LE TRAVAIL présenté par le Dr V. Khurana est fondé sur l'analyse d'une base de données de la population des Etats-Unis, celle dite des Veterans (anciens combattants américains), qui contient plus de 1,4 million de personnes. Il en a sélectionné près de 500 000 (92 % d'hommes, 62 ans d'âge moyen, dont 34 % étaient traités par statines). Les doses utilisées et la durée de prescription n'ont pas été prises en compte. Au cours de la période de suivi qui a duré d'octobre 1998 à juin 2004, 7 280 personnes ont été soignées pour un cancer du poumon. Parmi elles, 1 994 étaient traitées par statines et 5 286 n'étaient pas traitées. L'analyse conclut à une baisse de 48 % du risque de cancer du poumon chez les sujets traités par statines, après prise en compte des autres facteurs de risque de cancer du poumon.
Un travail similaire a été effectué entre 1998 et 2004 sur une population de plus de 40 000 femmes traitées ou non par statines. Là aussi, une baisse du risque des cancers a été notée. Les femmes sous statines avaient un risque deux fois moins élevé de cancer du sein que les témoins.
Prostate.
Enfin, une étude menée sur 443 805 hommes, dont 159 874 sous statines conclut, elle aussi, à un bénéfice de cette classe thérapeutique : les auteurs concluent à une baisse de 54 % du risque de cancer de la prostate, après prise en compte des autres facteurs de risque de ce cancer. Cette baisse est d'autant plus importante que le traitement a été prescrit sur une durée prolongée : 27 % pour les prescriptions de un à deux ans, 58 % pour les deux-trois ans, 70 % pour les trois-quatre ans ; enfin, 89 % si le traitement a été poursuivi pendant plus de quatre ans.
Si le mode d'action des statines - l'inhibition de l'HMG-CoA réductase - est bien connu, le mécanisme en jeu dans la réduction des taux de cancers fait encore l'objet de recherches moléculaires et animales. Du point de vue moléculaire, il a été suggéré que les variations du taux de Ras, directement lié au blocage enzymatique, pourrait jouer un effet anti-oncogène. Mais l'application de cette hypothèse à des modèles animaux n'a pas confirmé le phénomène. Actuellement, on s'oriente vers un effet direct des modifications des dérivés du Gerenylgeranyl PP : Rho A, Rho B, Rho C, Rac 1 et cdc 42.
Un travail présenté au congrès de l'Asco par le Dr Scott Lippman (Texas) permet de mieux comprendre sur des animaux l'effet protecteur des statines. Ces médicaments en effet induisent une apoptose cellulaire, une diminution du stress oxydatif, de l'angiogenèse et ils sont, en outre, capables d'interagir avec le système immunitaire. Enfin, ils pourraient être impliqués dans la modulation de la répartition des cellules T helper et interagir avec le LFA-1, qu'ils stabiliseraient.
C est l'ensemble de ces actions qui pourraient expliquer leurs effets pléiotropes : cardio-vasculaires anticancéreux, protecteurs des maladies neurodégénératives, de l'ostéoporose et de la dégénérescence maculaire liée à l'âge.
Œsophage, pancréas.
C'est à Chicago, à la Digestive Disease Week qu'ont été présentées les deux études suggérant que les statines sont associées à une réduction de plus de 50 % des risques de cancer de l'oesophage et du pancréas. Ces deux études cas-contrôles ont été conduites dans la même cohorte d'anciens combattants américains et ont porté sur les données du Visn (Veterans' Integrated Service Network) qui contient des données de la période allant d'octobre 1998 à juin 2004. Parmi les 484 226 sujets inclus dans l'étude - dont 92 % sont des hommes âgés en moyenne de 61,2 ans -, on a recensé 475 cas de cancer pancréatique et 659 cas de cancer oesophagien ; environ 34 % des sujets étaient sous statines.
Les investigateurs ont observé que la prise de statines était associée à une réduction de 59 % du risque de cancer pancréatique et de 56 % du risque de cancer oesophagien.
Les facteurs de risque de cancer oesophagien, comme l'oesophage de Barrett, n'étaient pas inclus dans l'analyse. Dans les deux bras, les auteurs ont tenu compte de l'âge, du sexe, du tabagisme, de la consommation d'alcool et du diabète. Mais la dose, la durée et la nature des prises médicamenteuses n'étaient pas pris en compte dans les analyses. Les auteurs signalent que leurs résultats doivent être interprétés avec précaution étant donné les limites concernant la population étudiée et le caractère rétroactif des études.
Mécanisme d'action des statines
- Inhibition de la croissance tumorale : arrêt du cycle cellulaire, induction de l'apoptose.
- Inhibition de l'angiogenèse : diminution des facteurs proangiogéniques, inhibition de la croissance des cellules endothéliales, perte des propriétés d'adhésion cellulaire.
- Atténuation du potentiel métastatique : baisse des molécules d'adhésion, inhibition des facteurs de migration cellulaire.
- Stimulation de l'immunité cellulaire : atténuation des mécanismes de résistance cellulaire.
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