LA PREMIÈRE LEÇON est de nature médicale : les dénonciations du fonctionnement du système de soins pleuvent, mais il ne doit pas marcher si mal puisqu'il produit d'aussi beaux résultats. Et cette durée supplémentaire de vie accordée aux Français ne doit-elle pas être attribuée au corps médical, qui a eu sa part des multiples mises en cause que subissent depuis plusieurs années les corps constitués ? Nos médecins, nos soignants font de l'excellente ouvrage. Et si même eux se plaignent, cela ne les empêche pas de travailler consciencieusement.
Toujours dans le champ de la médecine, il y a longtemps que nous savons que, plus la vieillesse se prolonge, plus le risque d'apparition d'une maladie grave, cancer, Alzheimer, insuffisance cardiaque, etc., est élevé. Il y a à ce sujet deux notions qu'il faut assimiler : la première est que la multiplication des cas pathologiques constitue la rançon d'une vie moyenne plus longue ; la deuxième est que l'effet médiatique des mauvaises nouvelles est toujours plus fort que celui des bonnes nouvelles. Les Français sont littéralement abreuvés, notamment par la télévision, de reportages, d'enquêtes ou de documents sur des handicaps ou des maladies qui risquent de devenir obsessionnels chez eux.
L'AJOURNEMENT DE LA MORT REMET EN CAUSE NOTRE CONCEPT DE LA RETRAITE
Un si grande détresse.
Certes, les statistiques ne rendent jamais compte des cas individuels : l'homme qui perd la mémoire souffre et son entourage se moque bien de savoir que sa maladie est proportionnellement rare. A quoi bon vivre plus longtemps, se dit-on, si c'est une telle détresse ? Mais il ne fait pas de doute que la description minutieuse des problèmes qu'entraîne le vieillissement est en train de transformer 62 millions de Français en hypochondriaques. La vérité générale (ou statistique), c'est que le nombre de personnes du troisième âge bénéficiant d'une bonne qualité de vie est infiniment plus élevé que celui des malades. Il est admis que la progression de l'espérance de vie s'accompagne d'une amélioration de la qualité de la vie. N'importe lequel d'entre nous peut faire une observation simple : chaque nouvelle génération « a l'air » plus jeune que son âge. Un homme ou une femme de 60 ans aujourd'hui a un « look » plus jeune qu'un homme ou une femme du même âge il y a cinquante ans.
Mais le vieillissement n'est pas qu'un triomphe de la médecine ; c'est un problème macroéconomique majeur. Contentons-nous de rappeler les coûts qu'il entraîne : des soins plus nombreux et plus intenses à partir d'un certain âge ; des départs à la retraite prématurés par rapport au temps qu'il reste à vivre ; un déséquilibre entre les retraités et les actifs qui va en s'aggravant
Travailler plus longtemps.
De ce point de vue, la réforme des retraites n'aura été qu'un début, car il va être impératif de différer progressivement l'âge de cessation d'activité. Dans l'espoir de faire travailler les jeunes, on a mis les plus âgés en préretraite de manière massive. Non seulement c'était une très mauvaise idée (le chômage reste très élevé chez les jeunes), mais on voit encore que, en dépit des cris d'alarme lancés par les démographes et par le gouvernement, les entreprises continuent à se « restructurer » en licenciant leurs salariés âgés.
Il s'agit d'une responsabilité nationale : un homme qui travaille un an de plus, par exemple entre 65 et 66 ans fait coup double : il paie des cotisations et il ne ponctionne pas le régime des retraites. Les économies produites par un report de l'âge de la retraite peuvent être énormes. Trop souvent, en effet, les caisses de retraite sont considérées comme un réservoir pour le financement de l'économie : les entreprises se déchargent sur la collectivité des salaires qu'elles ne veulent plus verser ; des centaines de milliers de retraités se transforment en bénévoles qui, certes, apportent aux associations une aide sans laquelle elles ne pourraient exister, mais empêchent objectivement des jeunes à trouver un emploi.
Le gouvernement n'a pas tort de parler de revalorisation du travail. Lequel n'a jamais été autant méprisé, ce que démontrent un taux de chômage tout à fait anormal, le peu d'ardeur laborieuse de bon nombre de nos concitoyens, le traumatisme que nous infligeons aux jeunes qui frappent en vain à la porte de l'emploi et l'idée qu'il y a des emplois qui, grâce au bénévolat, n'ont pas besoin d'être payés.
Un complot national.
On peut dire qu'il existe un complot ou plutôt une complicité nationale entre des gens âgés pressés de quitter la vie active, des entreprises ravies de les larguer, des quantités de projets qui vivent du travail gratuit, pour un objectif clair : en faire le moins possible.
La marche forcée de l'espérance de vie a un sens : pratiquement, on ne peut plus être vivant, en bonne santé et ne rien faire : même les gens âgés doivent participer à la production nationale (ce qui est d'ailleurs le cas pour les bénévoles). Si nous étions extrêmement cyniques, nous dirions que le moment arrive où, du point de vue de la dépense publique, il vaudrait mieux que meurent les gens qui veulent rester oisifs. En manière d'excuse, nous ajouterons que la retraite a été ainsi conçue : comme une période courte au bout de laquelle le retraité, qui meurt opportunément, libère un budget pour payer un autre retraité. Si le premier meurt plus tard, il faudra bien trouver un financement pour le second.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature