Des conflits d'intérêt moyennement respectés, des auditions d’experts pas publiques, des compte-rendus de séance «peu fidèles»... Le rapport que Bernard Debré (photo) et Philippe Even ont remis à Nicolas Sarkozy mercredi suite à l'affaire du Mediator n’est pas tendre pour l’agence française du médicament et d’une manière générale pour le système de gestion du médicament. Pour les deux professeurs, qui ont entendu une quinzaine de personnes -Haute autorité de santé, Agence sanitaire des produits de santé (Afssaps), industrie du médicament, Agence européenne du médicament, revue Prescrire... «l'affaire du Mediator est beaucoup plus qu'un accident isolé». Leur texte s'en prend à la Haute autorité de santé, mais surtout à l'Afssaps, avec 1.000 employés, cinq directions scientifiques, trois commissions dont «l'une dit toujours oui, en acceptant une foule de médicament inutiles, et l'autre non, refusant presque toujours de suspendre ou de retirer les médicaments même plus dangereux qu'utiles».
«Usine à gaz»
Le rapport épingle le mode d’organisation de l’Agence -75 groupes de travail, des missions transversales, des unités, un conseil scientifique-, sa lourdeur, et même le mode de désignation des membres de sa commission d’AMM : «28 membres choisis sur des critères très contestables, où domine la cooptation relationnelle de hasard». Plus grave,«de nombreux membres ignorent presque tout du dossier sur lequel ils votent, et même de la pathologie en cause». Quant à la commission de pharmacovigilance, elle agit selon une procédure «extraordinairement lente». L’Urologue, député de Paris et le président de l’Institut Necker évoquent à ce propos une «course d'obstacles et de montagne par étapes, qui privilégie clairement l'intérêt des firmes et non celui des patients».
Et le verdict des deux iconoclastes tombe, sans complaisance, concluant à «la totale faillite de l'Afssaps», qui échoue «parce qu'elle n'a jamais eu de directions d'envergure,» mais surtout parce que c'est «une usine à gaz», «un labyrinthe dont rien ne peut sortir». Le rapport appelle donc à «une réforme profonde, un véritable tournant». Il propose que l'Afssaps nouvelle s'occupe de missions d'analyse scientifique avec l'aide non plus de 3.500 experts, mais de 20 à 40 de haut niveau, sans conflit d'intérêt. «Les molécules n'apportant rien de plus que les traitements antérieurs seront refusées au remboursement». En matière de pharmacovigilance, le système d'alerte des médecins sera simplifié. Au total, le fonctionnement devra être complètement remanié, avec remplacement de cadres supérieurs et disparition de la machinerie administrative.
Interrogé lors de l’émissions "Questions d’infos" LCP/France Info/AFP, Xavier Bertrand a repris la balle au bond, confirmant qu’un projet de loi réformant «en profondeur» le système de sécurité sanitaire interviendrait avant l’été. Cette réforme, a-t-il expliqué sera élaborée à partir du rapport de Bernard Debré et Philippe Even sur la filière du médicament, mais aussi de l'enquête de l'IGAS (Inspection générale des affaires sociales), des conclusions des différentes missions parlementaires sur le Mediator et de celles des Assises du médicament en cours. Le ministre de la Séanté a notamment insisté sur sa volonté d'assurer «l'étanchéité de l'Afssaps par rapport à l'industrie du médicament».
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