À force de faire et défaire ses bagages pour l'Australie, en tant que congressiste et touriste, à 62 ans, cette généraliste – appelons-la Alice (mais ce n'est pas son vrai prénom) – a fini par poser ses valises à l'autre bout du monde. Et cela fait 10 ans que ça dure !
Avant de prendre le large à l'aube de la soixantaine, pour des raisons que la praticienne ne souhaite pas exposer mais qui, on le devine, touchent aussi bien sa sphère privée que professionnelle, le médecin aura travaillé quand même 28 ans en libéral dans l'Hexagone. Le rêve australien de celle qui fit ses études à Grenoble après guerre et exerça ensuite en Ardèche, ne date pas d'hier. Et il lui a fallu, surmonter de nombreuses difficultés administratives. N'entre pas en Océanie qui veut : le pays opère à l'entrée une sélection drastique et prend en compte ses propres besoins de compétences médicales.
De l'argent et une très grande motivation
Si la première condition pour obtenir le précieux sésame est la réussite à l’examen de langue anglaise, il faut aussi être jugé « en bonne santé » par un confrère conventionné et… Australien ! Les délais d'attente sont longs et rendent le tout « difficile, fastidieux et fort coûteux. Il y a énormément de paperasse pour réaliser toutes les démarches ». Le parcours d'admission ne s'arrête pas là, car il s'agit de réussir "l’IMG", un autre examen constitué de trois composants et de clinique. « Il m'a fallu revoir toute la médecine avant de prétendre au passage du PESCI, autre examen important face à trois médecins. Car si vous échouez, vous repartez dans votre pays dans les jours qui suivent », précise l’heureuse candidate. Alice, déjà en poste depuis quelques années, a dû passer un examen en deux modules, uniquement pour avoir le droit de changer de ville. En clair, « il faut avoir une très grande motivation et de l'argent de côté pour partir en Australie », avertit la praticienne.
Médecin blanc et d’un certain âge…
Sa toute première expérience de médecin australien ne lui laisse pas un souvenir impérissable. « C’était dans un coin reculé à plusieurs milliers de kilomètres de la capitale, dans un climat très chaud et très humide. J’étais employée dans un cabinet médical et on n’était pas très bien traité, ni très bien payé. Moins de la moitié du salaire normal. » Des conditions de vie difficile, alors même que, rappelle-t-elle, « le coût de la vie en Australie est très élevé, aussi bien pour le logement que pour la nourriture».
Deux premières expériences professionnelles plutôt négatives, mais qu'importe, Alice persévère dans l'exil qu'elle s'est choisi. Grand bien lui fasse car en se rapprochant de la capitale, elle trouve au sein d’un cabinet de 6 médecins, une rémunération et une ambiance professionnelle enfin correctes. « J’étais dans un univers dans lequel il y avait beaucoup de médecins asiatiques à la peau foncée. Être un médecin blanc et d’un certain âge était fort apprécié par la patientèle », mentionne-t-elle, relatant « une montée du racisme à l’encontre des Sri-lankais en Australie. »
Tout en ayant choisi de s'expatrier, la « GP » General Practitioner (l'équivalent anglo-saxon du « MG ») ne perd pas de vue les avantages de notre système français. Car selon elle, le MEDICARE australien n’est pas vraiment la panacée. « Les patients ne sont pas autant pris en charge qu’en France. S’ils n’investissent pas dans une assurance privée qui coûte cher, ils payent beaucoup pour leur santé de leur poche. En pratique, 80 % des consultations chez le généraliste sont payées par l’État mais les médecins sont libres de facturer comme ils l’entendent, sans plafonnement véritable et le reste à charge des patients est très élevé. »
Autre différence avec l'Hexagone : « le GP a une énorme responsabilité, il est au centre de tout car les hôpitaux australiens débordés, renvoient très facilement les patients vers le GP s’ils estiment qu’ils ne sont pas en danger de mort ! » Elle apprécie que tout ce qui est administratif soit pris en charge par des « Practice manager » (qui ne sont pas médecins) et permet de se concentrer sur le soin.
Là-bas, deux statuts s'offrent aux médecins étrangers. Soit le médecin est salarié, perçoit un pourcentage sur l’activité du cabinet avec 10 jours de congé par an, soit il est sous contrat dans un cabinet libéral, mais il paie ses charges. L'omnipraticienne effectue depuis cette année des remplacements via des agences de recrutement appelées LOCUM. Elle rencontre ainsi de nouveaux patients et trouve à ce mode de fonctionnement un intérêt intellectuel.
Alice relève une grande obéissance aux consignes gouvernementales en général et un très grand respect pour le médecin dans la culture anglo-saxonne. Pourtant, en dépit de ces écarts culturels qu'il lui faut assimiler, et même si toute sa famille est en France, c'est en Australie que le médecin veut désormais vivre : « J’aime ce pays et je ne m'y sens pas vraiment étrangère. » Elle a obtenu la nationalité australienne mais conserve également celle de la France.
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