Les hôpitaux ne sont pas à la fête. Outre les gels de Migac décidés par la tutelle (cf. p. 5), ils doivent, pour nombre d’entre eux, s’acquitter d’amendes, parfois astronomiques, pour erreur de codage en défaveur de l’assurance maladie. Depuis 2006, passage à la T2A oblige, les hôpitaux se doivent de coder les séjours et les actes en fonction de grilles tarifaires. En cas d’erreurs de codage, non seulement ils sont astreints à rembourser les indus, mais ils sont également sanctionnés. Le montant des amendes est fixé par les agences régionales de santé, tandis que les indus sont récupérés par l’assurance maladie. Depuis l’exercice 2008 (contrôlé en 2009), en raison du passage à la T2A 100 %, les amendes ont pris des proportions inquiétantes, qui n’ont pas manqué d’alerter les responsables hospitaliers. « Les contrôles de l’assurance maladie sont tout à fait légitimes. Mais depuis 2010, de nombreux hôpitaux ont été sanctionnés lourdement, alors même qu’ils traversent une situation financière difficile », déplore Alain Hériaud, tout nouveau président de la conférence des directeurs généraux de CHU. Et de citer, pêle-mêle, les Hospices civils de Lyon (HCL), le Chu de Nantes, ou encore le Chu de Dijon. Ce sont cependant les HCL qui seraient soumis au plus lourd coup de massue : pour un indu de 700 000 euros réclamé par l’assurance maladie sur l’exercice 2008, l’établissement s’est vu infliger une amende de 18,5 millions d’euros ! Cette amende a été notifiée en mai dernier. Contactés en janvier, les HCL ont déclaré qu’ils continuaient à « négocier » avec la tutelle pour abaisser le montant de cette pénalité.
Règne de l’arbitraire ?
Le Chu de Dijon, en revanche, a achevé ses négociations avec l’ARS, et a dû s’acquitter d’une amende de 740 000 euros en janvier, pour un indu de 118 000 euros. Ces indus, explique le directeur Pierre-Charles Pons, sont dus à des erreurs de codage, dus au passage à 100 % de T2A en 2008. Si l’assurance maladie a constaté, lors de ces contrôles en 2009, des indus de 118 000 euros, elle estime cependant que le préjudice subi est de 1,6 million d’euros. D’où l’importance de la pénalité. Mais le Chu ne l’entend pas de cette oreille. Et compte introduire un recours, ce qui sera décidé au prochain conseil de surveillance de février prochain. Au Chu de Nantes, le sentiment d’injustice prévaut. « En mai dernier, l’assurance maladie nous a signifié des indus de l’ordre de 490 000 euros, que nous avons finalement ramenés à 390 000 euros. Notre budget annuel est de 700 millions d’euros. Pour ces erreurs de codage, l’ARS a voulu nous infliger une amende de 2 448 000 euros », se rappelle Luc-Olivier Machon, directeur adjoint du Chu de Nantes. « Nous avons été surpris par le montant de cette amende, la première que nous recevions depuis que nous sommes contrôlés en 2006. Nous étions surpris à double titre : nous ne comprenions pas comment l’ARS avait calculé cette pénalité, et nous avons également constaté qu’elle n’était pas motivée. Aucun fait reproché n’expliquait cette sanction. » Le Chu décide donc d’introduire un recours auprès de l’ARS. Et le 6 aout, l’ARS leur répond en ramenant cette pénalité à un montant de 1 710 912 euros. « Nous n’étions toujours pas satisfaits, ajoute Luc-Olivier Machon. Aucune explication sur le montant de cette sanction ne nous était fournie. » La direction a donc décidé d’attaquer cette décision devant le tribunal administratif. « Mais ce recours devant le tribunal administratif n’est pas suspensif. Nous avons donc réglé le montant de cette pénalité le 6 septembre. » Contactée, l’assurance maladie n’a pas répondu à nos questions.
Sentiment d’injustice
La tutelle, en revanche, dans le rapport 2010 au parlement sur la T2A, revient sur ces pénalités : « Les campagnes 2007, 2008 et 2009 ont donné lieu à des récupérations d’indus pour, respectivement, 26, 14 et 30 millions d’euros, et pour les deux secteurs d’hospitalisation de court séjour, à des sanctions financières proposées aux commissions exécutives (Comex) des anciennes ARH, pour un montant de 4 millions d’euros en 2007, de 14 millions d’euros en 2008 et de l’ordre de 42 millions d’euros en 2009. Ils permettent également de sensibiliser les établissements à la nécessité d’établir un codage sincère et conforme à la réglementation en vigueur. » Toujours est-il que ces sanctions, plutôt que de faire œuvre pédagogique, distillent un sentiment d’injustice chez les managers hospitaliers, tant leur montant semble élevé. La CGT a dénoncé de son côté une manœuvre visant à « accentuer les déficits des établissements, imposer des plans de redressement, supprimer des postes et passer au privé ce qui est rentable ».
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