PAR LE Dr FRANÇOIS DIEVART*
LE PRINCIPE de cette étude cas-témoins était de comparer les données recueillies chez des patients hospitalisés pour la survenue d'un premier infarctus du myocarde (les cas) à celles de sujets les plus similaires possibles, mais sans pathologie cardio-vasculaire et, soit hospitalisés peu après, soit recrutés dans la population, pour un autre motif qu'un infarctus du myocarde (les témoins).
Neuf facteurs jugés modifiables ont été pris en compte et évalués : le statut tabagique ; l'existence d'une hypertension artérielle ; l'existence d'un diabète ; l'obésité abdominale évaluée par le rapport taille/hanches ; les habitudes diététiques et essentiellement la consommation de fruits et de légumes ; l'activité physique ; la consommation de boissons alcoolisées ; le rapport apoB/apoA1 ; et le stress psychosocial évalué par quatre questions simples relatives aux contraintes au travail et à la maison, aux contraintes financières et aux événements vitaux majeurs.
Entre février1999 et mars 2003, un total de 12 461 cas et 14 637 contrôles ont été analysés dans 262 centres provenant de 52 pays répartis en Asie, en Europe, au Moyen-Orient, en Afrique, en Australie, en Amérique du Nord et du Sud.
Les résultats ont montré que les neuf facteurs analysés étaient puissamment corrélés avec le risque d'infarctus du myocarde (p > 0,0001).
Des facteurs de risque.
Les facteurs les plus fortement associés au risque ont été par ordre de relation décroissante de puissance : 1) le tabagisme en cours ; 2) l'élévation du rapport apoB/apoA1 (en considérant la différence entre le quintile le plus bas et le plus élevé) ; 3) le diabète ; 4) l'hypertension artérielle et 5) le stress psychosocial.
Le risque d'infarctus du myocarde est apparu proportionnel au nombre quotidien de cigarettes fumées avec une relation linéaire lorsqu'elle a été exprimée en coordonnées semi-logarithmiques. Ainsi, par rapport aux non-fumeurs, les sujets fumant 40 cigarettes par jour ont un risque d'infarctus du myocarde 9,6 fois plus élevé (IC 99 % : 6,18 à 13,58).
De même, lorsqu'elle a été exprimée en coordonnées semi-logarithmiques, la relation entre le rapport apoB/apoA1 était linéaire sans aucun seuil discernable avec un rapport de risque de 4,73 (IC 99 % : 3,93 à 5,69) pour le plus haut décile par rapport au plus bas.
Les quatre facteurs de risque pyschosociaux évalués ont été significativement plus rapportés parmi les cas que parmi les témoins (p < 0,0001).
Des facteurs protecteurs.
La consommation quotidienne de fruits et de légumes, une activité physique régulière et une consommation d'alcool trois fois ou plus par semaine ont été associées à un risque moindre d'infarctus du myocarde et ces trois éléments ont donc été jugés comme étant des facteurs protecteurs.
L'analyse de la relation entre les différents facteurs et le risque a montré, non pas un effet additif des facteurs, mais un effet multiplicatif sur le risque lorsque plusieurs étaient présents. Le risque d'infarctus du myocarde d'un patient qui cumulerait les neuf facteurs analysés par rapport à un patient n'en ayant aucun est multiplié par 129,20 (IC 99 % : 90,4 à 184,99).
Sous-groupes.
Il a été montré que le premier infarctus survient neuf ans plus tôt chez les hommes que chez les femmes, quelle que soit la région du monde.
Le risque d'infarctus du myocarde associé au tabac, à l'élévation du rapport apoB/apoA1, à l'obésité abdominale, au stress psychosocial, à la consommation de fruits et de légumes était de même ampleur chez l'homme et chez la femme.
En revanche, l'association entre facteur de risque et risque d'infarctus n'est pas sensiblement égale entre l'homme et la femme pour les autres facteurs de risque. Ainsi, il a été constaté que :
- l'existence d'un diabète exposait la femme à un risque d'infarctus multiplié par 4,26 (IC 99 % : 3,51 à 5,18) et l'homme à un risque multiplié par 2,67 (IC 99 % : 2,36 à 3,02) ;
- l'existence d'une hypertension artérielle exposait la femme à un risque d'infarctus multiplié par 2,95 (IC 99 % : 2,57à 3,39) et l'homme à un risque multiplié par 2,32 (IC 99 % : 2,12 à 2,53) ;
- la pratique régulière d'une activité physique protégeait plus le femme (risque diminué de 52 %) que l'homme (risque diminué et 23 %) ;
- la consommation régulière d'alcool protégeait plus la femme (risque diminué de 59 %) que l'homme (risque diminué de 12 %).
La relation entre le risque d'infarctus du myocarde et les facteurs de risque les mieux corrélés avec le risque (tabac, paramètres lipidiques, hypertension, diabète, obésité abdominale et stress psychosocial) est apparue aussi puissante dans toutes les régions du monde analysées et dans tous les groupes ethniques pris en compte.
Neuf facteurs de risque potentiellement modifiables sont fortement corrélés avec le risque de premier infarctus du myocarde et rendent compte de plus de 90 % des infarctus du myocarde dans les populations de 52 pays différents, répartis sur la planète. Ce résultat est concordant chez les hommes et les femmes, dans les différentes régions de la planète et quel que soit le groupe ethnique considéré.
Les atouts.
L'étude INTERHEART est une étude importante pour plusieurs raisons :
- elle est contemporaine ;
- elle a été effectuée à l'échelle planétaire ;
- elle a inclus un nombre important de patients, quels que soient leur âge et leur sexe ;
- elle a pris en compte des facteurs de risque modifiables ;
- elle a pris en compte certains facteurs de risque encore peu ou mal évalués à large échelle.
Les enseignements.
L'étude INTERHEART confirme plusieurs données connues ou supposées et apporte de nouveaux renseignements concernant l'épidémiologie de l'infarctus du myocarde. Ces principaux (r)enseignements sont les suivants :
- INTERHEART démontre que neuf éléments simples sont corrélés avecc le risque d'infarctus du myocarde de façon universelle ;
- les facteurs de risque spécifiquement étudiés dans cette étude expliqueraient 90 % des premiers infarctus du myocarde dans une population et sont potentiellement modifiables ;
- ces facteurs de risque ont des effets multiplicatifs ;
- pour plusieurs facteurs, il existe une relation linéaire entre le degré d'exposition et le risque ;
- l'obésité abdominale est un facteur de risque cardio-vasculaire universel ;
- certains facteurs sont clairement protecteurs ;
- le mode de vie est un élément majeur du risque cardio-vasculaire.
* Clinique Villette, Dunkerque.
(1) « Lancet » 2004 ; 364 (9438) : 937-952.
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