IL EST TEMPS de mettre un terme au malentendu : depuis bientôt cinquante ans, la construction européenne ne s'est poursuivie et n'a apporté richesses et hausse constante du niveau de vie que parce qu'elle a libéralisé les échanges ; elle a aidé les Etats les plus pauvres à se hisser au niveau de prospérité des plus riches ; elle en a sorti d'autres de leur relative arriération ; elle a interdit les régimes autoritaires, de droite ou de gauche ; elle empêche toute éventualité de conflit militaire entre deux des Etats membres : la jeunesse française croit que ce n'est pas une disposition importante, ce en quoi elle se trompe à 100 %. Les guerres ont éclaté par le passé beaucoup plus vite qu'on ne le croyait, elles ont causé des pertes colossales en vies humaines (40 millions d'êtres humains en 39-45) et en biens matériels. Aucun d'entre nous, quelle que soit sa durée de vie, n'est à l'abri d'un conflit et il est tout à fait remarquable que l'Union européenne ait rendu impossible cette éventualité.
Le triomphe des libertés.
L'Europe est donc le triomphe des libertés contre l'obscurantisme ; du libéralisme contre les défigurations du socialisme.
Or le « non » est soutenu par des revendications sociales formulées sur le mode agressif. Personne, en France, ne semble penser à ce qu'il a et qu'il n'aurait sans doute pas si la France n'était pas dans l'Europe. Personne ne dit que la satisfaction des revendications dans un contexte de pénurie nous aurait imposé le dénominateur commun de la pauvreté. Personne ne dit qu'un système reposant entièrement sur le partage des richesses aboutirait à l'autarcie et donc à la faillite. Personne ne dit que l'Europe est, pour les Français, un impératif catégorique, on dira une fatalité qui s'impose à eux mêmes s'ils n'en veulent pas . Car la construction européenne se serait produite spontanément si quelques Sages ne l'avaient inventée ; elle se serait faite dans le désordre et une inégalité infiniment plus choquante.
En d'autres termes, c'est l'Europe libérale qui a fait notre prospérité, face à une Europe de l'Est ravagée par le marxisme. Il faut donc comprendre que lorsque des Français se plaignent de l'Europe, ils se plaignent de ne pas faire la guerre, ils se plaignent d'avoir plus que ce qu'ils auraient sans l'Europe, ils se plaignent enfin de ne pas être gouvernés par un Staline ou un Mussolini.
La transe sociale des Buffet, Krivine, Laguiller, Besancenot, qu'on trouve si sympathiques, c'est la générosité des dictateurs en herbe qui n'ont même pas honte de ce qu'ils cachent, à savoir qu'ils prétendent remettre le pouvoir au peuple pour mieux le subjuguer. La dictature du prolétariat, on connaît. On sait à quels scandaleux privilèges elle peut donner lieu. On sait à quels crimes politiques elle ouvre la voie, à quelles persécutions, à quelles exactions. Ceux des Français qui ouvrent les bras à ces leaders de l'extrême gauche doivent comprendre ce qu'ils font, à quels dangers ils nous exposent tous.
De même ceux qui écoutent encore les sirènes de Le Pen doivent dire s'ils renoncent à l'humanisme européen et sont prêts à faire la chasse aux immigrés, aux Arabes, aux juifs, aux homosexuels, aux libres penseurs. L'Europe est justement le laboratoire de l'éthique politique. Elle est installée sur le socle solide des règles démocratiques et républicaines : un homme, une voix.
IL N'Y A PAS, IL N'Y A JAMAIS EU D'EUROPE SOCIALE. IL Y A UNE EUROPE LIBRE, QUI NE PEUT REDISTRIBUER QUE CE QU'ELLE GAGNE
Un traité pour que ça marche à 25 ou à 27.
La France va voter « non » parce que les salariés français sont épouvantés par les délocalisations. Ils posent non pas une question sur le contenu du traité, mais sur l'élargissement à 25, qui a été pourtant accueilli dans l'indifférence. Dans ces colonnes, nous avons eu l'occasion de montrer les difficultés de l'élargissement, la complication des votes permettant l'adoption de nouvelles mesures, l'inflation d'élus, le danger d'un Parlement hypertrophié. Le traité constitutionnel propose des solutions. Sans le traité, l'Europe sera forcément ingouvernable.
Alors, fallait-il faire l'Europe des 25, puis des 27 ? Il le fallait pour des raisons politiques et humanistes. Les pays de l'Est ont gardé du marxisme-léninisme, celui que notre bon peuple semble appeler de ses vœux, un souvenir atroce. Les prendre sous notre aile, c'est leur garantir la sécurité et la démocratie. Devions-nous renoncer à ce geste élémentaire de bon voisinage ? Ils vont nous prendre nos emplois ? Certains cas de délocalisations bénéficient d'une publicité énorme. On ne parle pas des emplois créés en France pour élaborer des structures de gestion, de fonctionnement et d'industrialisation dans les pays de l'Est. Oui, il y a des victimes de l'élargissement, pas du traité. Il y a en a eu auparavant, quand l'Irlande, l'Espagne, le Portugal sont entrés dans le club. Qui penserait à les exclure de l'Europe aujourd'hui ? Qui ne sait pas que la prospérité de ces pays nous a ouvert, à nous Français, des marchés ? Pourquoi toujours mentionner ce qui ne va pas, jamais ce qui va ?
Le PS menacé.
Vous allez me dire : une minute : le socialisme d'un Mélanchon ou d'un Montebourg, et a fortiori d'un Fabius, n'a aucun rapport avec celui de Staline. C'est l'argument majeur du « non » et il est faux. Voyez sur quelles forces s'appuie M. Fabius et demandez à Montebourg ce qu'il ferait s'il était président. Laurent Fabius est certain de casser en deux le Parti socialiste si le « non » l'emporte : de même qu'il a conduit une dissidence, il provoquera la dissidence des « oui », et cette fois, l'enjeu ne sera pas l'Europe mais l'orientation du PS. M. Fabius ne peut entraîner dans son sillage que la minorité des Mélanchon, Montebourg, Emmanuelli, qui, d'ailleurs, ne sont d'accord que sur le « non » et à peu près rien d'autre. Ou bien ils les renvoie tous dans les caves du parti, ou bien il s'impose et alors, soit il fait gagner la droite en 2007, soit il pratique la surenchère pour avoir l'extrême gauche avec lui, et le trotskisme prend le pouvoir.
La deuxième hypothèse est la moins vraisemblable. Socialistes qui votez « non », vous allez vous diviser et garantir le triomphe de la droite: bravo à la cohérence.
Une Europe sociale ? Le plus grand mensonge, c'est de faire croire aux Français qu'elle peut sortir du « non ». Il n'y a pas, il n'y a jamais eu d'Europe sociale. Il y a une Europe libre et économique, une Europe des échanges qui ne peut redistribuer que ce qu'elle gagne. Et ce n'est pas parce qu'elle traverse une mauvaise passe qu'il faut se jeter dans les bras d'une bande d'aventuriers qui se disent « de gauche ».
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature