LE Dr VINCENT RENARD, président du Syndicat national des enseignants de médecine générale (Snemg), n’est pas surpris par l’ampleur de la grève lancée le 9 novembre. «Trente et une facultés sur 34 ont voté la grève totale des enseignements, de l’encadrement des stages et de l’organisation administrative, indique-t-il .Si ce mouvement est aussi massif, c’est qu’il existe une angoisse massive sur le sort de la discipline universitaire et l’avenir de la spécialité.» Trois ans après la mise en place du diplôme d’études spécialisées (DES), qui a consacré la médecine générale comme spécialité, l’inscription de la discipline au sein de la sous-section 53-01 du Conseil national des universités (CNU) devrait constituer une apogée. Il n’en est rien. «Depuis trois ans, nous n’avons obtenu ni calendrier ni moyens des ministères de la Santé et de l’Enseignement supérieur pour préparer cette filière, commente le Dr Renard. Sans mesures complémentaires, ce texte est une coquille vide.»
De l’avis de nombreux observateurs, la médecine générale vit des heures difficiles. La spécialité a été délaissée par plus de 2 000 internes lors du choix de spécialité d’internat des trois premières éditions des épreuves classantes nationales (ECN). Ce non-choix risque de causer de sérieux problèmes démographiques puisque «ce sont 30% de la cohorte d’étudiants en médecine générale qui ne sont pas présents en 3ecycle». La méconnaissance de la discipline par les étudiants lors du choix de la spécialité est soulignée depuis de nombreuses années. Un stage de médecine générale pendant le 2e cycle doit voir le jour dans toutes les facultés, mais l’arrêté annoncé par le ministre de la Santé dans nos colonnes n’est toujours pas paru au « Journal officiel ». Etudiants et enseignants en attendent beaucoup, même si les moyens débloqués par le ministère de la Santé pour le mettre en place cette année (5 millions d’euros) leur semblent insuffisants au regard des 15 à 20 millions d’euros nécessaires. De l’avis du Snemg, il est pourtant urgent de réformer la place de la spécialité à l’université. «Aujourd’hui, la médecine générale représente 115enseignants associés à mi-temps pour assurer l’encadrement de 7000internes de médecine générale, alors que 5200universitaires à temps plein s’occupent des internes des autres spécialités, commente le Dr Renard. Cela pose évidemment problème pour l’encadre-ment et l’organisation du DES, l’intervention pendant le 2ecycle et bientôt l’organisation du stage de médecine générale pendant l’externat.» Par ailleurs, les quelque 4 000 maîtres de stage ne disposent d’aucun statut ni de reconnaissance de leur fonction enseignante, et leurs honoraires, bloqués depuis dix ans, sont versés avec un important retard.
Entre colère et espoir...
Le Snemg demande davantage de moyens : la titularisation de 120 enseignants recrutés sur des critères spécifiques dans le cadre d’un plan d’intégration sur trois ans ; l’augmentation du nombre d’enseignants associés à 250 ; la mise en place du stage de médecine générale pendant le 2e cycle et la création annuelle de postes de chef de clinique universitaire assistant ambulatoire en médecine générale. Depuis le 9 novembre, la grève s’est répandue comme une traînée de poudre dans les facultés. «Le mouvement a pris immédiatement dans toutes les facs parisiennes, explique le Dr Christian Ghasarossian, maître de conférences à l’université de Paris-V. Nous avons atteint un degré très élevé de ras-le-bol depuis tout ce temps. On nous demande d’assurer le métier d’enseignant, mais on ne veut pas nous en donner le statut.» Même colère, même conséquence à Dijon, Grenoble, Lille, Montpellier… Seules les facultés de Rennes, Caen et Marseille ne se sont pas associées aux mouvements. Le syndicat a obtenu le soutien des syndicats d’étudiants, d’internes (voir encadré), de jeunes généralistes et de médecins. La conférence des doyens, pour sa part, a rappelé que la grève inédite des enseignants en médecine «mettait à mal la formation des étudiants». A l’issue d’un entretien avec la conseillère santé du Premier ministre, le Snemg a l’espoir que le conflit ne s’éternisera pas. «Le noeud du problème n’est pas d’ordre financier, explique le Dr Renard. Nous estimons que la titularisation des 120enseignants, l’inscription de 250associés et le changement de statut des maîtres de stage n’excéderaient pas une trentaine de millions d’euros.» Nul doute que ce sujet brûlant sera au coeur du 7e Congrès national du Collège national des généralistes enseignants (Cnge), jeudi et vendredi à Poitiers.
Journée d’action le 7 décembre
L’Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (Isnar-Img) a appelé à une journée nationale d’action le 7 décembre. «Nous organiserons une manifestation à Paris qui pourra être suivie d’actions dont les modalités sont encore à définir, annonce Paul Frappé, secrétaire général adjoint de l’Isnar-Img. Vingt et une villes de facultés sur 24 ont voté le soutien de la grève des généralistes enseignants lors d’une assemblée générale téléphonique. Nous demandons la publication du calendrier et des moyens qui permettraient à la filière universitaire d’être fonctionnelle dès la rentrée prochaine.» Les internes redoutent qu’à la suite de la grève des enseignants, les doyens et les Drass transforment le stage chez le praticien en stage hospitalier. «Cela entraînerait un mouvement massif de contestation», met en garde Paul Frappé.
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