Hématurie
Gérard N.,10 ans, est hospitalisé pour une hématurie macroscopique contemporaine d'une rhinite. Cette hématurie est non douloureuse, il n'a pas de caillots. Le bilan initial révèle les éléments du syndrome néphritique aigu : protéinurie à 2 g/24 heures, hématurie à 300 000 hématies/ml, œdème du visage et des membres inférieurs, hypertension artérielle à 145/92 mmHg, oligo-anurie. Le bilan sanguin révèle une discrète insuffisance rénale avec une créatinine plasmatique à 110 μmol/l, la clairance étant calculée à 50 ml/min. L'évolution sera spontanément favorable en quelques jours avec régression des œdèmes, reprise de la diurèse, normalisation de la pression artérielle (95/65 mmHg), baisse de la protéinurie à 1 g/24 heures, retour à une fonction rénale normale, la créatinine plasmatique revenant à son niveau antérieur : 45 μmol/l.
Douleurs abdominales et pétéchies
L'interrogatoire apprend que dix jours auparavant, ce jeune patient a eu des douleurs abdominales, une éruption de petites pétéchies au niveau des chevilles, dont certaines sont encore présentes le jour de l'hospitalisation. Le bilan hématologique montre une numération globulaire normale, les plaquettes en particulier sont à 210 000/mm3, il persiste un discret syndrome inflammatoire avec une CRP à 15 mg/l. Le jeune patient n'est pas fébrile. Le diagnostic de purpura rhumatoïde a été évoqué par le médecin traitant.
Question 1
L'atteinte rénale est-elle celle d'une néphropathie du purpura rhumatoïde ?
Chez ce jeune garçon âgé de 10 ans, l'histoire clinique est évocatrice d'un purpura rhumatoïde : les douleurs abdominales, l'éruption contemporaine de pétéchies, le contexte grippal sont les éléments sémiologiques qui permettent de retenir ce diagnostic. L'apparition d'un syndrome néphritique aigu inauguré par une hématurie macroscopique dix jours plus tard est reliée, jusqu'à preuve du contraire, à la maladie initiale, c'est-à-dire à la complication rénale du purpura rhumatoïde. Une telle atteinte rénale n'est pas toujours aussi symptomatique. C'est une bonne pratique clinique de faire une recherche d'hématurie microscopique dans les semaines qui suivent un purpura rhumatoïde.
Peut-il s'agir d'une glomérulonéphrite postinfectieuse ? Le délai de dix jours entre l'épisode infectieux initial et l'apparition du syndrome néphritique aigu seraient des éléments en faveur. Généralement, la glomérulonéphrite postinfectieuse s'accompagne d'une hypocomplémentémie (baisse du complément total CH50) et, éventuellement, si l'on évoque une cause streptococcique, une élévation des anticorps spécifiques. L'autre diagnostic serait celui d'une néphropathie à IgA primitive ou maladie de Berger que l'on peut évoquer lorsque l'hématurie macroscopique est contemporaine d'un épisode infectieux ORL. C'est un signe quasi pathognomonique chez un sujet jeune. On connaît aujourd'hui la parenté génétique et physiopathologique de la néphropathie du purpura rhumatoïde et de la maladie de Berger.
Chez ce jeune patient, c'est donc le diagnostic de néphropathie du purpura rhumatoïde qui est retenu.
Question 2
Est-il nécessaire de pratiquer une biopsie rénale ?
L'intérêt d'une biopsie rénale est double : confirmer par l'histologie le diagnostic évoqué par l'analyse clinique, préciser la sévérité de l'atteinte rénale en vue d'une décision thérapeutique. L'indication d'une biopsie rénale doit toujours relever d'une analyse préalable sur le rapport bénéfice/risque. Si le risque est supérieur au bénéfice attendu, elle ne doit pas être pratiquée. En clair, si le bénéfice attendu est une décision thérapeutique, elle doit être pratiquée.
Chez notre jeune patient, le diagnostic de néphropathie à dépôts d'IgA entrant dans le cadre de l'atteinte rénale du purpura rhumatoïde ne fait aucun doute. La biopsie rénale ne peut donc se justifier par le simple besoin de confirmer le diagnostic.
La question qui est posée est celle du risque d'évolution vers l'insuffisance rénale terminale. En effet, la néphropathie du purpura rhumatoïde peut parfois évoluer en quelques mois vers une destruction complète des reins. La décision sur la gravité éventuelle de l'atteinte rénale relève d'abord d'une analyse clinique, car il existe souvent une bonne corrélation anatomo-clinique.
Chez ce patient, la révélation de la néphropathie du purpura rhumatoïde s'est faite par un syndrome néphritique aigu dont l'évolution a été rapidement favorable, avec une baisse de la protéinurie, la disparition de la rétention hydrosodée, la normalisation de la pression artérielle et le maintien d'une fonction rénale normale. Seules persistent les anomalies du sédiment urinaire avec une protéinurie à 1 g/l et une hématurie microscopique. Une telle évolution spontanée n'est pas en faveur d'une glomérulonéphrite sévère qui aurait justifié la mise en route immédiate d'un traitement immunosuppresseur lourd. Il n'est donc pas urgent de faire une biopsie rénale puisque aucun traitement ne sera engagé.
Question 3
Quelle doit être la surveillance engagée par le médecin traitant dans les semaines suivantes ?
Cette évolution favorable dans un premier temps ne garantit pas pour autant l'avenir. En effet, la néphropathie du purpura rhumatoïde a la particularité d'évoluer par poussées, une telle aggravation ne pouvant être jugée que par la surveillance des paramètres biologiques sanguins et urinaires. Il est en effet très peu probable que le patient rechute de son syndrome néphritique aigu. Il sera donc recommandé au médecin traitant de surveiller le sédiment urinaire de ce jeune patient chaque mois pendant les six mois suivants (protéinurie des 24 heures, créatinine plasmatique). La réapparition d'une hématurie macroscopique n'est pas un signe de gravité. C'est la progression de la protéinurie qui en est un. Toute protéinurie permanente supérieure à 1 g/24 heures est un facteur de risque de progression de la néphropathie. Si, au bout de six mois, le patient conservait une protéinurie permanente > 1 g/24 h, il serait légitime de lui faire une biopsie rénale. Celle-ci recherchera alors deux types d'information : la sévérité des lésions tubulo-interstitielles, le caractère prolifératif de l'atteinte glomérulaire, que la prolifération soit endo- et/ou extracapillaire, le plus souvent segmentaire. La découverte à la biopsie d'un petit croissant extracellulaire riche en fibrine est un élément histologique suffisant pour mettre en place un traitement corticoïde. En revanche, si la biopsie ne montre pas de signes de prolifération cellulaire, un traitement néphroprotecteur par IEC ou sartan pourrait être engagé.
Si, au bout de six mois de surveillance, le sédiment urinaire se limite à une hématurie microscopique sans protéinurie, si la pression artérielle est normale, cela signifiera que la néphropathie du purpura rhumatoïde n'est plus évolutive et que l'hématurie est séquellaire, pouvant persister pendant plusieurs années. Une surveillance annuelle du sédiment urinaire et de la fonction rénale est alors suffisante.
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