EN GAMBIE, comme dans d'autres pays africains, le taux des maladies invasives à pneumocoque est dix fois supérieur à celui des pays industrialisés ; ces affections constituent une cause majeure d'hospitalisations et de décès. Des études y ont été conduites pour évaluer la vaccination antipneumococcique. Les vaccins conjugués sont apparus comme sûrs, immunogènes et capables d'induire une mémoire immunologique chez les enfants gambiens. C'est dans ce contexte qu'un groupe de recherche sur la vaccination antipneumococcique (Gambian Pneumococcal Vaccine Trial Group) a évalué, dans des zones rurales de Gambie, l'efficacité d'un vaccin pneumococcique congugué nonavalent contre la pneumonie confirmée radiologiquement.
Cet essai randomisé en double aveugle contre placebo a été conduit dans une zone de 5 000 km<+>2<+>, comportant une population de 380 000 personnes. Dans cette région, la prévalence de l'infection à VIH chez les femmes enceintes est de 1 %, stable depuis 1993. Chez les bébés, la mortalité infantile y était, entre 1989 et 1993, de 80 pour 1 000 enfants-années ; chez les 1-4 ans, elle était de 19 pour 1 000 enfants-années. Les causes majeures de décès sont la pneumonie, le paludisme, la diarrhée, la malnutrition et le sepsis.
17 437 enfants randomisés.
Les enfants inclus dans l'essai ont été choisis parmi ceux qui étaient présentés dans un centre gouvernemental de vaccination. Etaient exclus, entre autres, ceux qui avaient déjà reçu un vaccin diphtérie-tétanos-polio (DTP) ou DTP + Haemophilus de type b ; ceux qui avaient moins de 40 jours ou plus de 364 jours.
Au total, entre août 2000 et avril 2003, 17 437 enfants ont été randomisés : 8 718 dans le groupe vaccin pneumococcique 9-valent et 8 719 dans le groupe placebo. Le vaccin pneumococcique (Wyeth Vaccines, Etats-Unis) était composé, comme son nom l'indique, de 9 valences : 2 μg des polysaccharides des types 1, 4, 5, 9V, 14, 19F et 23F plus 4μg du polysaccharide du type 6B plus 2 μg de l'oligosaccharide du type 18C lié à la protéine CRM197 diphtérique.
Le vaccin ou le placebo, à raison de trois injections espacées d'un minimum de 25 jours, étaient administrés dans la cuisse droite, cela avec le vaccin DTP- Haemophilus de type b.
Pneumonies confirmées radiologiquement.
A l'origine, le critère principal pour juger de l'efficacité du vaccin était la mortalité infantile toutes causes confondues. Mais, en raison de contraintes liées à la taille de la population, ce critère a été modifié en cours d'étude : le critère « pneumonie confirmée radiologiquement » a été adopté en février 2002.
Les critères secondaires étaient : pneumonie clinique sévère ou non ; maladie invasive à pneumocoque ; toutes causes d'hospitalisation ; avec prises en compte de la mortalité toutes causes, des méningites et des septicémies.
Au total, 529 enfants du groupe vaccin et 568 du groupe placebo n'ont pas été inclus dans les analyses perprotocole. Les résultats perprotocole ou en intention de traiter ont été identiques.
Sans entrer dans les détails, les résultats sont les suivants :
- parmi les 8 189 enfants du groupe vaccin 9-valent qui ont été analysés, 333 ont eu un épisode de pneumonie radiologiquement confirmé, contre 513 des 8 151 enfants du groupe placebo ; l'efficacité vaccinale a été de 37 % contre le premier épisode de pneumonie radiologique ;
- le premier épisode de pneumonie clinique a été réduit de 7 % ;
- l'efficacité du vaccin conjugué a été de 77 % contre les maladies pneumococciques invasives liées aux sérotypes contenus dans le vaccin et de 50 % contre les maladies provoquées par tous les sérotypes, et de 15 % contre toutes les causes d'hospitalisation ;
- par ailleurs, les auteurs ont constaté une efficacité de 16 % contre la mortalité ;
- enfin, 110 effets secondaires graves ont été observés chez les enfants ayant reçu le vaccin pneumococcique, contre 131 des enfants qui ont reçu le placebo.
Survie des enfants en Afrique rurale.
« Dans cette région rurale d'Afrique, le vaccin conjugué pneumococcique possède une efficacité élevée contre la pneumonie radiologique et les maladies invasives à pneumocoque et peut réduire de façon substantielle les hospitalisations et améliorer la survie des enfants », concluent les auteurs, qui ajoutent que « les vaccins pneumococciques conjugués devraient être disponibles pour les enfants africains ».
F. T. Cutts et coll. « Lancet » du 26 mars 2005, pp. 1139-1146 et éditorial (Marilla Lucero et Gail Williams, pp. 1113-1114.
L'avis du directeur général de l'OMS
« Les résultats de cet essai vaccinal, souligne le Dr Lee Jong-Wook, directeur général de l'OMS, sont très prometteurs et devraient permettre d'améliorer la santé et de sauver des vies dans les populations à faible revenu. » La tâche de la communauté internationale consiste désormais à poursuivre le travail concerté de manière productive afin de généraliser l'accès des enfants africains au vaccin antipneumococcique conjugué, la pneumonie à pneumocoques emportant des vies à chaque minute. « Vacciner les enfants des pays en développement par ce vaccin conjugué, poursuit le Dr Lee, constituera une intervention essentielle en vue d'obtenir la réduction des deux tiers du taux de mortalité chez les moins de cinq ans, qui est l'un des objectifs du millénaire pour le développement. »
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