SI LES MALADES continuent toujours à suivre les prescriptions des médecins libéraux, leur méfiance grandissante est en train de compliquer sérieusement le colloque singulier. C'est le constat qu'ont dressé les participants de la journée de « santé publique et médecine libérale » organisée par l'union régionale des médecins libéraux (Urml) d'Ile-de-France sur le thème du principe de précaution et du bénéfice-risque. Les polémiques autour de la vaccination contre l'hépatite B sont typiques de cette situation. « Nous sommes en face d'un effet pervers de la mauvaise utilisation du principe de précaution : seulement 30 % des nourrissons sont aujourd'hui encore vaccinés », note le Pr Frédéric Prudhomme, vice-président de la section spécialiste de l'Urml d'Ile-de-France. Même constat dans le cabinet du Dr Marianne Buhlher, gynécologue : « Nous sommes pris entre plusieurs feux : des recommandations officielles parfois contradictoires et l'information donnée par les médias grand public qui est souvent mal comprise par nos patientes. Ce qui fait qu'elles retirent leur confiance, au point que nous perdons parfois des patientes de vue avant d'avoir pu discuter le traitement avec elles. » A noter que le principe de précaution tel qu'il est désormais défini dans la Constitution concerne uniquement les « autorités publiques ». Mais la médecine libérale s'y trouve aussi confrontée par ricochet. « Il y a eu une extension du principe de précaution de l'environnement à la santé humaine, mais il ne faut pas perdre de vue que ce principe est d'abord un principe d'action dans un contexte particulier, celui de l'incertitude scientifique », souligne le Pr Alain Grimfeld, du conseil scientifique de l'Afssaps. La notion ne devrait pas conduire à bloquer l'action du médecin puisqu'il n'existe pas dans la législation de délit de « défaut de mise en œuvre du principe de précaution ». En revanche, elle a très certainement pour corollaire une meilleure information et éducation du patient.
Une enquête auprès des médecins.
Interrogés par l'Urml le mois dernier, sur la base d'une enquête express effectuée auprès de 111 généralistes, pédiatres, rhumatologues et gynécologues franciliens, les médecins libéraux livrent tous la même impression : 71,2 % considèrent que les récents allers-retours contradictoires portant sur des recommandations de prescription ont rendu leur patients plus méfiants. Plus grave, dans 38,5 % des cas, les médecins répondent que cette méfiance s'est traduite pas un arrêt du traitement en cours et dans 34,5 % par le refus de la mise en place d'un traitement jugé nécessaire par le praticien. Si beaucoup de médecins libéraux sont très critiques face à la presse grand public et sa couverture jugée parfois spectaculaire des controverses scientifiques, certains sont aussi dubitatifs face aux recommandations souvent elles-mêmes médiatisées. Ainsi, 17 % considèrent que les recommandations ont un impact direct sur la qualité de vie de leurs patients, chiffre qui s'élève à 30 % chez les gynécologues en particulier sur le traitement hormonal substitutif. Une sévérité qui s'explique peut-être par le fait que pour les quatre cinquièmes de ces médecins, la profession médicale en exercice est insuffisamment associée à la production de ces recommandations.
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