DEPUIS LE 25 JANVIER, le téléphone ne sonne plus dans les deux centres 15 de Dole et de Lons-le-Saunier, dans le Jura. Un accident de la route, une rotule brisée sur les pistes de ski, un AVC : tous les appels d'urgences que passent les habitants du Jura sont dirigés vers une plate-forme téléphonique régionale basée à Besançon.
L'agence régionale de l'hospitalisation (ARH) de France-Comté en a décidé ainsi.
Dès 1998, une enquête souligne l'existence de certains problèmes au Samu 39 : le personnel médical, souvent en nombre insuffisant, est en plus commun au service d'accueil et de traitement des urgences, au Smur et au Samu. Les médecins régulateurs, qui ont pris l'habitude de donner un coup de main à leurs confrères urgentistes, partagent leur temps entre la réception des appels et les soins. L'ARH a voulu mettre un terme à cette situation peu réglementaire. Elle a alors proposé aux deux centres 15 du Jura de fusionner, pour mutualiser leurs moyens et ne faire plus qu'un seul Samu.
Le projet ne verra pas le jour, faute de recruter les médecins nécessaires. Aucun des six postes de PH qu'a créés l'ARH pour l'occasion n'a trouvé preneur. Pourtant, tous ont été classés à recrutement prioritaire, ce qui donne droit à une prime de 10 000 euros la première année. « Les mesures financières n'ont pas suffi à restaurer l'attractivité des postes », constate le Dr Christian Favier, conseiller médical de l'ARH.
En Haute-Saône aussi ?
Il a donc fallu trouver autre chose. Le transfert d'activité des deux centres 15 du Jura vers celui de Besançon s'est alors imposé comme la meilleure des solutions, aux yeux de l'ARH. Une première étape, au sein d'un processus de restructuration plus vaste : « On manque de médecins dans le Jura, mais aussi en Haute-Saône, c'est pourquoi on étudie la même chose pour le Samu de Vesoul », précise le Dr Favier. Depuis peu, c'est décidé : le centre 15 de Haute-Saône, lui aussi, va cesser son activité. « Courant 2005 », indique l'ARH.
Les appels de toute la région, à terme, seront centralisés au niveau de la plate-forme de régulation médicale installée au CHU de Besançon (à l'exception du territoire de Belfort). « On règle ainsi les problèmes de démographie médicale et de qualification des médecins régulateurs, qui sont parfois trop jeunes et pas assez expérimentés », explique le conseiller médical de l'ARH.
Aux urgences de l'hôpital de Vesoul, on accueille très mal la nouvelle. « Il s'agit d'une décision unilatérale, on ne s'est pas concertés, déclare le chef de service, le Dr Christophe Bein. On se pose la question de l'utilité de cette plate-forme téléphonique régionale. On craint des dysfonctionnements, du fait d'une méconnaissance du terrain et du réseau local en médecins. Ici, on connaît les médecins urgentistes et généralistes, les pompiers, le terrain, c'est indispensable. On régule plus finement en étant sur place. Sinon, pourquoi s'embêter et ne pas délocaliser là où ça ne coûte pas cher, à Taïwan, avec un logiciel de cartographie ? », ironise le Dr Bein.
Le chef des urgences craint pour l'avenir du Samu de Haute-Saône : « Pour moi, un Samu sans régulation, c'est une coquille vide. Quand on ne gère plus les flux, ni les arrivées de patients, on ne peut rien anticiper. On fait tourner le Samu 70 malgré les 8 postes vacants - sur un total de vingt postes - sans problème depuis plus de vingt ans. Pourquoi changer ? On a le sentiment que l'ARH a envie de faire une expérience. »
Dysfonctionnements.
Dans le Jura, où « l'expérience » est en route depuis plus d'un mois, on s'inquiète aussi de cette centralisation. Des dysfonctionnements auraient été observés ça et là, ce que dément l'ARH. Depuis le 25 janvier, « les Smur sortent beaucoup plus souvent, car à Besançon, les permanenciers et les médecins régulateurs ne veulent pas faire d'erreur », raconte Annette Bouillon, infirmière à l'hôpital de Lons-le-Saunier et porte-parole du comité de maintien des centres 15 dans le Jura.
Le Jura compte 152 000 habitants. « La population d'ici méritait d'avoir ses deux Samu, poursuit Annette Bouillon. Ça répondait à des besoins. Notre sentiment, c'est que la proximité, c'est la sécurité. Le problème, c'est que l'ARH ne s'en tiendra pas à ça. Elle veut transformer certains centres hospitaliers en hôpitaux locaux, comme à Champagnole. » Plusieurs milliers de personnes ont manifesté le 15 janvier dernier, si bien que l'ARH est revenue sur sa décision de supprimer le plateau technique de cet établissement de santé. Provisoirement tout du moins : elle laisse trois ans à l'hôpital de Champagnole pour redresser ses comptes et pour recruter les chirurgiens et les anesthésistes qui manquent pour que les équipes soient au complet. Là encore, l'argument démographique est invoqué. L'ARH a été claire : si le CH ne parvient pas à redresser la barre d'ici à 2008, les normes seront appliquées, et le plateau technique disparaîtra.
Grève en Bretagne
Les urgences hospitalières et les Samu bretons ont déclenché une grève dans l'ensemble de la Bretagne pour dénoncer leur saturation, a expliqué Bertrand Avez, délégué régional de l'Association des médecins urgentistes de France (Amuf).
Selon ce médecin au CHU de Rennes, les quatre Samu bretons et quinze des vingt services d'urgence hospitaliers bretons sont en grève ou ont déposé un préavis de grève illimitée jeudi. Les urgentistes continuent cependant à travailler pendant la grève.
Le mouvement a débuté à Rennes et dans les Côtes-d'Armor à l'initiative d'un collectif rejoint ensuite par l'Amuf et le SUH (syndicat des urgences hospitalières). A Rennes, 100 % des titulaires étaient en grève selon l'Amuf.
Les urgences de Redon, Carhaix, Douarnenez et Brest sont les seules à ne pas être en grève.
« Avec la disparition des gardes de nuit tenues par les généralistes, le Samu est saturé et, par contrecoup, les services d'urgence se retrouvent dans l'impossibilité » d'assurer leur mission, a précisé le Dr Avez qui explique encore que « des gens restent jusqu'à 48 h sur des brancards. On arrive le matin, il y a 50 personnes en attente dans les couloirs », a ajouté le Dr Avez.
« Les généralistes, poursuit-il, disent qu'ils ne sont plus assez nombreux (pour assurer les gardes de nuit). Il faut qu'urgentistes, services de l'Etat et généralistes s'asseoient autour d'une même table » pour discuter.
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