Nouvelles stratégies thérapeutiques

Le pronostic du cancer colo-rectal s'améliore

Publié le 18/05/2005
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DEUX ETUDES randomisées ont montré que les patients souffrant d'un cancer du côlon peuvent être opérés sous cœlioscopie avec un pronostic similaire à celui observé après chirurgie classique (1, 2). Il n'y a pas de différence en terme de survie ni de récidives postopératoires et, en particulier, la crainte des récidives au point d'introduction des trocarts ne s'est pas confirmée. Des RPC sur la chirurgie laparoscopique du cancer colo-rectal vont être publiées cette année.
En ce qui concerne la chimiothérapie adjuvante, d'après un essai international sur 2 256 patients dont 60 % avec envahissement ganglionnaire (stade III de la classification TNM), l'adjonction d'oxaliplatine (Eloxatine) au traitement standard 5-FU et leucovorine (Elvorine) améliore de près de 6 % le taux de survie à trois ans : 78,2 % versus 72,9 % (3). Au prix, toutefois, d'une augmentation de la toxicité, notamment de l'incidence des neuropathies de grade 3 (12,4 %). L'absence de données sur la survie globale à cinq ans représente un deuxième bémol à ce travail.
Pour les patients au stade II, sans envahissement ganglionnaire, la chimiothérapie adjuvante reste discutée. Une étude britannique présentée au congrès de l'Asco en 2004 indique qu'une chimiothérapie à base de 5-FU entraîne une augmentation du taux de survie faible (3 %), mais statistiquement significative. Soit la même différence qui a conduit à changer de protocole de chimiothérapie adjuvante dans le cancer du sein. Dans le cancer colo-rectal (CCR), « nous sommes moins prêts », souligne le Dr Legoux. La Fédération francophone de cancérologie digestive (Ffcd) recommande d'informer le malade sur la toxicité éventuelle du traitement et la faible diminution du risque de récidive (de 2 à 4 %) avant de décider d'instituer ou non une chimiothérapie adjuvante. Au stade II, celle-ci se discute également dans un sous-groupe de malades à haut risque, en fonction du nombre de ganglions examinés sur la pièce opératoire. Lorsqu'il dépasse 20, la survie globale à huit ans est de 79 % versus 59 % pour 1 à 10 (4). « On ne peut toutefois pas aller jusqu'à affirmer que le pronostic des cancers de stade II sans ganglions examinés en nombre suffisant est le même que celui des cancers de stade III, avec ganglions envahis. » Les critères les moins incertains pour poser l'indication sont l'occlusion, la perforation, le stade T4 et le faible degré de différenciation.

Les formes métastatiques.
Dans les formes métastatiques de cancer colique, les derniers développements concernent les explorations et la résécabilité des métastases. Quand une exérèse de ces dernières est envisagée, les sociétés savantes françaises conseillent de réaliser au préalable un TEPscan, à condition bien sûr qu'il soit accessible et qu'il ne retarde pas le traitement. Le TEPscan peut révéler des localisations supplémentaires et, ainsi, changer la stratégie thérapeutique. Il y a, par ailleurs, « un grand changement dans la philosophie de la prise en charge des métastases, avec des critères de résécabilité qui vont beaucoup plus loin qu'il y a quelques années ». Les RPC de janvier 2003 ont précisé deux niveaux de résécabilité. La résécabilité de classe 1 - évidente - est l'indication d'une hépatectomie classique, c'est-à-dire de quatre segments au moins, laissant plus de 40 % de parenchyme résiduel. Dans la classe 2 - résécabilité possible -, l'exérèse des métastases se fait par une hépatectomie plus complexe ou très large requérant une procédure difficile et/ou risquée. La résection est techniquement impossible s'il existe un envahissement des deux pédicules portaux ou d'un pédicule et de la ou des veines sus-hépatiques controlatérales ou des trois veines sus-hépatiques.
Le dossier du patient doit être rediscuté régulièrement par une équipe multidisciplinaire afin de voir s'il n'est pas devenu résécable. En ce qui concerne la chimiothérapie palliative, deux ou trois traitements successifs permettent un allongement médian de la survie de quinze mois ( versus quatre mois). « Il est courant d'avoir une vie à deux ans sous chimiothérapie chez les patients avec métastases », indique le Dr Legoux.

