COMMENT MESURER l’efficacité de notre protection sociale ? La question est aussi vaste que complexe. Elle est au cœur du dernier rapport annuel que le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance-maladie (HCAAM) doit rendre public en fin de semaine. L’un des trois tomes examinés par l’institution et que « le Quotidien » s’est procuré, porte sur cet épineux sujet. Les deux autres sont consacrés à l’impact de la crise sur le déficit de l’assurance-maladie et aux effets du vieillissement de la population.
Jusqu’à aujourd’hui, les économistes de la santé utilisent des indicateurs traditionnels pour juger l’efficacité du système d’assurance-maladie. Le Haut Conseil note que « l’accessibilité des soins est, le plus souvent appréciée de manière macroéconomique ». Ainsi, il s’agit le plus souvent de mesurer la part des ménages dans le financement des dépenses de soins. Selon les chiffres de la DREES, « l’évolution des remboursements de l’assurance-maladie obligatoire (AMO) est restée très voisine de l’évolution des coûts de santé » sur les dix dernières années. « Le taux d’intervention moyen de l’assurance-maladie obligatoire a légèrement fléchi face à la montée des coûts individuels de soins », note le HCAAM. L’institution présidée par Denis Piveteau affirme que « contrairement à certaines affirmations, le rapport entre le reste à charge et le revenu disponible brut, demeure autour de 3 % ». Ce taux a peu varié entre 1995 et 2009. « La part prise par les frais de santé reste modeste et croît modestement », ajoute le HCAAM. En dix ans, le reste à charge des patients, après remboursement de l’AMO, a augmenté d’un peu plus d’un euro par mois en moyenne depuis dix ans.
Des chiffres sans sens.
Le système d’assurance-maladie remplit correctement son rôle de « mutualisation » du risque maladie, selon les auteurs du rapport. Alors que 15 % de personnes en affection de longue durée (ALD) concentraient 55 % des dépenses du régime général en 2008, le HCAAM observe que le débat public s’est récemment saisi de la question du remboursement des soins courants (hors soins hospitaliers et ALD). « L’écart de taux particulièrement marqué (55 % contre 85 %) du taux de couverture entre les soins courants et les soins ambulatoires d’ALD montre que le système fait le choix d’intervenir plus fortement sur les seconds que sur les premiers », analyse-t-il. Le taux de remboursement de soins courants présente plusieurs défauts, selon le HCAAM. « Les soins courants ne concernent jamais les mêmes personnes d’une année sur l’autre. » De même, la dispersion des situations fait que la « notion de moyenne n’exprime pas la réalité ». « On ne peut pas s’en tenir au taux de couverture (global ou des soins courants) pour porter un diagnostic complet », résume le Haut Conseil selon qui ces indicateurs s’éloignent radicalement de la réalité vécue par les usagers.
Pour mesurer l’efficacité financière du système d’assurance-maladie, les mesures de reste à charge rendent imparfaitement compte de la situation. Le reste à charge moyen est un « un chiffre qui n’a pas de sens, puisque la quasi-totalité des personnes sont soit au-dessus, soit en-dessous ». Selon le Haut Conseil, « il faut mesurer aussi le renoncement aux soins pour raisons financières » dont le concept « paraît intuitif et facile à recueillir » même s’il tempère que la France est le pays européen où le renoncement aux soins est le plus bas.
Le HCAAM préconise d’employer de nouveaux indicateurs pour suivre l’objectif d’accessibilité financière d’accès aux soins. Il s’agit selon l’institution de « placer les bons thermomètres aux bons endroits » : « Seule la lecture simultanée d’un ensemble d’indicateurs suffisamment large permet de tirer des diagnostics exacts. » Quatre types d’indicateurs permettraient d’y voir plus clair : des données macroéconomiques sur la part des différents financeurs du système de soins (Assurance-maladie obligatoire, complémentaires, ménages...) ; des indicateurs de suivi de l’objectif de solidarité entre bien portants et malades ; des chiffres sur le recours efficient au système de santé ; et enfin une analyse de l’accessibilité financière générale aux soins.
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