EN FRANCE, le laps de temps écoulé entre le début des symptômes et la prise en charge du patient atteint de MA est de vingt-quatre mois, soit douze mois avant que le médecin ne soit sollicité et douze mois pour que les procédures diagnostiques soient terminées, ce qui nous place derrière la moyenne européenne (vingt mois). « Or l’enjeu actuel du diagnostic », insiste le Dr Marie Sarazin (service de neuropsychologie, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière) « se situe au stade débutant ou léger de la MA pour permettre une prise en charge précoce du patient ».
On dispose de traitements actifs sur l’ensemble des manifestations cliniques – déficit cognitif, perte d’autonomie, modifications du comportement ou du caractère – et la qualité de vie du patient et de son entourage. Les inhibiteurs de l’acétylcholinestérase (Iace), s’ils agissent de façon symptomatique et non curative, ont montré leur efficacité dès les premières manifestations de la maladie. Une étude en double aveugle donépézil versus placebo a montré, dès les stades légers de la MA, avec un MMS de 24,1, une action symptomatique sur les scores cognitifs. Il est d’autant plus impératif d’agir tôt que toutes les études convergent pour montrer que le retard pris à l’initiation du traitement ne se rattrape pas. Une étude menée pendant six mois, avec un groupe de patients traités par donépézil et un sous placebo, suivie d’une évaluation en ouvert, montre que le groupe non traité ne retrouve pas le niveau du groupe traité dès le début. Certains hésitent à prescrire tôt par crainte d’un effet d’épuisement du traitement : une étude a montré que l’efficacité se maintient sur un an, une étude à plus long terme qui laisserait un groupe de patients non traités étant éthiquement impensable à réaliser.
Dans le cadre d’une stratégie globale.
Mais traiter tôt, c’est aussi envisager une stratégie globale, médicale, rééducative et psychosociale. Parallèlement au traitement médical, il faut intervenir sur le handicap par la réhabilitation cognitive, le développement de mécanismes de compensation, et inscrire le patient dans une filière de prise en charge, pour l’accompagner au mieux et anticiper l’isolement et l’épuisement de l’entourage.
Pour dépister une MA débutante devant des petits troubles mnésiques chez une personne âgée, l’étape indispensable est le bilan neuropsychologique, avec divers tests, test de l’horloge, de l’orientation, fluence verbale, test des cinq mots. Une analyse séméiologique fine de la mémoire doit être réalisée au même titre qu’on décortiquerait une symptomatologie organique. Mémoriser, c’est d’abord encoder, puis stocker les données et enfin pouvoir les récupérer. La MA correspond à un trouble de la mémoire de type hippocampique, avec une atteinte de la capacité de stocker les informations, ce qui la différencie des atteintes du codage ou de la récupération. Dans le test des cinq mots, lors du vieillissement normal, le sujet se souvient de 60 % des mots, mais cite la totalité grâce à l’indice sémantique (donnant la catégorie de l’objet), et sans fausse réponse, puisque l’encodage et la récupération de l’information sont normales ; le sujet dépressif a souvent une perte de 40 % des mots, mais cite la totalité après l’indice sémantique et sans réponse erronée ; par contre, dans la MA, le nombre de mots rappelés est très bas et s’améliore très peu avec l’indice sémantique, avec des confusions, comme si la personne n’avait pas appris ces mots.
L’IRM contribue au diagnostic en éliminant les autres causes de démence et en montrant une atrophie de l’hippocampe, argument supplémentaire au diagnostic.
L’étude Imagine.
L’objectif de l’étude IMAGINE (Information sur la maladie d’Alzheimer en médecine générale et intervention neurocognitive) était d’évaluer l’impact d’une intervention (information sur la MA, apprentissage à la pratique de tests neuropsychologiques d’aide à la décision pendant la consultation) sur le repérage des troubles cognitifs de la maladie d’Alzheimer par les médecins généralistes. Trois mille patients âgés de plus de 75 ans, consultant leur médecin généraliste pour une plainte cognitive en dehors de toute démence connue, ont été inclus. La moitié des médecins avait reçu une formation spécifique et faisaient passer des tests, mais tous rendaient un avis sur la suspicion ou non de démence ; les avis positifs et les patients pour lesquels le médecin n’arrivait pas à se prononcer étaient adressés à un spécialiste. Pour que l’observatoire des pratiques soit le plus fiable possible, un échantillon de patients identifiés comme négatifs était néanmoins adressé au spécialiste. L’essentiel de ces patients était suivi depuis plus de dix ans par leur médecin. Le diagnostic de MA a été porté par le médecin généraliste chez 32 % des patients, celui d’absence de MA chez 48 %, sans orientation dans environ 20 % des cas. Qu’il s’agisse des médecins du groupe témoin ou du groupe intervention, le même nombre de patients était envoyé au spécialiste, et le même pourcentage de MA était finalement détecté. Cependant, la proportion de cas pour lesquels le médecin ne se prononçait pas était supérieure dans le groupe n’ayant pas bénéficié de la formation. « Il ressort de cette étude, conclut le Dr Philippe Bonet, médecin généraliste (Montbert) et président de l’Unaformec, que si le nombre final de cas diagnostiqués ne change pas, l’information sur la MA et l’utilisation de tests neuropsychologiques pendant la consultation améliorent la qualité du diagnostic, d’où l’importance de sensibiliser les médecins. »
Journée de gériatrie, « Prise en charge précoce de la maladie d’Alzheimer », parrainée par les laboratoires Pfizer-Eisai.
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