Voilà un confrère têtu qui ne manque pas de constance, mais devra quand même payer 3 000 euros à la Sécu pour prix de son obstination. En novembre 2008, un médecin généraliste d’Orléans est épinglé par sa caisse primaire pour sa propension à prescrire des arrêts de travail larga manu : 12 372 journées sur l’année 2007 contre une moyenne de 2 766 pour l’ensemble de ses confrères de la région Centre. La Cpam lui signifie alors la mise sous entente préalable de toutes ses nouvelles prescriptions d’IJ pour une durée de deux mois. Le service médical de sa caisse devra donc les viser au préalable pendant cette période.
Une sanction que le praticien a donc contestée depuis le début. D’abord, en saisissant le tribunal administratif d’Orléans qui le débouta en juin 2009, puis devant la cour administrative d’appel de Nantes qui confirma cette décision il y a un an.
Le Conseil d’Etat vient à son tour, mercredi 4 mai, de donner tort au praticien d’Orléans contre la Sécu, notamment au motif que les erreurs alléguées par le médecin n’étaient ni prouvées ni suffisamment nombreuses pour entacher d’irrégularités la décision de la caisse. « Le dossier de la caisse était truffé d’erreurs, même si à chaque fois, il s’agissait de petites erreurs. La question était de savoir si la somme de ces erreurs n’avait pas une incidence sur la légalité de la décision de la caisse primaire, » commente l’avocat du médecin orléanais, Me Yves Richard.
Procédure d’exception
Dans cette affaire, on retiendra aussi que la Sécu – en l’occurrence, la Cpam d’Orléans- a l’habitude d’épingler les surprescripteurs dès lors qu’un rapport de 4,5 sépare son volume de prescriptions d’IJ de la moyenne de ses confrères. En l’espèce, il s’agissait de 4,47 seulement. Devant le Conseil d’Etat, Me Yves Richard a pris argument de cette différence de traitement et de cet écart par rapport « aux règles du jeu que la caisse s’était elle-même fixées, » pour faire annuler la procédure. En vain là encore, puisque le Conseil d’Etat n’a même pas pris la peine d’examiner ce raisonnement : « il l’a écarté de manière assez sévère, en estimant que ce moyen n’avait pas été formulé devant la cour administrative d’appel. Or mon correspondant avocat y avait bien évoqué la question, » souligne Me Richard.
La mise sous entente préalable des méga prescripteurs est une innovation de la réforme Douste-Bertrand de 2004. Cette procédure d’exception a été très critiquée par les syndicats de médecins libéraux, certains évoquant la création d’un « délit statistique » sans rapport avec le bien fondé des arrêts maladie délivrés. En outre, les représentants des médecins libéraux critiquent une procédure au bon vouloir des directeurs de Cpam, qui ne sont nullement contraints par l’avis de la commission paritaire médecins-caisses, appelée « commission des pénalités. »
Bon an mal an, environ 150 médecins généralistes sont mis sous entente préalable pour leurs IJ et pour une durée qui n’excède jamais 6 mois. « J’ai vu passer quelques-unes de ces affaires, commente Me Richard. Mais les mesures de surveillance des médecins au regard des indemnités journalières n’étant pas très fréquentes, et toujours pour un délai assez court, il n’y a pas beaucoup de praticiens qui se risquent à se lancer dans deux ou trois ans de procédure. »
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature