Une prise de conscience précipitée

L’écologie dans la campagne

Publié le 15/11/2006
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LE COUP EST PLUS DUR pour les Verts que pour le PS ou les partis de droite. En effet, les écologistes ont été intégrés dans le spectacle politique classique et n’inquiétent plus personne. On sait exactement ce qu’ils pèsent dans le rapport de forces droite-gauche. En faisant de la première vocation des Verts une obligation et ardente et soudaine, Nicolas Hulot les plonge assez dans l’embarras pour que Dominique Voynet, au grand dam de quelques-uns de ses amis, l’ait invité à l’une de ses réunions bavardes. M. Hulot est d’ailleurs partout, à droite et à gauche, mais il n’a pas retiré sa menace ; il dit qu’il observe le microcosme et qu’il tirera sa décision de ses observations.

Il est indéniablement populaire, comme tous ceux qui font de la bonne télévision, mais sa candidature reste celle d’un amateur et, d’ailleurs, il en convient. C’est l’absence de l’environnement dans les programmes politiques qui l’indigne, parce qu’il a trop longtemps attendu une prise de conscience qui n’a pas eu lieu jusqu’à ce qu’il se décide à mettre les pieds dans le plat.

On ne lui adressera aucun reproche, étant entendu que cet homme-là a non seulement raison, mais qu’il n’est animé que des meilleures intentions. Mais aussi sincère qu’il soit, il ne peut espérer que, en quelques jours ou même quelques semaines, l’opposition ou la majorité rédigent des programmes sérieux sur l’environnement.

Des années de frustration.

Il sait fort bien ce qu’une prise en compte de la conservation de l’énergie et de la protection de la nature implique comme efforts industriels et financiers. On ne mettra un terme au réchauffement de la planète que lorsque l’on aura soumis toute démarche industrielle à des normes écologiques, alors que jusqu’à présent on a fait exactement l’inverse, en donnant la priorité à la rentabilité des projets.

div class="IN">NOUS NE POUVONS NOURRIR UN ESPOIR POUR L'AVENIR QUE SI NOUS ADOPTONS TOUT DE SUITE UNE POLITIQUE ECOLOGIQUE

Autrement dit, Nicolas Hulot ne risque pas d’obtenir satisfaction et de retirer sa candidature : il devrait logiquement aller au bout de son aventure politique.

On verra bien, et c’est secondaire. En attendant, on constate que les initiatives de M. Hulot s’ajoutent au programme des Verts et à la candidature de Corinne Lepage qui, bien qu’elle fût ministre de Jacques Chirac, critique le gouvernement d’aujourd’hui avec une vigueur qui pourrait être celle de l’opposition. Il y a incontestablement une colère créée par des années de frustration. Et, tout à coup, l’ancien vice-président Al Gore subjugue le monde avec son film en faveur de l’environnement ; un expert de la Banque mondiale, le Britannique Nicholas Stern, publie un rapport selon lequel la remise en état de la planète coûtera plus cher que deux guerres mondiales. Il avance même le chiffre de 5 500 milliards de dollars.

De sorte que nos Verts à nous, nos écologistes en tout genre, s’écrient : «Nous vous l’avions bien dit!»

Bien entendu, les partis politiques classiques se sont empressés de rappeler que l’écologie n’est pas le monopole des Verts, qu’elle n’est ni de gauche ni de droite, qu’elle doit et peut figurer dans toutes les plates-formes. Sauf qu’ils se contentent de causer et se sont bien arrangés jusqu’à présent pour que les Verts, qu’ils soient dans la majorité ou dans l’opposition, n’aient aucune influence.

Non seulement il n’y aura de politique environnementale que si elle imprègne toutes nos structures de production (vaste programme), mais il faut veiller aussi à ne pas ruiner la France sous prétexte de la rendre propre : toute activité humaine est polluante ; il y a au moins vingt mille ans que l’humanité salit la planète. Dès lors, la lutte contre le réchauffement du climat ne peut pas se traduire uniquement par la paralysie de nos activités. Nous devons à la fois les poursuivre et réduire leur effet sur le climat. Nous devons maintenir l’emploi. Nous devons rembourser nos dettes. Nous devons élever le niveau de vie en France.

La vérité est donc que les urgences de l’écologie terrorisent tous ceux qui nous gouvernent aujourd’hui comme ceux qui nous gouverneront demain : au moment où tout le monde parle de substitut à l’énergie pétrolière, on s’arrache les barils sur les marchés ; au moment où les avions de ligne sont soupçonnés de détruire la couche d’ozone, la France lance l’A380 ; au moment où on ne sait plus quoi faire des déchets nucléaires, la France s’apprête à produire et à vendre des centrales atomiques dotées d’une nouvelle filière ; le prix du pétrole nous encourage à penser de nouveau au charbon, horreur écologique.

Il y faut un plan.

En même temps, croyez-vous que les Français applaudissent l’énergie éolienne ? Ces moulins sont affreux, disent ceux qui habitent à côté, et en plus ils sont bruyants. Combien de maisons s’équipent de panneaux solaires ? Quel constructeur automobile français, mévente ou pas, a lancé un véhicule écologique ?

Est-ce que l’on va faire tout ça au cours du prochain quinquennat ? Certes non, mais M. Hulot, Mme Lepage et Mme Voynet diront qu’on ne perd rien à commencer. Et c’est vrai. Si nous commençons (et il y faut une énorme planification gouvernementale, on ne peut pas laisser faire l’économie de marché), nous aurons au moins l’espoir de dominer un jour la question climatique. Mais si nous remettons encore à demain, nous ne pouvons que désespérer.

> RICHARD LISCIA

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8052