C'est une petite révolution qui se passe à 5 000 km de la France. Au Québec, les infirmières praticiennes spécialisées (IPS) viennent d'obtenir des mains des médecins et des autorités sanitaires l'autorisation de diagnostiquer, en complète autonomie, les patients. En possession d'une maîtrise en sciences infirmières et en sciences médicales, ces super infirmières pouvaient jusqu'à présent amorcer des diagnostics « off », en particulier sur six pathologies chroniques (diabète, hypertension, hypercholestérolémie, asthme, BPCO, hypothyroïdie) que le patient devait obligatoirement faire valider par un généraliste dans un délai de 30 jours. Ce dernier recevait une rémunération pour la surveillance de l'IPS. C'est en début d'année que la ministre de la santé, Danielle McCann, a décidé d'aller plus loin dans cette délégation de tâches. C'est chose faite depuis le 1er mai. Longtemps réticent, le Collège des médecins a finalement fait volte-face.
Moment historique
Dans le détail, les super infirmières vont être autorisées « à diagnostiquer les problèmes de santé courants », comme les otites, les infections et blessures,explique le président Mauril Gaudreault, médecin de famille. « Elles pourront également amorcer un suivi et un traitement », précise-t-il. Le projet initial, annoncé en mars et qui prévoyait de supprimer l'obligation de tutelle médicale sur les six maladies chroniques précitées, a donc été considérablement élargi sous l'impulsion de la ministre. Danielle McCann compte déposer un projet de loi cet automne et se donne un an pour finaliser l'opération.
Avec cette mesure, le gouvernement québécois souhaite augmenter le nombre d'IPS à 2000 d'ici 2023-2024. Cette initiative doit aussi permettre de désengorger – un peu – les salles d'attente bondées. 500 000 patients sont toujours en quête d'un médecin de famille. Actuellement, 600 IPS (pour 20 000 médecins actifs dans la Province) sont à l'œuvre, le plus souvent dans des hôpitaux ou des groupements de médecins de famille. Il y en a le double en formation.
Du côté des infirmières, cette décision est vivement saluée. La présidente de l'Association des infirmières praticiennes spécialisées du Québec, Christine Laliberté, y voit « un moment historique ». « Les infirmières praticiennes spécialisées du Québec sont les mieux formées du pays et cette pratique existait ailleurs au Canada. Nous sommes satisfaits de cette avancée, qui va dans le sens du service rendu à la population. » Pour autant, la présidente espère encore un peu plus : « Nous aimerions une ouverture encore plus grande, par exemple pour les IPS spécialisées dans la néonatalogie ou la cardiologie ».
Si le Collège des médecins du Québec a dit oui, sur le terrain, tout le monde n'est pas de cet avis. Le Dr Philippe Tremblay, médecin depuis plus de vingt ans dans la périphérie de Montréal, ne cache pas son scepticisme : « C'est une décision qui fait bouger les lignes de la profession, c'est certain. Je n'étais pas forcément pour même si pour beaucoup de confrères, les IPS sont devenues indispensables dans le système d'accès aux soins. Je pense quand même qu'il faudra être attentif pour la suite et voir jusqu'où on ira. »
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