C'EST A L'OCCASION d'un voyage d'affaires en Afrique qu'Alain Viry, P-DG de la Cfao, un groupe spécialisé dans la distribution vers ce continent, découvre la réalité du sida. « En Europe du Nord et aux Etats-Unis, grâce aux succès des trithérapies, on a tendance à croire que l'épidémie est sous contrôle, mais ce n'est absolument pas le cas dans les pays du sud », rappelle le Pr Pierre-Marie Girard (chef de service des maladies infectieuses et tropicales à l'hôpital Saint-Antoine de Paris), venu sensibiliser le patronat français à la lutte contre le sida à l'occasion d'une réunion organisée par le Medef.
« Il y a cinq ans, je suis allé en Zambie pour y réaliser des investissements. J'ai été abasourdi lorsque mon contact africain m'a expliqué que 10 % de ses salariés sont séropositifs : sa secrétaire, son responsable informatique étaient déjà gravement malades », se souvient Alain Viry. Cette prise de conscience brutale le pousse à agir. Dans les pays en développement, l'épidémie fait tellement de victimes qu'elle a des conséquences macroéconomiques visibles. « Le sida fait peser une menace constante sur les chances de développement de ces pays à cause de la raréfaction de la main-d'œuvre et de la baisse de productivité qu'il cause », analyse le président du patronat français, Ernest-Antoine Seillière.
Cependant, pour ne pas rester au stade des vœux pieux, un certain nombre de conditions sont nécessaires. « Il faut une direction générale clairement engagée, un collaborateur de l'entreprise qui soit suffisamment disponible et créer les conditions d'une appropriation du problème par l'ensemble des salariés », précise Alain Viry, qui est aussi président de Sida-Entreprises. Cette association, qui a 18 mois, regroupe déjà 25 groupes français ayant une activité internationale. Elle aide les entreprises à mettre en œuvre des programmes de prévention ou de mise à disposition des traitements.
Autre condition importante pour s'engager contre le sida : ne pas vouloir à tout prix agir seul. L'Unicef, notamment, propose des partenariats. « Il me semble que la collaboration entre les entreprises et l'Unicef est une source d'enrichissement mutuel, estime le président de sa branche française Jacques Hintzy. Nous avons une véritable expertise dans le domaine de la lutte contre le sida et les entreprises connaissent bien leurs salariés. » Néanmoins, l'intérêt de l'entreprise ne doit pas s'arrêter à ses seuls salariés, mais à toute sa famille. « La perte d'un ou des deux parents est une catastrophe pour l'accès à l'éducation et la qualité de vie des enfants », rappelle le Pr Girard.
Un manuel pour les employeurs.
L'Organisation internationale des employeurs (qui regroupe les patronats de différents pays) a également mis au point avec l'Onusida un « Manuel des employeurs sur le VIH/sida ». « Nous pouvons aider concrètement dans chaque pays des entreprises à avoir une politique active contre le sida », indique François Périgot, son président. En Afrique du Sud, le pays du monde le plus touché par l'épidémie, 80 % des entreprises ont déjà un programme de lutte contre le sida, en particulier en matière de dépistage. « La première leçon à tirer est que, pour l'Afrique, quelles que soient les actions que l'on engage, elles arrivent déjà trop tard. Il faut donc amplifier la mobilisation et ne plus attendre en Asie et en Amérique latine pour agir », lance Marie-Pierre Poirier, représentante de l'Unicef au Brésil.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature