Le candidat socialiste élu demain

Le PS fait son choix

Publié le 14/11/2006
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SÉGOLÈNE ROYAL pousse un soupir de soulagement. Il était temps, affirme-t-elle, que la campagne socialiste s’arrête. C’est un aveu de faiblesse : ceux qui ont assisté aux débats du PS ont constaté les lacunes de la candidate à l’investiture socialiste en matière de défense et de politique étrangère. Ce sont d’ailleurs Michèle Alliot-Marie et Nicolas Sarkozy – et non ses deux rivaux, Dominique Strauss-Kahn et Laurent Fabius – qui ont dénoncé ensuite les erreurs de fait ou d’analyse de Mme Royal.

Aussi bien M. Strauss-Kahn est-il remonté dans les sondages, plus que M. Fabius, ce qui le conduit à espérer que les militants pourraient lui donner un avantage décisif. On veut bien lui accorder ce répit jusqu’à demain, mais l’affaire nous semble ficelée. Ce serait une énorme surprise si Mme Royal était battue par DSK et a fortiori par M. Fabius.

Pourquoi Mme Royal devrait-elle être récompensée pour ses insuffisances et ses déclarations dangereuses relatives aux « jurys citoyens » et au temps de travail des enseignants ? Il y aura toujours deux races d’électeurs : ceux qui votent pour celui ou celle qui représente le mieux leurs propres idées, et ceux qui ont, comme le candidat, un irrépressible désir de gagner. Si les socialistes veulent défendre le projet socialiste, l’un des textes les moins audacieux, les plus conformistes et les moins adaptés à la conjoncture économique, ils peuvent voter pour DSK ; ce qui les grandira, car l’ancien ministre de l’Economie serait infiniment plus efficace que le projet du PS, pour autant qu’il ne se sentirait pas lié par le document. Si, au contraire, ils veulent remettre la gauche au pouvoir, ils doivent, quoi qu’ils en pensent, voter Ségolène. Car, du point de vue de la gauche, il n’y a pas de vote plus utile que celui qui élit un candidat redoutable pour la droite.

LE SOUVENIR DU 21 AVRIL CONDUIRA PEUT-ETRE LES MILITANTS DU PS A NE PAS PRENDRE DE RISQUES

Le souvenir cuisant de 2002.

Les conséquences d’un vote en faveur de l’un des deux autres candidats socialistes n’échappent pas non plus aux militants socialistes, dont on peut imaginer qu’ils ont assez de culture politique pour se souvenir de l’élimination de Lionel Jospin dès le premier tour en 2002. L’année prochaine, la situation ne sera pas plus favorable à la gauche. Jean-Marie Le Pen risque de faire un score supérieur à celui de 2002. Le Front national est le parti le moins évoqué par les médias, mais il a montré combien il peut peser sur un scrutin. En 2007, un duel Sarkozy-Le Pen au deuxième tour n’entraînerait pas nécessairement un vote massif de la gauche en faveur du candidat de la droite, comme ce fut le cas pour Jacques Chirac : Nicolas Sarkozy est encore plus détesté à gauche que ne l’est M. Chirac et, cette fois, les purs et durs resteront à la maison pour ne pas avoir à faire à la droite un deuxième cadeau en cinq ans.

A l’inverse, et en dépit de ce qu’affirment les amis de M. Sarkozy, la personnalité du candidat socialiste est très importante pour la droite : DSK ou Fabius seraient plus faciles à battre que Mme Royal, laquelle en outre l’emporte contre le président de l’UMP dans la plupart des sondages.

Un durcissement de la gauche antilibérale.

Si les socialistes font ce calcul, l’affaire est réglée en faveur de Mme Royal. En supposant qu’elle soit élue demain, elle devra obtenir le ralliement des autres forces de la gauche, du PRG (radicaux) au MRC (chevènementistes), car elle est moins bien vue par les appareils des partis que par le peuple français. Cependant un accord a déjà été conclu entre le PS et le PRG pour que Christiane Taubira renonce à sa candidature. Il est moins sûr que Jean-Pierre Chevènement se retire. La désignation de Mme Royal par le PS entraînerait un durcissement de la gauche antilibérale qui la considère comme libérale, et tiendrait plus que jamais à avoir son propre représentant. Mais cela ne change rien à l’affaire : DSK non plus n’aurait pas l’aval de l’ultra-gauche.

Manifestement, Ségolène Royal a, sur quelques dossiers importants, plus d’ambition que de réelles connaissances. Il faudra qu’elle potasse un peu ses sujets si elle est choisie par le PS, car les candidats possibles de la droite sont déjà aux affaires et mieux formés qu’elle. Sur le nucléaire, sur les relations internationales, sur l’économie, sur l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne, on risque d’assister à un effondrement de Mme Royal face à un Sarkozy, ou même à un Villepin ou à une Michèle Alliot-Marie. Ségolène Royal aura été infiniment plus prompte à se déclarer qu’à préparer sa candidature, au point qu’on est en droit de s’en étonner, dès lors qu’on sait avec quelle minutie elle a constitué ses réseaux, travaillé le ton de ses discours et mis au point sa stratégie, certes teintée de populisme, mais brillante et efficace.

Une approche différente.

Le message général de Mme Royal, c’est celui d’une approche différente de la politique. Sur ce point, elle a réussi à se faire entendre et à s’imposer. Il manque néanmoins à cette approche un contenu précis, qu’elle a tenté de remplacer par des micro-idées sur la carte scolaire, les jurys (populaires ou citoyens), la discipline militaire pour les jeunes voyous et les 35 heures pour les enseignants. Il est même curieux que, profondément agacée, pour ne pas dire effrayée, par la procédure du choix socialiste, elle ne s’en soit pas tenue à la philosophie de son action, au lieu d’aller discuter en détail des pressions à exercer sur l’Iran ou du travail des instituteurs. Si elle l’emporte demain, le danger qui la guettera ensuite, c’est la compétence de ses adversaires.

> RICHARD LISCIA

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8051