Le « congé pathologique » est entré dans les moeurs

Publié le 15/11/2006
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CONSACRÉE au congé de maternité*, une récente étude du ministère de la Santé a montré l’ampleur du phénomène : sept femmes enceintes sur dix bénéficient d’un congé pathologique (« le Quotidien » du 31 octobre) et allongent par ce biais une durée légale du congé de maternité qui est de 16 semaines pour les mères de un ou deux enfants et de 26 semaines à partir du troisième enfant.

A quoi correspond exactement ce « congé pathologique » ? Prescrit par un médecin, pris en charge par l’assurance-maladie et par les entreprises exactement de la même manière que le congé de maternité classique, il permet d’allouer aux femmes enceintes actives des jours de congé supplémentaires en cas de complications médicales ou de fatigue. Avant la naissance, il peut durer jusqu’à deux semaines ; après la naissance, il s’étale sur quatre semaines au maximum.

Selon les statistiques du ministère, le recours au congé pathologique concerne d’abord, dans 77 % des cas, la période prénatale – il ne se fait après la naissance exclusivement que dans 9 % des cas tandis que 14 % des femmes prenant un congé pathologique le font à la fois avant et après leur accouchement. Il semble que, avant la naissance, le congé pathologique soit quasiment toujours pris inextenso tandis que, après la naissance, il dure en moyenne 24 jours. Il n’est pas rare que les femmes allongent encore la durée de leur cessation d’activité à l’occasion d’une naissance en utilisant des jours de congés normaux.

Des motifs flous.

Les motifs de prescription du congé pathologique restent assez flous. Les chiffres ne permettent de relier ce congé ni à l’âge de la mère (et ce «bien que les grossesses aux âges élevés soient généralement considérées comme davantage “à risque”», note le ministère), ni à la présence au foyer de jeunes enfants, ni à des temps de trajet élevés, ni à la pénibilité du travail (autant d’éléments «pouvant occasionner pour les femmes enceintes une fatigue accrue»), ni à la profession. Seule certitude, «être dans une situation instable au niveau professionnel ou exercer une profession indépendante apparaît comme un frein».

Le ministère ne l’écrit pas – il précise même que les informations recueillies dans le cadre de son enquête ne permettent «pas d’identifier en tant que telles les raisons médicales à l’origine de la prescription d’un congé pathologique» –, mais entre les lignes, il laisse entendre que les facteurs médicaux ne sont pas en première ligne qui motivent ce congé devenu une sorte d’usage. Bizarrement, à la Caisse nationale d’assurance-maladie, on ne s’est pas encore intéressé à la question. A l’heure des contrôles accrus en matière d’arrêts de maladie ou de respect des frontières des ALD, le congé pathologique (qui doit pourtant peser son petit poids en termes de dépenses) reste un inconnu pour la Cnam. Pas d’études, pas de chiffres (ni en jours ni en euros), y assure-t-on.

De fait, les obstétriciens affirment n’avoir jamais aucune remontrance de l’assurance-maladie quand ils prescrivent un congé pathologique. Une tolérance – originale par les temps qui courent – existe bel et bien dans ce domaine. Paradoxalement, les caisses seraient même plus laxistes en cas de congés pathologiques délivrés pour des motifs assez flous qu’en cas de demandes d’arrêt de travail de femmes enceintes (formulées avant la date de départ légal d’un congé pathologique) pour des raisons médicalement bien précises (menace d’accouchement prématuré, hypertension…).

Les obstétriciens, en tout cas, n’en font pas mystère : le congé pathologique, qu’ils ne considèrent certainement pas comme un luxe, est devenu une sorte d’usage. Obstétricien à l’hôpital de Longjumeau, dans l’Essonne, le Dr Serdar Dalkilic explique : «Plusieurs possibilités. Si les patientes nous demandent un congé pathologique, on le leur prescrit systématiquement. Si elles ne nous le demandent pas, et si tout se déroule normalement, on n’en parle pas. Ou bien on peut le proposer de manière préventive si la patiente fait un petit peu d’hypertension, si elle a un métier difficile, qu’elle est coiffeuse ou infirmière… –il arrive d’ailleurs, bien que ce soit rare, que les femmes nous disent: “Non merci docteur, je n’en sens pas le besoin”» Et si elles sont malades ? «Alors, s’amuse le Dr Dalkilic, elles ont déjà été arrêtées avant. Dans ce cas, le congé pathologique vient compléter un arrêt de maladie préexistant.»

* Sophie Pénet, « Le congé de maternité », Drees, « Etudes et résultats » n° 531.

> KARINE PIGANEAU

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8052