Les biothérapies.
Les biothérapies devraient encore améliorer la survie globale de ces malades. Un essai sur 813 patients montre qu'elle passe de 15,6 à 20,3 mois quand un anticorps monoclonal anti-Vegf, le bevacizumab, est ajouté à la chimiothérapie à base de 5-FU (5). La présence, parmi les critères d'exclusion de l'étude, d'un élément peu précis - « Clinically Significant Cardiovascular Disease » - apporte un bémol à ses résultats. Le bevacizumab apparaît néanmoins comme « un médicament extrêmement intéressant », dont la tolérance demande à être réévaluée sur une population non sélectionnée. Il a reçu une AMM européenne en première ligne dans le CCR métastatique, en association avec le 5-FU, l'acide folinique et/ou l'irinotécan. Des travaux en cours évaluent l'intérêt de son association avec l'oxaliplatine, avec des premiers résultats encourageants. Un autre anticorps monoclonal, le cetuximab (Erbitux) est proposé en deuxième intention en association avec l'irinotécan après échec de ce dernier chez les patients avec tumeur récepteur-Egfr positive (6).
Enfin, le 5-FU oral en cancérologie digestive continue à faire l'objet de publications. En traitement adjuvant, administré à raison de quatorze jours toutes les trois semaines, il a une efficacité analogue à celle de l'association 5-FU-acide folinique classique (Fufol). Son association avec l'oxaliplatine est en essai de phase 2.

* D'après un entretien avec le Dr Jean-Louis Legoux, hôpital du Haut-Lévêque, CHU de Bordeaux.
(1) Leung KL et coll. Laparoscopic Resection of Rectosigmoid Carcinoma : Prospective Randomised Trial. « Lancet » 2004 ; 363 (9416) : 1187-1192.
(2) Clinical Outcomes of Surgical Therapy Study Group. A comparison of Laparoscopically Assisted and Open Colectomy forCcolon Cancer. « N Engl J Med » 2004 ; 350 (20) : 2050-2059.
(3) André T et coll. Oxaliplatin, Fluorouracil and Leucovorin as Adjuvant Treatment for Colon Cancer. « N Engl J Med » 2004 ; 350 (23) : 2343-2351.
(4) Le Voyer TE et coll. Colon Cancer Survival is Associated with Increasing Number of Lymph Nodes Analyzed : a Secondary Survey of Intergroup Trial INT-0089. « J Clin Oncol » 2003 ; 21 (15) : 2912-2929.
(5) Hurwitz H et coll. Bevacizumab plus Pirinotecan, Fluorouracil and Leucovorin for Metastatic Colorectal Cancer. « N Engl J Med » 2004 ; 350 (23 ): 2335-2342.
(6) Cunnigham D et coll. Cetuximab Monotherapy and Cetuximab plus Irinotecan in Irinotecan-Refractory Metastatic Colorectal Cancer. « N Engl J Med » 2004 ; 351 (4) : 337-345.


Oesophage, estomac, rectum

Dans les cancers œsophagiens, une étude sur 802 patients randomisés a montré que la chimiothérapie préopératoire avec 5-FU et cisplatine améliore la médiane de survie de 3,5 mois et la survie à deux ans de 9 % (« Lancet » 2002 ; 359 : 1727-1733). Mais 9 % des participants avaient également reçu une radiothérapie ; seulement 45 % ont eu une chirurgie R0 (ne laissant pas en place de tissu tumoral) et la proportion des adénocarcinomes et des cancers épidermoïdes n'est pas celle observée en France. « Pour les patients qui ont une tumeur assez volumineuse, la chimiothérapie seule ou associée à la radiothérapie préopératoire est probablement intéressante », estime néanmoins le Dr Legoux.
Dans les cancers gastriques, la radiochimiothérapie postopératoire apporte une amélioration de la survie globale de 9 mois (« N Engl J Med » 2001 ; 345 : 725-730). Avec, là encore, une discussion sur la sélection des malades qui pourraient bénéficier de ce traitement. Les sociétés savantes le proposent en cas de curage ganglionnaire insuffisant, d'absence de comorbidité, de bon état nutritionnel, avec une chimiothérapie associant 5-FU et acide folinique et une radiothérapie conformationnelle.
En ce qui concerne les cancers rectaux, les recommandations du consensus de 1994 ont été réactualisées lors des dernières Journées francophones de pathologie digestive à la suite de RPC élaborées avec la HAS (Haute Autorité de santé, qui a succédé à l'Anaes).

> Dr CATHERINE FABER

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7752