LORSQUE L’ON propose, sur une feuille de papier, l’addition « 4 + 3 = », à un étudiant anglophone et à un autre né en Chine, tous deux inscrivent le chiffre « 7 ». L’observateur est d’abord rassuré sur l’universalité du résultat. S’il est scientifique, il va plus loin et s’interroge. L’utilisation de chiffres arabes pour rédiger l’opération, présentée à des individus de cultures aussi différentes, met-elle en action les mêmes processus cérébraux ?
Cette question, Yiyuan (Dalian, Chine) et coll. l’ont effectivement posée. Ils y ont répondu grâce à l’IRM fonctionnelle. Ils ont constaté que le processus d’apprentissage scolaire influe sur la réponse corticale aux chiffres arabes. Des aires différentes sont stimulées. Ce qui, pour les chercheurs, ne représente pas une surprise totale. Ils rappellent que le calcul mental est associé à la parole. De plus, indépendamment des diverses représentations graphiques des chiffres, un réseau cérébral (incluant le cortex intrapariétal) fournit des représentations sémantiques spécifiques des quantités.
Chinois, anglophone de naissance.
L’étude neurobiologique a été menée auprès de deux groupes de douze volontaires (six de chaque sexe), l’un chinois, l’autre anglophone de naissance. Sous contrôle d’une IRM fonctionnelle, ils ont passé quatre tests : visualisation dans l’espace de symboles ou de chiffres ; addition ; comparaison de taille de chiffres arabes.
L’imagerie, par des changements dans l’activation des aires cérébrales, montre des différences dans la représentation corticale des nombres entre les deux populations. Les anglophones emploient largement les voies du langage, qui repose sur le cortex périsylvien gauche pour le calcul mental (par exemple, une addition simple). Les sinophones mettent en fonction, pour la même tache, un réseau d’association visuo-prémotrice.
Alors que, dans les deux groupes, le cortex pariétal inférieur est stimulé au cours d’une comparaison de quantités numériques, il existe une distinction fonctionnelle entre les groupes de volontaires dans les réseaux cérébraux mis en oeuvre.
Deux implications majeures découlent de ce travail. En premier lieu, à la fois chez les sinophones et les anglophones, il existe une dissociation entre la gestion cérébrale des additions et des comparaisons. Le calcul arithmétique semble davantage sous la dépendance du langage que les comparaisons.
Les codages biologiques des nombres.
En second lieu, la représentation des nombres varie selon l’ethnie. Les deux systèmes de langage formatent la manière de traiter des informations indépendantes du langage. Ils peuvent influencer l’acquisition et la représentation de concepts numériques, d’où les différences dans les traitements corticaux de l’information.
Les codages biologiques des nombres peuvent être conformés par des acquisitions visuelles au cours de l’apprentissage de la parole, ainsi que par d’autres facteurs, tels que les procédés d’enseignement des mathématiques ou les systèmes éducatifs. Les différences relevées ne peuvent donc pas être uniquement le fait des différences de langages.
« Proceedings of the National Academy of Sciences , édition avancée en ligne.
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