LA RAGE humaine est aujourd'hui rare aux Etats-Unis, avec moins de six cas signalés par an depuis dix ans (et encore plus rare en France).
Il n'empêche, bien que hautement improbable, la transmission du virus de la rage à l'occasion d'une transplantation d'organe est rapportée pour la première fois aux Etats-Unis par les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) d'Atlanta. Il est à noter que la transmission de la maladie par des greffes de cornées avait déjà été décrite.
En mai 2004, les médecins d'un hôpital du Texas ont diagnostiqué des encéphalites chez trois patients qui avaient chacun reçu un organe (reins et foie) provenant d'un même donneur. L'enquête a révélé, par la suite, qu'une encéphalite était également survenue chez un quatrième patient qui avait reçu un greffon vasculaire du même donneur lors d'une transplantation hépatique.
Décès en cinq semaines.
Les quatre patients ont succombé à leur encéphalite dans les cinq semaines qui ont suivi la transplantation.
L'évaluation initiale ne révélant aucune cause pour expliquer ces encéphalites, les CDC ont été alertés.
Les résultats de l'enquête de cet organisme, conduite par Srinivasan et coll., sont publiés dans le « New England Journal of Medicine ».
Il faut tout d'abord remarquer que l'hospitalisation dans le même centre des trois patients affectés d'encéphalite a certainement facilité la reconnaissance du fait que la contamination était imputable à un donneur commun. En effet, si les patients avaient été hospitalisés aux quatre coins du pays, cette possibilité n'aurait peut-être pas été envisagée en évaluant individuellement les patients, les causes d'infections opportunistes ne manquant pas chez ces sujets immunodéprimés.
Hémorragie sous-arachnoïdienne.
A priori, le donneur d'organes paraissait exempt d'infection. Auparavant en bonne santé, il était décédé en quatre jours d'une hémorragie sous-arachnoïdienne, dans un contexte d'hypertension artérielle et de dépistage positif pour la cocaïne. L'hémorragie sous-arachnoïdienne n'a jamais été notée dans les cas de rage, et l'on ignore donc si celle-ci a pu être provoquée par l'infection rabique.
Chez les quatre patients, l'encéphalite s'est développée dans les trente jours qui ont suivi la greffe et s'est accompagnée d'une détérioration neurologique rapide, caractérisée par un délire avec agitation, des crises épileptiques, une insuffisance respiratoire et un coma. Le décès est survenu en moyenne deux semaines après l'apparition des symptômes neurologiques. Rétrospectivement, ces symptômes concordent bien avec la rage, mais cette infection est rarement incluse dans le diagnostic différentiel de l'encéphalite en l'absence d'exposition documentée ou de contexte suggestif.
Anticorps antirabiques.
Le diagnostic de rage a été établi de plusieurs façons. Les souris inoculées avec des échantillons provenant des patients (LCR et mélange de tissus nerveux et rénaux) ont développé des signes de maladie en sept jours, et l'examen au microscope électronique du SNC a objectivé la présence de particules rhabdovirales.
Le virus rabique a également été identifié dans le SNC des patients et dans les organes transplantés.
Enfin, la sérologie a montré des anticorps antirabiques à la fois chez le donneur et chez les receveurs.
Finalement, en interrogeant l'entourage du donneur, il a été découvert que ce dernier avait effectivement signalé à des amis avoir été mordu par une chauve-souris.
Lorsque l'exposition au virus de la rage est reconnue tôt, l'administration d'immunoglobulines et de vaccin antirabique prévient très efficacement la maladie infectieuse.
« Cette observation, jointe à une précédente étude qui décrivait la transmission du virus West Nile par l'intermédiaire d'organes greffés, souligne la possibilité de transmission de maladies infectieuses inattendues lors des transplantations d'organes », notent les investigateurs, qui ajoutent : « La reconnaissance et la prévention des infections transmises par transplantation pourraient être améliorées de diverses façons, entre autres en améliorant le dépistage et l'évaluation du donneur, le développement de procédures standardisées pour conserver et utiliser des segments vasculaires du donneur et des méthodes permettant de surveiller leur utilisation ou leur non utilisation ; il conviendrait, en outre, d'améliorer les méthodes de détection et de diagnostic des maladies survenant chez les receveurs. »
« New England Journal of Medicine », 17 mars 2005, p. 1103.
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