Des mesures de relance économique

Les fonds de tiroir

Publié le 24/03/2005
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C'EST DE LA MICRORELANCE. La prime de participation n'est versée que par les entreprises qui ont dégagé un bénéfice suffisant, après avoir assuré l'équilibre de leur trésorerie, fixé le montant versé aux actionnaires et réservé une somme pour les investissements. Au niveau du salarié, la participation ne représente qu'un faible pourcentage de son revenu annuel. Le Premier ministre ne compte pas, par ailleurs, débloquer les sommes accumulées avant 2005, qui auraient pu représenter un magot assez élevé pour avoir une influence sur l'économie nationale. Et il entend bien taxer au titre de l'impôt sur le revenu la prime de participation qui serait réclamée par les salariés.

Pirouette.
La nouvelle n'est donc pas prodigieuse. Et franchement, il faudrait que les Français soient nuls en arithmétique pour croire que la participation peut remplacer une augmentation de salaire. Par une singulière pirouette, le gouvernement transforme une forme d'épargne détaxée en forme de revenu taxé. On verra combien de gens seront intéressés par le procédé. Mais il est peu probable que cette disposition réduise le nombre et la force des revendications sur le pouvoir d'achat.
Auparavant, M. Raffarin avait laissé entendre qu'il souhaitait faire deux choses : augmenter les fonctionnaires et demander au secteur privé d'augmenter les salaires. Les deux démarches peuvent produire un résultat commun : une légère hausse du pouvoir d'achat. Mais en termes d'équilibres macroéconomiques, elles sont contradictoires. Une hausse des fonctionnaires ne peut être financée que par le budget de l'Etat ; une hausse des salariés du privé permet au contraire à l'Etat de toucher des cotisations et des impôts supplémentaires. Le gouvernement s'est engagé à annoncer une hausse dans la fonction publique, dont il va révéler incessamment le montant, alors que, il y a quelques jours encore, il n'avait pas, jurait-il, le premier centime pour la financer.
En très peu de temps, référendum oblige, il est passé d'une politique budgétaire rigoureuse à une politique de relance. Laquelle a ses limites et n'est donc pas convaincante. On peut admettre en effet que M. Raffarin ait entendu le message populaire et qu'il croie désormais à la nécessité d'améliorer le pouvoir d'achat des Français. Encore faut-il qu'il s'en donne les moyens. Les fonctionnaires n'ont pas tort de réclamer un rattrapage du pouvoir d'achat gelé, selon eux, depuis cinq ans. Il demeure qu'en moyenne ils sont mieux payés que les employés du privé. Or la fonction publique représente en France un salarié sur cinq et pèse donc lourdement sur les finances publiques.

LE PROBLÈME DU POUVOIR D'ACHAT EXISTE, MAIS IL EST MOINS AIGU QUE CELUI DU CH[239]MAGE

Le « non » des patrons.
C'est pourquoi une hausse dans le secteur privé semble plus judicieuse : elle ne coûte rien à l'Etat, qui ploie sous les déficits et la dette, et elle augmente le pouvoir d'achat de 80 % des salariés.
Ce qui complique le projet, c'est que les patrons ont déjà répondu au projet gouvernemental par la négative. Ils ne veulent même pas ouvrir de négociations sur les salaires. Ils rappellent qu'il existe des accords d'entreprise, ce qui est vrai, et qu'il n'y a pas de raison d'intervenir globalement, à la manière d'un « Grenelle ».
Le gouvernement n'a pas encore réagi à la position adoptée par les patrons, mais le débat sur le pouvoir d'achat s'enlise. Si l'on se contente d'augmenter les salaires dans la fonction publique en oubliant le privé, on ne peut pas compter sur une hausse des impôts et des cotisations sur les revenus des privés pour compenser la dépense supplémentaire de l'Etat. L'impact économique d'une amélioration (toute relative) du pouvoir d'achat des fonctionnaires est limité. Le bénéfice pour une seule catégorie de salariés est assorti d'une hausse du déficit budgétaire. Ce qui défavorise l'emploi.
En 2004, malgré une croissance de 2,4 % (supérieure aux prévisions), la France n'a créé que 47 000 emplois et le taux de chômage est remonté à 10 %. Avec une croissance probablement moins forte en 2005, on ne risque pas d'en créer, surtout si la consommation n'est pas encouragée par des mesures en faveur du pouvoir d'achat beaucoup plus convaincantes que celles qui ont été adoptées et signent d'ailleurs le renoncement des pouvoirs publics à harceler le patronat jusqu'à ce qu'il augmente ses salariés.
Les patrons sont restés d'une prudence extrême en 2004. On veut bien que les augmentations doivent être en rapport avec les profits de l'entreprise. Mais les entreprises ont bénéficié d'une baisse des charges sociales et n'ont pas renvoyé l'ascenseur.
Le fond du problème n'est pas que les fonctionnaires, qui ont un emploi garanti et relativement bien payé, perçoivent ou non une augmentation. Le problème, c'est de donner un travail à au moins une partie des deux millions et demi de Français qui n'en ont pas.

> RICHARD LISCIA

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7716