LES PREMIÈRES PROPOSITIONS de répartition des postes d'internat entre les différentes spécialités ont fait couler beaucoup d'encre. En février, la Commission nationale des études médicales (Cnem) apprenait que 4 393 postes d'internat seraient répartis à moitié entre la médecine générale et les autres spécialités. Dans les premières propositions de la Direction générale de la Santé (DGS), la pédiatrie, la santé publique et la médecine du travail subissaient de plein fouet une baisse du nombre de médecins à former dans leur discipline.
Convoquée une nouvelle fois lundi, la Cnem a appris que 400 postes supplémentaires seraient offerts aux candidats des prochaines épreuves classantes nationales (ECN), portant le nombre total de postes à 4 800 (« le Quotidien » du 9 mars) (1). Les premières propositions reposaient sur le nombre d'étudiants inscrits, cette année, en 6e année de médecine et ceux susceptibles de repasser les ECN. Dans les secondes sont comptabilisés les postulants de l'Union européenne. Olivier Mir, vice-président de l'Intersyndicat national des internes des hôpitaux (Isnih), s'étonne de la découverte de ces 400 postes « sortis du chapeau ». « Il est fort probable que le nombre de candidats qui se présenteront aux ECN soit inférieur aux 4 800 postes annoncés, commente-t-il. Nous ne connaîtrons d'ailleurs le nombre de candidats qu'en avril. Que se passera-t-il si moins d'étudiants passent finalement le concours ?Enlèvera-t-on à nouveau des postes à certaines spécialités ? La décision qui a été prise vise à arranger tout le monde, nous ne sommes pas crédules », poursuit Olivier Mir.
Une décision controversée.
Guillaume Muller, président de l'Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf), est également surpris de la nouvelle répartition. « On nage dans l'irréel. En surévaluant le nombre de postes offerts aux ECN, on trompe les étudiants en médecine. Le ministère de la Santé attache une valeur symbolique à la répartition des postes à 50-50 entre la médecine générale et les autres spécialités, mais en proposant 2 400 postes en médecine générale, on se dirige vers un nombre record de places laissées vacantes, commente le président de l'Anemf, très remonté. Les étudiants vont faire le jeu de ces annonces politiques. » Dans un communiqué commun, l'Anemf et l'Isnih demandaient que soit revu à la baisse le nombre de postes de médecine générale : « L'an passé, 609 postes de médecine générale ont été laissés vacants lors du choix de la spécialité, pourquoi pas 1 000 cette année ? Cela reviendrait à une économie de 15 millions d'euros par an, au détriment de la qualité des soins. » Guillaume Muller précise que le débat ne porte en aucune façon sur l'opposition spécialistes-généralistes. « Nous souhaitons tous que la médecine générale soit revalorisée et choisie lors de la procédure de choix des spécialités. Il faut simplement réfléchir aux moyens de la rendre plus attractive plutôt que d'augmenter de 500 le nombre de postes offerts dans la spécialité en un an », commente le président de l'Anemf.
L'Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (Isnar-Img) estime, pour sa part, indispensable de respecter la proportion de 50-50. « Il faut dès cette année afficher des ambitions pour revaloriser la médecine générale, et l'ouverture de postes est la première étape », explique Benoît Chamboredon, porte-parole du syndicat.
« Les grands mystères des ministères ».
Le Pr Bernard Charpentier, qui préside la Conférence des doyens de faculté de médecine, analyse la répartition avec beaucoup de recul. Il parle de « compromis honorable ». « Bien sûr, on peut s'interroger sur l'origine des postes supplémentaires et se demander sur quelle ligne budgétaire ils seront ouverts. Cela fait partie des grands mystères des ministères. Quoi qu'il en soit, cette décision témoigne d'une volonté de régler le problème soulevé pour toutes les spécialités. Il s'agit d'un investissement médico-social non négligeable. »
Ces nouvelles propositions ont, en tout cas, rassuré les spécialités qui redoutaient une baisse du nombre d'internes dans leur discipline. Le Pr Danièle Sommelet, présidente de la Société française de pédiatrie (SFP), ne cache pas son soulagement : « Le ministère de la Santé a pris en compte les revendications de toutes les composantes de la pédiatrie : médecins en exercice, internes, sociétés savantes. Si la première proposition de 110 postes avait été adoptée, c'était la mort de la pédiatrie libérale et hospitalière. »
Au-delà de l'aspect comptable, le mode de la répartition des postes d'internat fait débat. « Les premières propositions reposaient sur les projections de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), présentées à l'Observatoire national de la démographie des professions de santé. Cette nouvelle répartition est le fruit des revendications corporatistes. On a cédé à ceux qui ont fait le plus de bruit », regrette Guillaume Muller.
La répartition définitive des postes d'internat fixée prochainement par arrêté ministériel devrait clore le débat.
(1) La répartition des postes proposée à la Cnem du 7 mars est la suivante : spécialités médicales (760 postes), anesthésie-réanimation (243), pédiatrie (196), gynécologie médicale (20), médecine du travail (56), santé publique (70), spécialités chirurgicales (550), gynécologie-obstétrique (150), biologie médicale (58), psychiatrie (300), médecine générale (2 400).
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