L'INCONTINENCE urinaire n'est pas réservée aux femmes. Elle n'est pas l'apanage des personnes âgées. Elle n'est pas non plus une fatalité et peut toujours être, sinon prévenue, du moins traitée. L'Association française d'urologie (AFU) organise une Semaine nationale de l'incontinence, jusqu'au 13 mai, pour tenter d'en convaincre à la fois le grand public et les professionnels de santé. « Il ne s'agit pas de faire du dépistage, mais d'informer les patients », précise le Pr François Haab.
Pour ce faire, la Cpam de Paris a mis la main à la pâte en publiant un dépliant d'information*. Car le patient est le premier à pouvoir déterminer son incontinence, puisqu'on la définit par l'association des troubles mictionnels et de la gêne exprimée.
Faire prendre conscience.
Le médecin généraliste se retrouve « en tête de pont », explique-t-on à l'AFU, pour déclencher une prise de conscience. Les patients n'en parlent que rarement d'eux-mêmes et il ne faut pas hésiter à les questionner (voir encadré). Aujourd'hui, estime le Pr Christian Coulange, les personnes souffrant de troubles urinaires sont « un enfant sur dix, un homme sur dix, une femme sur trois, dont 20 % de moins de 30 ans, et 30 % seulement vont consulter pour ce type de trouble ».
Parmi les facteurs de risque peu médiatisés, on trouve le tabac, la toux chronique, l'obésité, les sports de combat et les mauvais comportements mictionnels acquis durant l'enfance, en particulier du fait de l'insalubrité des toilettes où les enfants se retiennent d'aller pendant la journée, d'où une distension de la vessie.
Selon le Pr Philippe Grise, il n'y « pas besoin d'examens complémentaires compliqués, mais d'un interrogatoire bien fait »... par son généraliste. Pour aider ces derniers, l'AFU met donc à leur disposition sur son site Internet un « catalogue mictionnel »* : il s'agit tout simplement d'un questionnaire dans lequel le patient pourra recenser sur 24 heures, si possible pendant 2-3 jours, les heures et volumes de miction et les événements associés (fuites, douleurs, mais aussi activité physique, prise de boisson, etc.). « En général, c'est déjà une part de la prise en charge, explique le Pr Emmanuel Chartier-Kastler. Le catalogue évalue autant la gêne et la motivation du patient pour se traiter, que le trouble lui-même. »
Le généraliste peut proposer à son patient de remplir le questionnaire à l'occasion, puis d'en parler lors d'une consultation ultérieure : « Quand c'est écrit, c'est plus facile d'en parler. »
Le praticien rappelle que parfois des « mesures très simples sont suffisantes » : diminuer la quantité de boissons ingérées, ne plus boire après 18 h, etc. Une personne urine normalement « 1,5 à 2 litres par jour », a expliqué le Pr Chartier - et non 4 litres comme c'est le cas de certaines patientes. Le professeur a fustigé au passage la publicité à outrance pour les eaux minérales : « Si boire beaucoup faisait maigrir, ça se saurait ! »
A chaque cas son traitement.
Les membres de l'AFU ont tenu à rappeler la diversité des traitements qui peuvent intervenir pour tous les types d'incontinence, en fonction de la cause du trouble et de la gêne ressentie. Ainsi pour une incontinence d'effort, on pourra proposer une rééducation périnéale en première intention (le « traitement de référence »). Mais d'autres possibilités existent, comme l'injection intra-urétrale d'une solution d'acide hyaluronique et sucre (à résorption lente). Les spécialistes ont également évoqué la pose de bandelettes en cas d'incontinence de volume important avec altération de la qualité de vie. Cependant, le marché étant attractif, il existe en France « plus de 25 bandelettes différentes » avec des produits « diversement évalués », ont-ils rappelé. L'AFU a donc demandé une enquête de matériovigilance renforcée à l'Afssaps, dont les résultats sont en cours de dépouillement : « On voudrait définir une norme française qu'on espère exporter ensuite en Europe », a expliqué le Pr Grise. Pour les incontinences graves, la pose d'un sphincter artificiel est envisageable. Enfin, pour l'avenir, les urologues attendent l'autorisation des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline qui donnent de « grands espoirs » mais n'ont pas encore convaincu la FDA. Une demande d'inscription au remboursement est par ailleurs en cours auprès de l'Afssaps pour la pose en ambulatoire de ballons ajustables destinés à comprimer l'urètre. Dans le cas d'une hyperactivité vésicale, les urologues ont rappelé la possibilité de proposer des anticholinergiques associés à une prise en charge comportementale (mais risque de désorientation chez les personnes âgées). Des études sont en cours sur une adaptation de la toxine botulique pour les incontinences non liées à une lésion neurologique. Enfin, une neuromodulation peut aussi être proposée en dernière intention.
Selon l'AFU, le coût des soins exclusivement médicaux de l'incontinence hors institution s'élèverait à plus de 100 millions d'euros par an, le double pour les patients institutionnalisés. Le Dr Jean-Pierre Giordanella, directeur de la politique et des services de prévention de la Cpam de Paris, avertit : « Si on ne fait rien en amont, on va voir augmenter le nombre de pathologies plus lourdes. »
* Infos au 0820.202.502 (n° Indigo 0,09 Euros/min), jusqu'au 13 mai, ou www.urofrance.org pour s'informer ou télécharger les documents.
Questionnez vos patient(e)s
Une réponse positive à l'une de ces questions est un signe d'alerte :
- Constatez-vous des fuites urinaires lorsque vous faites un effort : toux, éternuement, soulever un poids, courir, etc. ? > Incontinence à l'effort, la plus fréquente.
- Avez-vous des besoins d'uriner pressants que vous arrivez difficilement à maîtriser ? Urinez-vous plus de 8 fois par 24 heures ? Vous levez-vous la nuit pour uriner deux fois ou plus ? > Hyperactivité vésicale.
- En urinant, ressentez-vous des brûlures ou des picotements ? > Cystite (une des principales causes d'hyperactivité vésicale).
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