Leucémies myéloïdes chroniques réfractaires à l’imatinib

Le nilotinib et le dasatinib, options thérapeutiques

Publié le 14/06/2006
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POURQUOI autant de recherches pour une maladie qui n’atteint chaque année que 5 000 patients aux Etats-Unis et pour laquelle on dispose d’un traitement récent efficace ? Un traitement auquel plus de 85 % des patients sont sensibles, du moins pendant les cinquante-quatre premiers mois. Pour le Dr Brian Druker, éditorialiste, «l’une des raisons de l’engouement dans ce domaine tient à l’histoire même de la recherche dans cette maladie. Dans un premier temps, une anomalie chromosomique spécifique de la maladie a été caractérisée: le chromosome Philadelphie. Puis un traitement spécifique a été mis au point, l’imatinib. Son mécanisme d’action, l’inhibition de la BCR-ABL tyrosine kinase, en a fait le premier représentant d’une famille innovante, les thérapeutiques ciblées, qui représente un espoir réel dans le domaine de l’oncologie médicale. C’est aussi en étudiant les patients atteints de LMC réfractaires au traitement par imatinib que la notion de mutations de résistance aux inhibiteurs des tyrosine kinases a pour la première fois été évoquée».

Inhibiteur de la tyrosine kinase.

Actuellement, il est admis que l’activité clinique de l’imatinib est la meilleure chez les sujets en phase chronique de LMC, état clinique habituel de près de 95 % des patients au moment du diagnostic. En revanche, l’effet de l’inhibiteur de la tyrosine kinase est moins bon chez les sujets en phase accélérée de la maladie ou en phase blastique. Chez les patients en phase chronique de LMC, le traitement permet un retour à la normale de la formule sanguine dans 98 % des cas et une disparition du chromosome Philadelphie – réponse cytogénique complète – pour 86 % des malades. A 54 mois, le taux de réponse globale reste de 84 % tous patients confondus et de 93 % chez les sujets qui ont présenté une réponse cytologique complète initialement.

Les mécanismes de résistance au traitement ont rapidement fait l’objet de recherche en raison de leur caractère unique. C’est sur une mutation du domaine kinase de BCR-ABL (une protéine de fusion) que reposent la plupart des mutations qui peuvent affecter au moins un des 25 acides aminés du gène.

Un autre mécanisme peut être impliqué chez certains patients : l’amplification du gène de fusion BCR-ABL. L’analyse structurelle a permis de mieux appréhender ces phénomènes de mutation de résistance en analysant les interactions en trois dimensions de l’imatinib avec BCR-ABL dans sa forme habituelle ou mutée. Dans ce dernier cas, il semblerait que la molécule ne puisse plus, du fait d’une modification de structure, interférer avec la protéine de fusion.

Nouvelles molécules qui se fixent sur BCR-ABL.

En se fondant sur l’ensemble de ces analyses, deux équipes de chercheurs ont pu mettre au point des nouvelles molécules qui se fixent sur BCR-ABL en dépit de l’existence de mutations structurelles : le nilotinib, qui se fixe de façon plus intense que l’imatinib à l’ABL kinase, et le dasatinib, doté d’une structure fondamentalement différente et qui inhibe la SRC, une protéine tyrosine kinase qui agit comme un transducteur moléculaire intracellulaire.

Le nilotinib a été testé dans une étude de phase I (augmentation progressive des doses) chez des patients atteints de LMC et résistants au traitement habituel, et chez des sujets atteints de leucémie lymphoblastique aiguë. Sur les 33 patients atteints de LMC à la phase blastique, une réponse hématologique a été obtenue chez 13 patients et une réponse cytogénique, chez 9 d’entre eux. Sur les 46 patients en phase accélérée de LMC, 33 ont présenté une réponse hématologique et 22, une réponse cytologique. Enfin, une rémission hématologique complète a été obtenue chez 11 des 12 sujets en phase chronique. Les effets indésirables le plus souvent observés étaient en rapport avec une myélosuppression ou une majoration de la bilirubinémie.

La seconde étude de phase I, avec augmentation progressive des doses, a inclus 40 patients en phase chronique de LMC, 44 sujets (chromosome Philadelphie positifs) en phase accélérée de la maladie ou en phase blastique. Une réponse hématologique complète a été obtenue chez 37 des patients du premier groupe et une réponse hématologique majeure chez 31 des sujets du second groupe. Une réponse prolongée (12 mois) a été obtenue chez 95 % des sujets du premier groupe, contre 82 % dans le second. Seuls les sujets présentant une mutation T315I n’ont pas répondu à ce traitement, comme c’est aussi le cas avec l’imatinib.

« New England Journal of Medicine », vol. 354 ; 24, pp. 2531-2541, 2542-2551 et 2594-2596, 15 juin 2006.

> Dr ISABELLE CATALA

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7979