Cinq médecins candidats malgré eux en PACA

Les embrouilles de la liste Fnep

Publié le 22/05/2006
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LES 6 476 MÉDECINS spécialistes de Provence - Alpes-Côte d’Azur (Paca) ont commencé à recevoir le matériel qui leur permettra de voter jusqu’au 29 mai au scrutin de leur union régionale des médecins libéraux (Urml). Ils auront à choisir entre six listes : Csmf, FMF, SML, Union collégiale, Alliance ou Fnep. Peut-être auront-ils la surprise, comme cinq de leurs confrères de la clinique de l’Espérance, à Mougins (06), de voir apparaître leur nom parmi la soixantaine de candidats de la liste de la Fédération nationale des praticiens exerçant en établissement privé (Fnep). «Quand j’ai vu mon nom sur le bulletin, je suis tombé des nues, j’étais vert de rage», explique le Dr X, qui préfère ne plus voir mentionné son nom... même dans la presse. «On s’est tous les cinq fait entreprendre de la même façon. Un confrère nous a demandé de lui fournir une ordonnance avec nos coordonnées, nos date et lieu de naissance et notre signature sous prétexte d’obtenir des crédits pour une association de formation médicale continue.» Etonné par la présence de son nom sur le bulletin, le médecin a bien essayé d’obtenir des explications auprès de la tête de liste mais n’a «jamais pu le joindre». Il a donc, comme ses confrères concernés, rédigé une déclaration sur l’honneur il y a quelques jours pour dire qu’il n’avait jamais eu l’intention de se présenter sur une liste. «Je ne connais même pas l’existence de ce syndicat ni de son programme, c’est insensé!»

La FMF réfléchit aux suites à donner à l’affaire.

Le Dr Arnaud Deleuze, anesthésiste dans cet établissement, fait également partie des cinq candidats malgré eux. Il regrette d’avoir aveuglément fait confiance au confrère qui l’a sollicité il y a deux mois. «Je n’avais pas conscience de m’engager sur une liste syndicale pour une élection professionnelle, assure-t-il. J’ai rempli une ordonnance et signé après une longue journée pendant laquelle j’avais endormi dix patients.» L’anesthésiste ne prévoit pas d’engager des poursuites à titre personnel. «Mais je me permettrai d’aller dire ce que je pense à la personne qui a abusé de notre confiance. Car on est cinq à s’être fait avoir et on n’est pas cinq débiles.»

Passée la surprise, le Dr Jean-Claude Régi, président de la FMF et tête de liste spécialiste en Paca, envisage d’engager une action en justice à l’issue des élections. «Nous ne pouvons plus rien faire avant la fin des élections, mais nous pouvons agir a posteriori », explique-t-il . La circulaire du 20 février 2006 relative à l’organisation des élections stipule que «le refus d’enregistrement peut être contesté, dans les trois jours de sa notification au candidat tête de liste ou au candidat individuel et à son remplaçant, devant le tribunal d’instance dans le ressort duquel se trouve le siège de la commission d’organisation électorale». «Si nous allons aux tribunaux, c’est l’élection entière qui peut être invalidée et je me dis que ces personnes l’ont peut être fait à dessein. Il y a tout de même des faux en signature dans cette histoire», redoute le Dr Régi.

Directement visé par les accusations des médecins, le Dr Daniel Rollier, tête de liste de la Fnep, est lapidaire : «J’ai des engagements écrits, la liste a été acceptée, agréée par la Commission d’organisation électorale. Il n’y a pas de problème.» Et quand on lui demande comment la Fnep a procédé pour recruter ces candidats, l’élu de l’Union sous l’étiquette Uccsf s’emporte : «Ce n’est pas moi qui me suis occupé du recrutement dans tous les secteurs. Et ces médecins ne sont pas éligibles de toutes les manières.»

Une liste validée par la COE.

La Commission d’organisation électorale (COE) a bien enregistré, selon la procédure habituelle, toutes les listes où apparaissaient les soixante signatures et les renseignements indispensables à l’enregistrement des candidats : les nom, prénoms, date et lieu de naissance, domicile et qualités des candidats. Bref, tous les renseignements que les cinq médecins ont communiqué dans leur « lettre d’engagement ».

«Avec les représentants d’autres syndicats, nous avions des doutes sur l’authenticité de certaines signatures de la liste, mais nous ne pensions pas à l’époque que des médecins avaient été inscrits contre leur gré», explique le Dr Françoise Coux, membre de la FMF à la COE. «Nous avons validé ce document dont nous ne pouvions pas contester l’authenticité, indique-t-on à la préfecture. Nous sommes maintenant en phase de réception des votes. Libre aux personnes qui s’estiment victimes de fraude d’engager un recours devant le juge administratif après le scrutin pour dénoncer un contentieux électoral.»

Le Dr Jean-François Rey, tête de liste spécialiste de la Confédération des syndicats médicaux français (Csmf), dit ne pas être étonné par cette affaire : «On ne sait pas très bien ce que représente ce syndicat monté par des leaders auparavant affiliés à l’Uccsf et à Alliance.» Le Dr Rey n’est pas prêt à porter l’affaire devant les tribunaux, mais il estime que «le préfet de région, s’il découvre un faux en écriture, peut très bien engager un recours et faire invalider la liste». L’affaire a échaudé les cinq candidats malgré eux. Certains, dégoûtés, ont assuré qu’ils ne voteraient pas. Même pour eux.

> CHRISTOPHE GATTUSO

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7965