DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL
LUNDI 2 MAI, plus de 5 000 médecins exerçant dans les hôpitaux universitaires sont descendus dans la rue pour protester contre l'augmentation, sans compensation de salaire, de leur temps de travail et la suppression de différentes primes. En Allemagne, les hôpitaux universitaires sont sous la tutelle des régions, qui ont pris ces mesures pour des raisons d'économie. De plus, les médecins hospitaliers continuent à effectuer jusqu'à 20 ou 30 heures supplémentaires par semaine, en dépit de la directive européenne sur le temps de travail, toujours pas appliquée, faute de moyens et de personnel. Les médecins menacent d'organiser des actions plus dures pour obtenir satisfaction.
De leur côté, les médecins libéraux envisagent, eux aussi, de recourir à des grèves administratives, essentiellement en raison de la détérioration de leurs conditions d'exercice.
Vingt-cinq mètres de documents.
Au cours de son dernier congrès, le principal syndicat de médecins libéraux allemand, le Hartmannbund, s'est amusé a accrocher, sur une corde à linge, tous les documents administratifs nécessaires aux relations entre une caisse et un médecin pour un seul patient : mis bout à bout, ces documents atteignent la longueur impressionnante de 25 m. Selon l'Ordre des médecins, certains praticiens finissent par passer 80 % de leur temps derrière leur ordinateur. La mise en place de références médicales pour certaines pathologies n'a fait qu'aggraver les choses. « Notre travail consiste désormais à cocher des sortes de check-list totalement dépersonnalisées », s'insurge le président de l'Ordre, le Pr Jörg Dietrich Hoppe, qui dénonce aussi les dépenses occasionnées par des mesures a priori économiques : « Les caisses dépensent 340 millions d'euros par an pour vérifier que nous suivons bien les références et les directives pour le traitement du diabète, c'est absurde », dit-il.
Peu de candidats, beaucoup de départs.
Il n'est pas étonnant, dans ces conditions, qu'un nombre croissant de médecins quittent la profession, tandis que les étudiants la délaissent. Aujourd'hui, seuls 16 % des médecins ont moins de 35 ans contre un tiers en 1990, et la moitié des médecins a actuellement plus de 50 ans. Beaucoup de praticiens se reconvertissent dans des activités plus lucratives et moins fatigantes, notamment dans l'administration sanitaire et hospitalière. Tandis que les plus anciens ont du mal a trouver des successeurs, les jeunes médecins hésitent à s'installer et la pénurie de médecins, déjà très sensible dans l'ex-Allemagne de l'Est, commence à toucher aussi certaines régions de l'Ouest.
En outre, même si les reformes entreprises ces dernières années pour équilibrer les finances de l'assurance-maladie commencent à porter leurs fruits, les médecins s'inquiètent de voir que le système de santé est « de moins en moins social », à l'image du ticket modérateur de 10 euros par trimestre et par médecin consulté, qui pénalise clairement les patients les plus pauvres. Plusieurs études ont montré que ce ticket modérateur pousse effectivement les patients à retarder une consultation, voire à ne pas la demander. L'encaissement de ces 10 euros reste par ailleurs une tâche pénible pour les médecins, peu habitués jusque-là à une telle activité en raison du tiers payant généralisé. Près de 98 % des patients payent néanmoins sans rechigner, mais faire payer les récalcitrants peut tenir de l'exploit. Les unions de médecins, chargées de cette mission, doivent payer jusqu'a 150 euros de frais de justice pour y parvenir et ont donc annoncé qu'elles renonçaient désormais à ces recouvrements, les 10 euros étant destinés aux caisses, et non aux médecins...
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