En avril dernier, à l’occasion du premier anniversaire de la création des agences régionales de santé (ARS), decisionsante.com lançait un sondage dont les résultats étaient sans appel. À la question : « Êtes-vous satisfait du travail accompli par les agences régionales de santé (ARS) ? », les internautes répondaient, à 96,33 %, non. Le discrédit est à la hauteur, semble-t-il, de l’espoir porté il y a deux ans, par la création des ARS. Récemment, lors d’un déjeuner de presse, Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, qui a appuyé de tout son poids politique la création des ARS, avouait, contrarié, que les « ARS étaient peut-être un peu trop bureaucratiques ». Jean de Kervasdoué, quant à lui, déplorait que cette réforme soit par trop centralisatrice. Les directeurs d’hôpital, via leur syndicat, dénonçaient de véritables usines à gaz. Et regrettaient par là même la souplesse de fonctionnement des anciennes agences régionales d’hospitalisation (ARH), qui comptaient quelques dizaines de personnels, quand les actuelles ARS en comptent plusieurs centaines. Difficile de s’y retrouver, dans pareil dédale ! À tel point, d’ailleurs, que le principal syndicat de la profession, le SMPS, a demandé, en mars dernier, que la DGOS les reçoit pour mettre à plat les difficultés rencontrées par les chefs d’établissement dans leur relation avec les DG d’ARS. Le SMPS a listé moult difficultés, suite à une enquête auprès de 1 800 de ses adhérents. Six griefs ont été retenus par le syndicat. Le SMPS dénonce une « organisation et des prises de décision opaques » : pas d’organigramme détaillé des ARS, pas de réelle concertation dans l’élaboration du PSRS, etc. Il leur reproche également un « fonctionnement peu performant », une « mise en œuvre erratique des CHT », des secteurs sanitaire, social et médico-social laissés à l’abandon. Le SMPS instruit également le procès pour caporalisme des ARS. Exemple : « Des chefs d’établissements sont régulièrement court-circuités par leur ARS qui reçoit les syndicats de salariés en leur absence, prenant des engagements que les directions découvrent après coup. » Aussi, certains directeurs dénoncent de la part des ARS un comportement discourtois, pour ne pas dire harceleur : « Lors de la campagne d’évaluation 2010, le SMPS a été choqué par des demandes de départ à plusieurs chefs d’établissements, sans réflexion au préalable ni proposition d’accompagnement ; des directeurs subissent des pressions pour mener des mutualisations périlleuses sans assurance de soutien ; certains se plaignent d'un comportement parfois très agressif à leur égard. »
Personnalité du DG
Interrogé par Décision Santé, un membre du SMPS a fourni quelques précisions, quant à cet état des lieux plutôt inquiétant : « La DGOS a été sensibilisée aux résultats de notre enquête. La FHF, par ailleurs, a enregistré de son côté les mêmes types de plaintes, tout comme les autres syndicats de cadres. Les élus ont également beaucoup de récriminations au sujet des ARS. » Selon les résultats de cette enquête, deux régions semblent particulièrement préoccupantes : le Nord-Pas-de-Calais et les Pays-de-la-Loire. Une région, en revanche, est plébiscitée par le SMPS : il s’agit de l’Auvergne. « Au-delà de cette enquête, une autre région recueille de mauvais suffrages : Midi-Pyrénées. » Pourquoi un tel rejet des agences régionales de santé ? « Les dysfonctionnements tiennent souvent à la personnalité du DG de l’ARS. Mais pas seulement. La structure des ARS est extrêmement lourde : on ne compte pas moins de 800 personnes à l’ARS Paca. Et elles ne sont pas encore tout à fait efficientes, du fait de la précipitation dans laquelle elles ont été mises en place (exergue). »
Côté tutelle, on se félicite du succès des agences. Dans un récent document édité à l’occasion du premier anniversaire des ARS, les pouvoirs publics retracent les principales étapes de la mise en place des ARS, mais aussi leur première réalisation. Au premier titre desquels l’instauration d’une « démocratie sanitaire ». Dans l’ensemble des régions, les conférences régionales de santé et de l’autonomie (CRSA) fonctionnent. Cette conférence, qui réunit plus d’une centaine de membres, est consultée sur le projet régional de santé et de l’autonomie (PRSA). « La politique régionale de santé se décline ensuite au sein des territoires de santé », où des conférences de territoire « rassemblent des acteurs de proximité ». Enfin, les commissions de coordination des politiques publiques de santé, elles aussi opérationnelles, assurent la cohérence des politiques menées par les collectivités territoriales, l’État et l’assurance maladie. L’année 2010, nous apprend le ministère, fut donc consacrée à cela.
Les ARS ont également signé leur contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM) qui constitue « une feuille de route », et redéfinissent en grande partie les territoires de santé, qui sont désormais au nombre de 108. Parallèlement, elles ont poursuivi leur mission de prévention en santé publique, comme ce fut le cas en Martinique et Guadeloupe en 2010 lors de l’épidémie de dengue. Tout en affirmant leur pouvoir sur la gouvernance hospitalière, au grand dam des chefs d’établissement, en décidant, par exemple, de la fermeture du service de chirurgie cardiaque du centre hospitalier régional de Metz-Thionville.
PSRS, clé de voûte
Mais la clé de voûte des ARS reste à négocier cette année : il s’agit du projet stratégique régional de santé (PSRS). Entamé dans la plupart des régions, il est actuellement lu et relu par les partenaires de l’ARS (Département, Région, préfet de Région…), avant approbation définitive (Cf. p. ). Viendra ensuite le temps des schémas régionaux d’organisation des soins (Sros), de l’organisation médico-sociale (Sroms), et de la prévention (SRP), qui devront être élaborés d’ici à la fin de l’année. Parmi les priorités que devront traiter ces schémas, tels que définis au niveau national par le Conseil national de pilotage (CNP), figure en bonne place l’adaptation des soins de premier recours, en utilisant, notamment, les nouveaux outils définis par la loi HPST : maisons de santé ou Sisa, centres de santé, etc. Aussi, les schémas devront veiller à l’évolution des offres hospitalière et médico-sociale. D’autres thèmes devront être abordés : télémédecine, prévention, performance des établissements sanitaires et médico-sociaux, etc.
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