717, 14 mai 2005.
Sept métaanalyses, 110 000 femmes
Les résultats présentés dans le « Lancet » prennent en compte sept grandes métaanalyses : anthracycline contre absence de chimiothérapie (8 000 femmes), CMF contre absence de chimiothérapie (14 000), anthracycline contre CMF (14 000), cinq années de tamoxifène contre placebo (15 000), deux années de tamoxifène contre placebo (33 000), deux ans contre cinq ans de tamoxifène (18 000). Enfin, ovariectomie contre suppression hormonale (8 000).
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