Une étude sur la consommation de cannabis

Les fumeurs réguliers sont des jeunes

Publié le 16/05/2005
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EN 2003, quatre millions deux cent mille Français de 12 à 75 ans ont fumé du cannabis, et 850 000 « au moins dix fois dans le mois ». Mais les fumeurs réguliers sont plutôt jeunes : 12,2 % des 17 ans, 6,3 % des 18-25 ans et 1,3 % des 26-44 ans. A partir de ce constat, maintes fois confirmé depuis les années 1990 par l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies, une enquête a été réalisée dans 11 sites en 2004 (1) afin de décrire les habitués du cannabis consommé sous forme d'herbe, de résine ou d'huile (voir encadré). Qui sont-ils ? Quelles sont les modalités d'usage et les conséquences sur la santé ?
Plus de 1 500 questionnaires, remplis par des hommes (72 %) et des femmes de 15 à 29 ans, ayant fumé au moins vingt joints au cours des trente derniers jours, ont été validés. Quatorze pour cent des personnes consultées sont au chômage et 60 % ont un niveau d'étude élevé (bac ou plus). L'âge moyen de l'entrée en toxicomanie est de 15 ans et 4 mois, 36 % ayant commencé avant 15 ans. La plupart des toxicos se fournissent chez des amis (78 %) et/ou des dealers (59 %). Toutefois, les cadeaux sont monnaie courante (66 %), et 24 % disposent d'une culture personnelle, tandis que 18 % achètent à l'étranger. Le recours à Internet reste marginal (2 %). Le prix médian du gramme de résine est de 3,3 euros et celui de l'herbe de 4,6 euros.

De 2 à 9 joints par jour.
Au cours du mois écoulé, 91 % ont consommé de l'herbe, 85 % de la résine et 9 % de l'huile. Alors que le mélange cannabis-tabac, roulé en joint, est utilisé, souvent ou toujours, au cours du mois par 85 % des jeunes, 37 % fument de l'herbe pure et/ou à l'aide d'une pipe sèche ou à eau (39 %). Vingt pour cent ont recours à l'ingestion sous forme d'infusion ou d'aliment ( « space cake »).
Huit sur dix fument de 5 à 7 jours par semaine, à raison de 2 à 4 joints quotidiennement, et du vendredi au dimanche de 5 à 9 joints (37 %), voire plus (36 %). La plupart disent fumer souvent ou très souvent avec des amis (83 %) et 45 % seuls, à leur domicile (66 %), lors de fêtes ou dans les boîtes (61 %). La sensation recherchée est la détente, le partage et l'esprit festif. En revanche, un certain nombre s'adonnent à « leur » produit par habitude, pour dormir ou « se défoncer ».
En ce qui concerne l'association avec d'autres produits psychoactifs, huit sur dix ont fumé du tabac et/ou bu de l'alcool (85 %) au cours du mois écoulé, et 17 % boivent plus de deux verres cinq jours ou plus par semaine. Près de quatre sur dix ont pris au moins une fois de l'ecstasy, des champignons hallucinogènes (41 %) ou de la cocaïne (40 %) au cours de leur vie.

L'importance de la prévention.
Sur douze mois, 21 % de la population étudiée reconnaît avoir souvent trouvé « difficile » une journée sans drogue, et 5 % ont essayé en vain de réduire ou d'arrêter le cannabis. Quinze pour cent ont fréquemment ressenti un manque d'énergie ou de motivation, et 13 % évoquent des troubles de mémoire récurrents. Les effets indésirables, tels que le « bad trip », la crise d'angoisse et les hallucinations, sont habituels pour 3 % et épisodiques pour 16 %. La survenue à répétition de disputes sérieuses et de tracas d'argent est rattachée à la toxicomanie par 8 % des personnes, à des difficultés au travail ou dans les études. Quatre pour cent ont régulièrement des problèmes avec la loi. Par ailleurs, 71 % ont utilisé un véhicule à moteur moins de quatre heures après avoir fumé.
Au total, les pépins associés au cannabis « sont fréquents mais le plus souvent épisodiques », commentent les spécialistes. La fragilité sociale (chômage, faible niveau d'étude) semble entraîner un usage « plus problématique, soulignant l'importance du maintien ou du rétablissement d'une insertion sociale correcte » pour limiter la toxicomanie. Quant à ceux qui commencent à fumer tôt, ils deviennent des assidus avec des modes de consommation autres que le joint, et présentent un « risque d'usage problématique » plus élevé que les autres. Cela met en évidence « l'importance d'une prévention primaire, et d'une prévention secondaire et si possible, une prise en charge rapide », en cas d'usage précoce, concluent les enquêteurs.

(1) Bordeaux, Dijon, Lille, Lyon, Marseille,Metz, Paris, Rennes, Toulouse, la Guyane et la Martinique. Enquête publiée dans le « Bulletin épidémiologique hebdomadaire », n° 20/2005 du 17 mai.

Le Quotidien du Mdecin

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7750